Voyager enceinte

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Pendant longtemps on a déconseillé aux femmes enceintes tout déplacement et voyage, que ce soit en avion, en voiture ou en train. Aujourd’hui s’il n’est plus question d’interdire de voyager pendant la grossesse, il convient cependant de rappeler certains conseils :

A condition que la femme soit en bonne santé et qu’elle n’attende pas de jumeaux, il est recommandé de choisir de faire son voyage plutôt au 2ème trimestre de la grossesse : durant le 1er trimestre il y a des risques de fausse couche et au cours du 3ème trimestre des risques d’accouchement prématuré, de rupture de la poche des eaux, de saignements, d’hypertension artérielle… ce qui ne contre-indique pas de se déplacer si aucun symptôme particulier n’est survenu.

En cas d’antécédents de fausse couche ou d’accouchement prématuré, la prudence est de mise.

Idem pour les grossesses à risque, pour tout désir de départ en voyage enceinte, il convient de demander l’avis du médecin ou de la sage-femme.

De manière générale, il est préférable de limiter les grands déplacements pendant le troisième trimestre, et de se déplacer avec son dossier obstétrical dans la mesure du possible.

Pour les voyages aux destinations lointaines, ou avec des activités particulières : la plongée est formellement contre-indiquée pendant la grossesse en raison des risques de décompensation du foetus. Privilégiez le snorkling !

De même, évitez les différences d’altitude de plus de 2.000 mètres !

Cela peut paraît évident, mais mieux vaut-il le répéter : durant la grossesse, il faut éviter les régions où sévit fortement le paludisme, ainsi que les pays nécessitant des vaccins spécifiques. Aussi, privilégiez les destinations où des services médicaux de qualité existent. 

Et bien sûr, n’oubliez pas de vous protéger de fortes chaleurs et du soleil si vous partez dans le “sud”.

Vous l’aurez compris, pour voyager enceinte et en toute sécurité, le mot d’ordre à respecter est celui-ci : ” pas d’excès” !

Enfin, outre la sécurité, le confort est primordial pour les femmes enceintes en voyage. Dans la mesure du possible, il est donc conseillé d’éviter les grands trajets en voiture ou en avion.

Résumé

Voyager enceinte est possible. On recommandera de: voyager au deuxième trimestre, éviter les régions à forte endémicité de paludisme, favoriser les destinations où il existe des services médicaux de qualité, prévoir un voyage de type confortable, sans grands trajets en voiture ou en avion, avoir une bonne couverture d’assurance, s’abstenir en cas de grossesse à risque. Les risques et bénéfices des vaccinations et des médicaments prescrits doivent être pesés, en se rappelant qu’une femme enceinte est plus vulnérable et à plus haut risque de complications.

Les femmes enceintes voyagent et souvent prennent des risques. Deux études révèlent que la moitié des quelque 300 parturientes interrogées avaient voyagé durant leur grossesse, le plus souvent entre le quatrième et le cinquième mois, hors Europe et sans assurance couvrant le nouveau-né. Deux tiers n’avaient pas consulté avant leur départ, les autres avaient consulté un médecin généraliste ou une sage-femme ciblant uniquement les vaccinations.1 Pourtant, plus fragile et prenant des risques pour deux, la femme enceinte devrait être conseillée judicieusement pour partir en connaissant les risques liés au voyage et à la grossesse.2 Avant de décider de partir, une femme enceinte devrait être convaincue de la nécessité ou du bien-fondé du voyage pendant sa grossesse.

RISQUES LIÉS À LA GROSSESSE

La grossesse entraîne de nombreuses adaptations physiologiques qui rendent la femme enceinte plus sensible aux pertes liquidiennes, à l’hyperthermie, aux hypoglycémies, aux risques thromboemboliques, aux infections et aux troubles digestifs. Les modifications du cycle entéro-hépatique peuvent altérer le métabolisme de certains médicaments, dont le choix est déjà restreint pendant la grossesse.2 Par exemple au troisième trimestre de la grossesse la concentration plasmatique de l’atovaquone-proguanil donnée en traitement s’avère être moins de la moitié de celle mesurée chez les malades non enceintes.

