Somnambulisme : un trouble du sommeil méconnu
Le somnambulisme est une maladie connue de tous, et méconnue en même temps. Ses manifestations, qui peuvent paraître étranges aux témoins du somnambule, ont été largement exploitées au cinéma, ce qui a participé à créer un certain mythe autour de ce trouble. Ainsi, le somnambulisme est souvent représenté, tout en restant peu ou mal compris. Le somnambulisme est pourtant une maladie que l’on peut expliquer de nos jours.
Le somnambulisme est un éveil durant le sommeil : chez le somnambule, le corps (les muscles) se réveille, alors que le cerveau reste endormi. Les somnambules ne sont pas conscients lors de ces épisodes.
Le somnambulisme est très représenté chez les enfants (on estime qu’un enfant sur cinq a déjà vécu un épisode de somnambulisme dans son sommeil), mais disparaît le plus souvent au moment de l’adolescence. Ce trouble peut apparaître dès le moment de la marche et il ne se manifeste plus, dans la majorité des cas, à la puberté.
Si le somnambulisme n’est pas rare chez l’enfant, les cas adultes sont bien moins nombreux, c’est-à-dire de un à deux pour cent de la population.
Le somnambulisme de l’enfant ne s’exprime pas de la même manière que celui de l’adulte car ce dernier a, le plus souvent, des souvenirs de son épisode alors que l’enfant ne se rappelle de rien.
Dans le cas des enfants, ce trouble s’accompagne dans vingt-cinq à trente-trois pour cent des cas d’énurésie nocturne (qui correspond à l’émission involontaire d’urine durant le sommeil).
De même, le somnambulisme peut être accompagné de terreurs nocturnes qui se traduisent par un réveil brutal ainsi que d’un sentiment d’insécurité et de peurs sans souvenir de cauchemar. Bien que ces symptômes puissent faire penser à des souffrances psychologiques, aucune étude n’a encore montré un lien entre somnambulisme et difficultés psychiques.
Somnambulisme : les causes
Les causes du somnambulisme sont très probablement génétiques. Les sujets souffrant de ce trouble ont des antécédents familiaux de somnambulisme ou de terreurs nocturnes dans quatre-vingts pour cent des cas. En d’autres termes, il est beaucoup plus fréquent de rencontrer un cas de somnambulisme dans une famille dans laquelle un autre membre a fait des épisodes de somnambulisme.
De plus, on estime de dix à vingt pour cents le nombre d’individus somnambules qui avaient eux-mêmes un parent (du premier degré) somnambule.
De même, les jumeaux monozygotes (appelés couramment « vrai jumeaux ») sont plus fréquemment touchés tous les deux que les jumeaux dizygotes (ou « faux jumeaux »).
Pour autant, le mode exact de transmission n’est pas encore connu.
Il est aussi à noter que l’on retrouve plus de garçons que de filles touchés par cette maladie.
Mais qu’est ce que le somnambulisme?
Le somnambulisme se définit comme un éveil durant le sommeil. En fait, c’est le corps du somnambule (ses muscles) qui se réveille alors que le cerveau reste endormi. Les somnambules ne sont pas conscients lors de ces épisodes.
Ce phénomène se produit dans la période du sommeil lent profond.
Le somnambulisme, tout comme les terreurs nocturnes, fait parti des troubles que l’on appelle « parasomnies du sommeil lent profond ». La personne somnambule se réveille donc plusieurs heures après l’endormissement alors que l’activité de ses neurones est au plus bas. C’est lors de ce type de sommeil que l’activité cérébrale (notamment électrique) se ralentit et que le cerveau utilise le moins d’énergie (baisse de la consommation de glucose). Le débit sanguin cérébral diminue aussi dans le sommeil lent profond.
Les symptômes de somnambulisme se déclenchent lors d’une phase de sommeil précise que l’on nomme « sans mouvement oculaire rapide » ( « Non Rapid Eye Movement (NREM) »). Cela signifie que les épisodes s’expriment avant le sommeil paradoxal. C’est pour cela que les symptômes de somnambulismes ont lieu en début de nuit.
C’est aussi pour cette raison que d’autres facteurs peuvent influencer la survenue d’épisode de somnambulisme. Peuvent ainsi déclencher des épisodes similaires :
- la fièvre,
- l’abus de substances telles que les médicaments ou les tranquillisants
- l’abus d’alcool
Somnambulisme : les symptômes
Il est, avant toute chose, important de noter que les symptômes du somnambulisme sont tout à fait bénignes. Elles ne deviennent dommageables (ou pathologiques) que si leur fréquence s’accroît et que l’individu souffre de plusieurs épisodes par mois.
Ce que l’on peut facilement repérer face à une personne en proie à un épisode de somnambulisme, c’est qu’elle bouge, qu’elle a les yeux ouverts mais qu’elle est dans l’incapacité totale de prendre les éléments du monde extérieur en compte.
Le somnambule se montre donc très maladroit et est incapable de mettre en place des actions complexes. Il peut, pour autant, effectuer des mouvements connus (de lui) comme la marche, l’ouverture des portes, ou même la préparation du café (par exemple).
Cela correspond à des gestes répétés de nombreuses fois dans des phases d’éveils et qui ont donc été automatisés.
Le comportement de la personne somnambule est lent et son visage ne propose aucune expression (amimie). Même s’il est parfois possible de mettre en place un échange avec cette personne (guider ses mouvements par exemple), elle ne répondra que rarement verbalement et jamais avec des mots complexes ou des phrases.
