Superstition : pourquoi on y croit ?
Une personne qui déplace un miroir focalise plus d’attention sur son geste que si elle déplaçait un vase. Pourquoi ? Simplement à cause de la superstition selon laquelle il arrive un malheur à celui qui brise un miroir. De même, il est rare de voir une personne ouvrir un parapluie à l’intérieur…
Soyons honnêtes : la superstition, nous l’avons tous expérimentée plus d’une fois dans notre vie. Que ce soit par notre propre comportement et celui d’une personne dans notre entourage.
En effet, la liste des superstitions communément répandues est longue et montre bien à quel point une personne met en place (ou évite) un comportement en fonction des conséquences qu’elle pense découler de ce comportement.
Donnons quelques exmeples concrets :
Certaines personnes éviteront les chats noirs dans les rues : ici c’est donc un objet externe (le chat) qui symbolise la malchance. Le fait de le croiser (même simplement du regard) est déjà un acte effrayant pour l’individu superstitieux.
On pense aussi aux chiffres 7 et 13 qui représentent, dans l’inconscient collectif, des éléments mystérieux, ambigus voire dotés d’un pouvoir : alors que certains leur attribuent des qualités bienfaitrices, d’autres les fuient pour éviter le malheur.
Le terme superstition renvoie donc à des comportements censés aboutir à une récompense ou à l’évitement d’un malheur.
Ces comportements sont, le plus souvent, appris par la famille. Ils sont donc partagés par les membres de notre groupe d’appartenance (environnement social et culturel).
Ces gestes sont réalisés alors même que la personne se rend compte de l’aspect ridicule ou excessif de l’association entre comportement et conséquence. Pourtant, même si une personne ne croit pas (intellectuellement) en la réalisation de son souhait, elle effectue tout de même ce comportement. Cela s’explique par le fait que cette forme de rituel a des vertus apaisantes sur la personne.
Le bénéfice est donc émotionnel, c’est à dire que des sentiments de stress voire d’angoisse diminuent.
La superstition a une fonction principale : la protection. Elle permet de fuir les événements négatifs d’une vie mais aussi d’accéder aux éléments positifs.
Des comportements qui protègeraient
Selon les adages superstitieux, vous êtes protégé du mauvais sort, voire bien-chanceux si vous :
- portez une patte de lapin,
- voyez une étoile filante,
- croisez les doigts,
- trouvez un trèfle à quatre feuilles
- touchez du bois.
Des comportement qui porteraient malheur
Par contre, vous serez malchanceux si vous :
- croisez un chat noir
- passez sous une échelle,
- vous levez du pied gauche,
- ouvrez un parapluie à l’intérieur,
- retournez le pain sur la table.
Non seulement une grande quantité de superstitions existe, mais certaines continuent à influencer nos comportements au quotidien alors qu’on ne connaît pas forcément leur signification.
Sans proposer une explication exhaustive et historique, il est intéressant de constater que chacune de ces associations trouve leur origine dans un moment et un endroit. Ainsi, chaque culture, chaque société a ses propres croyances. Par exemple : La superstition du pain sur la table vient du fait que le pain retourné était celui destiné au bourreau qui rentrait d’une exécution.
Quelle explication psychologique donne t-on à ce phénomène ?
L’être humain, pour grandir et découvrir le monde, est obligé d’apprendre. En d’autres termes, il fait des associations entre des éléments.
Par exemple, quand je mets la main dans le feu, je souffre. C’est cela qui me permet de ne plus me faire mal. C’est, plus précisément, l’association entre flamme et douleur qui m’encourage à ne pas répéter ce comportement.
L’association est donc un lien que l’on fait entre son propre comportement (porter la main au feu) et les conséquences de ce comportement (douleur). Quand la conséquence est positive (exemple, je sors un bonbon des flammes à chaque tentative), je vais avoir tendance à répéter le comportement. De la même manière, si la conséquence est négative, je vais apprendre à ne plus faire ce comportement.
Ceci est le mécanisme qui nous permet de nous adapter, de grandir, de mettre en place des stratégies au quotidien etc.
La superstition répond au même mécanisme d’associations : elle lie un élément à un autre. Dans ce cas, pourtant, le comportement n’induit pas les conséquences attendues.
Ainsi, il est rare d’être malheureux durant une très longue période après avoir brisé un miroir ou croisé un chat noir…
Comment s’opère cette liaison inattendue?
Nous sommes des êtres curieux et nous aimons comprendre les choses, ainsi, quand ce n’est pas le cas, nous pouvons déduire de faux liens causaux. Ceci est d’autant plus le cas quand nous subissons un mauvais traitement alors que nous ne savons pas pourquoi. Nous nous demandons donc : qu’est ce qui le déclenche? Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter cela?
Nous avons, de plus, beaucoup de difficultés à accepter l’aléatoire. Nous désirons contrôler les choses (et donc agir sur les éléments). C’est ce que l’on appelle le sentiment de contrôle. Il est central pour l’estime de soi.
Un exemple illustre bien ces concepts : Les hommes, il y a très longtemps, souffraient de la faim et dépendaient de la météo. Lors de grandes sécheresses, ils mettaient en place des rites, des danses et toute sorte de comportements afin de déclencher des pluies qui nourriraient leur terre.
Au moment où la pluie se met à tomber, les hommes attribuent le rite effectué au vœu qu’ils avaient formulé. Ils attribuent donc leur comportement aux conséquences positives. C’est ainsi qu’ils désigneront ce rite pour faire appel à la pluie et que ce comportement perdurera pendant de nombreuses années. Les générations suivantes ne mettront pas en question ce comportement considéré comme une connaissance.
Quand la superstition devient pathologique
On considère qu’une personne souffre d’un Trouble Obsessionnel Compulsif quand la personne ne peut s’empêcher de produire ces comportements alors même qu’elle les trouve démesurés ou ridicules.
Trois types de symptômes sont associés à ce trouble :
- les obsessions,
- les compulsions
- les évitements anxieux.
Les obsessions, c’est ce qui nous passe par la tête, ce qui nous angoisse fortement et ce qui va nous pousser à mettre en place un comportement pour apaiser l’angoisse générée. La compulsion c’est le comportement mis en place.
L’angoisse a tendance à retomber voire à disparaître à la suite de la compulsion. Pourtant, l’obsession va revenir et, dans une dynamique de cercle vicieux, demander à la personne de mettre en place de nouveau la compulsion pour apaiser l’angoisse.
L’évitement anxieux sert à la personne à ne pas se confronter aux situations qui augmentent l’obsession.
Ce trouble est une version extrapolée de la superstition car le lien entre obsession et compulsion est souvent incongru.
Exemple d’une personne souffrant d’Obsession de malheur : J’ai peur qu’il arrive un malheur à mon mari alors je touche dix-huit fois la lampe de la cuisine.
Notes et sources :
Auteur : Lucie Montegut, psychologue
Sources :
F. CHAPELLE : Les TOC quand le quotidien tourne à l’obsession. Éditions les Essentiels Milan (Octobre 2004)
S. Callahan, F.Chapelle : Les thérapies comportementales et cognitives – Fondements théoriques et applications clinique (Collection : Psycho Sup, Dunod, février 2016)