La grossesse comprend deux périodes instables : le premier trimestre avec un risque augmenté d’accouchement spontané ou de grossesse extra-utérine et le troisième trimestre avec risque d’accouchement prématuré, hémorragie, rupture prématurée des membranes, hypertension artérielle. De fait la meilleure période pour voyager est le deuxième trimestre (16e-28e semaine), à condition qu’il s’agisse d’une grossesse uni-embryonnaire, d’évolution normale chez une femme en bonne santé habituelle.

Par ailleurs, plusieurs situations médico-obstétricales peuvent être une contre-indication au voyage (tableau 1), d’où l’ importance d’une consultation médicale avant le voyage.2

Tableau 1.

Contre-indications potentielles au voyage pendant la grossesse

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RISQUES LIÉS AUVOYAGE

Voyage en avion

Dans un vol transatlantique la cabine est pressurisée à un équivalent de 1524 à 2438mètres. La PaO2 qui au niveau de la mer est de 98 mmHg, passe alors à 55 mmHg à 2500 mètres. L’air y est très sec (8% d’humidité), les trous d’air peuvent être fréquents et l’irradiation reçue correspond à 4 millirems, soit moins de la moitié d’une radio du thorax avec protection. Cette irradiation, ainsi que la diminution du taux de saturation en oxygène à 90% constatée chez la mère, sont a priori sans conséquence sur la grossesse d’une voyageuse en bonne santé lors d’un vol occasionnel. Par contre, les hôtesses de l’air travaillant au cours du premier trimestre, semblent avoir plus d’avortements spontanés. Le fœtus lui est protégé d’une désaturation grâce à l’hémoglobine fœtale.

L’âge gestationnel maximal accepté à bord varie entre la 28e et la 36e semaine, mais le dernier mot revient toujours au capitaine. Les urgences obstétricales à bord sont régulièrement rapportées, alors que moins du tiers des compagnies emmènent un kit d’accouchement.

En avion il est recommandé de marcher régulièrement, de porter des bas de contention, de boire suffisamment (6 à 8 verres de liquide non gazeux sans caféine par jour) pour éviter la déshydratation et les risques thromboemboliques et d’utiliser une ceinture de sécurité bouclée au niveau pelvien. S’asseoir en bordure de l’allée donne plus de place pour étendre les jambes et pouvoir se lever. Il faudra se munir d’un certificat médical datant l’âge de la grossesse en s’assurant que les trente-six semaines ne sont pas dépassées au vol retour et se renseigner auprès de la compagnie d’aviation sur leurs règlements.

Il s’agira donc pour la femme enceinte en voyage de boire et manger régulièrement, d’éviter le port de lourdes charges, de se protéger correctement du soleil et de respecter scrupuleusement les règles d’hygiène.

Voyages en bateau et voiture

Le bateau n’est pas sans risque: mal de mer, épidémies (diarrhées, grippe, rubéole) et suivant les destinations l’évacuation n’est pas toujours possible. En voiture, le mal des voyages, les accidents représentent l’essentiel des risques. Pour les longs trajets il est recommandé de faire une pause de dix minutes chaque deux heures.