On notera que les sujets en sommeil lent profond sont les plus difficiles à réveiller car ce sommeil est le plus profond. Ainsi, tenter de réveiller un somnambule peut mener à un échec ou bien à une réaction de peur, d’agressivité ou de fuite.
Il n’est toutefois pas dangereux de le réveiller. Le risque étant, la plupart du temps, un sentiment de honte ou de culpabilité de la part de la personne qui a vécu cet épisode. Il est important de lui laisser quelque minutes pour revenir à elle car les premiers temps peuvent être confusionnels.
Les symptômes du somnambulisme
Le DSM-4TR (c’est à dire le Manuel Diagnostic des troubles mentaux) propose six critères pour diagnostiquer le somnambulisme :
- La personne se lève et déambule de manière répétée, en début de nuit.
- La personne n’a pas d’expression faciale (ni dans le regard) et ne répond pas ou peu aux tentatives de communication de son entourage. Il est très difficile de la réveiller.
- L’épisode est souvent succédé d’une amnésie de l’épisode.
- Si la personne est réveillée après l’épisode, elle reprend son activité comportementale et mentale dans les quelques minutes qui suivent.
- Ce trouble provoque une souffrance marquée ou des difficultés dans le fonctionnement social et/ou professionnel (ou autre).
- Les symptômes de somnambulisme ne sont pas liés à des effets physiologiques dus à une substance (drogue, médicaments etc.) ou à une maladie.
Somnambulisme : traitements et conseils
De nombreux enfants vivent ponctuellement des épisodes de somnambulisme alors qu’on ne retrouve aucun élément qui ait déclenché ces symptômes. Il est donc difficile de diagnostiquer le somnambulisme car on peut parler de :
- épisode de somnambulisme (qui met en avant l’aspect aiguë de la “crise”) ou de
- somnambulisme (qui renvoie à un trouble et donc à une notion de chronicisation).
Il est important de faire cette distinction car une chronicisation des épisodes peut avoir comme conséquence de la violence, de l’agitation voire des troubles sociaux.
Ce diagnostic doit aussi être un diagnostic différentiel entre somnambulisme et terreur nocturne (avec fuite induite par la peur) car la symptomatologie peut être semblable alors que la prise en charge ne le sera pas. Un élément peut permettre de trancher du côté de la terreur nocturne : le cri de panique.
D’autres troubles peuvent être similaires ou confondus avec le somnambulisme, comme par exemple :
- le trouble du comportement lié au sommeil paradoxal (qui survient plutôt en dernière partie de nuit),
- les éveils confusionnels,
- certaines formes d’épilepsie
Il est donc important de mettre en place un diagnostic sûr. Pour cela, il existe les centres sommeils (par exemple) dans certains hôpitaux qui permettent de faire le point sur le sommeil de la personne.
Pour les enfants, il est souvent suffisant de rencontrer l’enfant et les parents lors de quelques entretiens. Ainsi, des traitements médicamenteux ne sont que très rarement nécessaires.
Dans tous les cas, il est primordial que le professionnel qui rencontre la personne souffrant de somnambulisme lui apporte des conseils concernant l’hygiène de vie.
Quelques conseils pratiques
1) Le sujet devra éviter les stresseurs, notamment ceux qui peuvent induire un mauvais sommeil (stresseurs psychologiques ou physiques).
Ainsi, nous dormons moins bien lorsque nous sommes dans un état émotionnel sensible (colère, tristesse etc.); cela renvoie aux stresseurs psychologiques.
De la même manière, certaines choses peuvent stresser notre corps et l’empêcher de bien dormir. Par exemple, le café peut entraîner une accélération du cœur et la lumière bleue (produite par nos écrans de télévision, de tablette, de téléphone etc.) détraque notre rythme interne (appelés rythmes circadiens) via nos canaux visuels.
2) Il est nécessaire de réduire le manque de sommeil, et donc, de rétablir des rythmes circadiens (rythme éveil-sommeil de 24 heures) stables.
3) L’environnement (chambre) peut aussi être modifié afin de garantir la sécurité de la personne : Sécuriser une pièce peut éviter le risque d’accident ou de chute.
- Il faut donc veiller à ne pas laisser des objets potentiellement dangereux ou tranchants au sol.
- De même, il est nécessaire de fermer les fenêtres mais aussi les portes.
- Finalement, par mesure de sécurité, il faudrait penser à ne pas laisser une chaise proche d’une fenêtre ouverte car il existe de rares cas de défenestration.
- On préférera aussi proposer une chambre en rez-de-chaussée à une personne souffrant de somnambulisme.
Et les thérapies ?
Des thérapies plus complexes sont parfois à envisager. Ainsi, il est possible de proposer des psychothérapies afin d’appréhender les pensées et les représentations que la personne a de ses symptômes.
L’hypnose peut aussi être efficace dans ce genre de cas.
Finalement, des traitements médicaux (benzodiazépines) seront prescrits pour les cas les plus complexes, dangereux ou récurrents mais ce n‘est pas un traitement de première intention.
Somnambulisme : sources et notes
Auteur : Lucie MONTEGUT, psychologue
Sources :
BILLIARD M., DAUVILLIERS Y.: Les troubles du sommeil. Paris, Masson, 2005.
Lavie, Peretz, Atul Malhotra et Giora Pillar, Sleep Disorders. Diagnosis, Management and Treatment. A Handbook for Clinicians , Londres, Martin Dunitz, 2002, p.146–147.
American Psychiatric Association. (2003). DSM-IV-TR : manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (4e éd. rév.; traduit par J.-D.