LESVACCINATIONS

Tout voyage permet de mettre à jour les vaccinations de base. Selon la destination, certains vaccins sont obligatoires ou recommandés. La sécurité des vaccins pendant la grossesse reste difficile à évaluer car, comme pour les médicaments, les données restent limitées. Mais s’il est reconnu que les risques des vaccins pendant la grossesse sont plus théoriques que réels, les règles de rigueur restent : peser les risques et les bénéfices, penser à vérifier en cas de doute le titre des anticorps, éviter autant que possible de vacciner durant la grossesse et si nécessaire le faire de préférence à partir du deuxième trimestre. Si, en général, les vaccins inactivés peuvent être utilisés pendant la grossesse, en revanche les vaccins vivants atténués sont contre-indiqués (BCG, rougeole, oreillons, rubéole, varicelle, fièvre jaune) (tableau 2). Le délai entre l’injection du vaccin vivant et le début d’une grossesse devrait être d’un mois au minimum. Toutefois, en raison de la gravité de la maladie et de l’absence de traitement, le vaccin contre la fièvre jaune peut être proposé lors de voyage à très haut risque (épidémie). Lors de vaccinations de masse contre la fièvre jaune aucune augmentation significative de malformation n’a été observée et une vaccination effectuée au début d’une grossesse ignorée n’est pas une indication à une interruption de grossesse.

Tableau 2.

Vaccination pendant la grossesse

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LE PALUDISME (MALARIA)

Les femmes enceintes, quelles que soient leur parité et leur immunité, sont plus sensibles au paludisme avec une sévérité et une mortalité augmentées respectivement de deux et cinq fois. Cette susceptibilité accrue est maximale au deuxième et au troisième trimestre, mais persiste durant les deux mois du post-partum. Divers facteurs jouent : attraction accrue des moustiques, diminution de l’immunité cellulaire, réponse TH2 augmentée, séquestration placentaire des parasites. La gravité du paludisme est modulée par l’immunité de la patiente, sa parité et son âge. La maladie est plus sévère chez la femme non immune, avec des complications neurologiques, pulmonaires et rénales. La mortalité maternelle peut varier de 0,6 à 23%. L’atteinte fœtale est cause d’avortements, d’enfants mort-nés ou se marque par un petit poids de naissance (20-35%), dû à une prématurité ou à un retard de croissance intra-utérine. Les pertes fœtales et périnatales peuvent s’élever jusqu’à 60 à 70%. La séquestration des parasites dans le placenta augmenterait la susceptibilité de l’enfant au paludisme et diminue le transfert des anticorps maternels au fœtus. Le paludisme périnatal ou congénital est plus fréquent en cas de forte séquestration parasitaire placentaire, lors de la première grossesse et chez une mère infectée par le VIH. Des 7-10% de nouveaunés infectés, moins de 7-10% tomberontmalades. Toutes ces données concernent le Plasmodium falciparum, mais le P. vivax est lui aussi à l’origine d’enfants de petit poids à la naissance et atteints d’anémie.

Ainsi durant la grossesse est-il recommandé d’éviter les zones impaludées, surtout celles à haut risque de transmission ou à souche résistante. En cas de voyage, la protection combine toujours la réduction de l’exposition aux moustiques à la prise d’une chimio-prophylaxie ou d’un traitement de réserve. Se protéger contre les moustiques le soir et la nuit implique le port de vêtements longs de couleur claire qui peuvent être imprégnés de perméthrine et l’utilisation de répellents, qui ne devraient pas être trop dosés (DEET < 30%). A ces concentrations et si le répellent est appliqué uniquement sur les zones exposées, non lésées, il n’existe pas de risque fœtal significatif. On recommande aussi de dormir avec l’air conditionné ou sous une moustiquaire imprégnée. Les femmes qui allaitent doivent bien laver leursmains et les seins de tout répellent avant de prendre leur enfant.

Les seuls médicaments prescriptibles à une femme enceinte en chimio-prophylaxie sont la chloroquine, le proguanil avec la chloroquine et la méfloquine. Les autres antimalariques sont contre-indiqués : la doxycycline en raison de dépôts dentaires et l’atovaquone-proguanil (Malarone ®) par manque de données. Seule la méfloquine reste efficace dans les zones de multirésistance, exception faite de celle du Triangle d’or et les régions frontières des provinces Trat et Tak. Elle ne devrait être utilisée qu’à partir du second trimestre, toutefois les Américains et les Français considèrent qu’elle peut être utilisée dès le début de la grossesse. En cas d’intolérance ou de contreindication à la méfloquine, seule l’association chloroquinepaludrine peut être prescrite au risque de n’avoir qu’une protection partielle; elle sera alors accompagnée d’un traitement de réserve. Cette décision doit être prise en connaissance de cause par la femme concernée. L’effet tératogène décrit chez l’animal après de fortes doses de méfloquine n’a pas été observé chez l’homme. Une étude a trouvé en zone d’endémie un risque augmenté d’enfants mortnés suite à des doses thérapeutiques.

En traitement de secours la chloroquine reste efficace en Amérique centrale et la méfloquine peut être utilisée à partir du deuxième trimestre dans les zones chloroquinorésistantes. En cas de contre-indication, l’association quinine-clindamycine peut être prescrite, ce qui est loin d’être idéal vu le nombre de doses à prendre et la fréquence des effets secondaires. Il apparaît de plus en plus que des dérivés de l’arthémisinine et l’atovaquone-proguanil pourraient être utilisés chez la femme enceinte.

Cette dernière doit être bien informée de la sévérité potentielle du paludisme et de la nécessité d’une consultation médicale en urgence dans la journée en cas d’apparition de fièvre.

AUTRES PRÉCAUTIONS

Toute femme enceinte doit être consciente qu’un voyage comporte certains risques qui peuvent être en partie maîtrisés, mais qu’elle reste plus vulnérable pendant cette période et que l’accès à des services médicaux de qualité peut être très restreint. La diarrhée, qui touche jusqu’à 50% des voyageurs, ou la fièvre peuvent rapidement amener à une déshydratation à laquelle la femme enceinte est particulièrement sensible. Le risque peut être diminué en évitant les repas froids et autres crudités et en étant très attentif à l’eau consommée. Une diarrhée implique la compensation des pertes liquidiennes et un régime constipant (riz, bananes). Le lopéramide (Imodium ®) peut être utilisé modérément si nécessaire. Un antibiotique sera prescrit en cas d’apparition de signes de gravité (tableau 3). Certaines pathologies tropicales ont

Tableau 3.

Médicaments pouvant être utilisés durant la grossesse en voyage

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clairement une gravité, voire une mortalité maternelle et/ou fœtale accrue. C’est le cas de la fièvre dengue, de l’hépatite E et de la fièvre typhoïde. Leur prévention passe par la réduction de l’exposition aux moustiques de jour (dengue) et la plus stricte observance des règles alimentaires et d’hygiène. Indépendamment des voyages, la fréquence des malformations congénitales reste significative, de l’ordre de 3 à 4%. Il est d’autant plus important de bien peser les risques et bénéfices de chaque vaccination ou prescription de médicament. Tout problème de malformation ou de complication de la grossesse pourrait toujours être interprété comme leur étant lié.

La plongée est contre-indiquée pendant la grossesse vu le risque de syndrome de décompression chez le fœtus. Les séjours ou treks en altitude nécessitent une bonne acclimatation et ne devraient pas dépasser 4000mètres. Les safaris sur des pistes ou des routes défoncées ne sont pas recommandés. Les accidents de la route restent une cause majeure de morbidité et demortalité pour les voyageurs. L’utilisation de la ceinture de sécurité bouclée au niveau pelvien est essentielle.

A l’heure où des voyages de dernières minutes vous offrent l’autre bout du monde pour fort peu d’argent, il est encore plus important qu’une femme enceinte parte en connaissance de cause. Voir sonmédecin, effectuer les vaccins nécessaires, connaître les précautions à suivre, les risques à éviter, avoir une couverture d’assurance suffisante couvrant les frais d’un accouchement prématuré et ceux liés à son nouveau-né, sont des pré-requis à un voyage qui doit rester un plaisir avant l’arrivée à terme de l’heureux événement.

Le sujet de cet article a été proposé par le groupe de praticiens de Rennaz.

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