Phobie scolaire

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« Qui a eu cette idée folle, Un jour d’inventer l’école, C’est ce sacré Charlemagne (…) ».
Même si ce refrain des années 60 fait sourire la plupart d’entre nous, il a témoigné en son temps des difficultés de certains enfants à s’adapter à l’école. Ah, ce sacré Charlemagne ! Pas si responsable que ça finalement, mais dont le rôle de bouc-émissaire a servi pendant bien longtemps à tous les écoliers apeurés… ou même aux enfants souffrant de phobie scolaire.
S’il a fallu attendre Jules Ferry en 1882 pour rendre l’école obligatoire, il a suffi de peu pour initier la mode de l’école buissonnière.

Pour la première fois évoquée en 1941, on apprend que sécher l’école n’est pas toujours synonyme de paresse, mais parfois le fait d’angoisses et de craintes pas toujours exprimables.
On sait aujourd’hui que la phobie scolaire est un trouble complexe qui s’apparente plus à un symptôme, reflet de diverses difficultés psycho-sociales sous-jacentes, qu’à une réelle maladie.
Refus scolaire, absentéisme, angoisse de séparation, etc. Les termes associés à la phobie scolaire abondent, et rendent sa définition bien confuse.

A l’heure des grands questionnements autour de l’éducation, comment faire la part des choses ?
Que signifie réellement la notion de phobie scolaire ? Quelles différences avec l’école buissonnière ? Quels sont les signes qui doivent alerter ? Comment réagir face à ces enfants et adolescents malades de l’école ? Toutes ces questions méritent des réponses.

Phobie scolaire : La phobie scolaire, c’est quoi ?

Selon la définition du Larousse, une phobie est la crainte angoissante et injustifiée d’une situation, d’un objet ou de l’accomplissement d’une action. Cependant, dans son utilisation courante, le terme de phobie scolaire représente bien plus qu’une phobie à proprement parler.

Phobie scolaire par-ci, phobie scolaire par là… victime d’un abus de langage, ce terme concentre aujourd’hui toutes les situations de détresse émotionnelle ou affective qui surviennent au moment d’aller à l’école.

Pour pallier à cette déviance de vocabulaire, les professionnels de santé parlent aujourd’hui de refus scolaire anxieux.

Phobie scolaire : Les causes

La phobie sociale peut avoir plusieurs causes.

L’anxiété de séparation
Quand Léa pleure au petit-déjeuner du lundi matin et refuse de participer aux activités extrascolaires, on est en droit de se demander si cette jeune écolière ne souffre pas d’anxiété de séparation.

L’anxiété de séparation peut être présente dès le plus jeune âge ou apparaître brutalement, même à l’ adolescence, après un événement de vie (changement d’école, déménagement, maladie, décès d’un proche, etc.). Le problème n’est pas l’école, c’est la séparation qui est ingérable par l’enfant.

On reconnaît l’anxiété de séparation à l’angoisse qui parcourt ces enfants et aux symptômes physiques qui l’accompagnent ( maux de tête, ou de ventre, vertiges, évanouissements, palpitations, etc.), juste avant ou pendant la séparation avec les parents (ou avec une autre forte figure d’attachement).

L’anxiété, provoquée par la séparation, peut parfois être envahissante au point de susciter des inquiétudes morbides vis-à-vis de ses proches : crainte d’un accident, d’une maladie… bref, l’enfant ou l’adolescent se retrouve dominé par la peur de perdre les personnes qui lui sont chères, au point de se renfermer sur lui-même.

Et s’il n’exprime pas toujours ses craintes, son comportement apparaît le plus souvent comme préoccupé, assombri, voire trop exemplaire.
L’évolution de l’anxiété de séparation est mal connue mais le trouble disparaîtrait dans environ deux tiers des cas.

Les attaques de panique et l’anxiété généralisée
Ici, ce sont toutes les situations de vie qui sont potentiellement sources d’anxiété, et non exclusivement la séparation d’avec les parents.

> Dans l’anxiété généralisée, l’enfant (ou l’adolescent) est préoccupé de façon quasi-constante par la peur d’échouer, la peur du ridicule, la peur d’un accident, etc. Il est souvent tendu, fait des cauchemars, et peut paraître irritable et fatigué.
Comme l’école est le lieu potentiel de ce type de situations angoissantes, elle peut faire l’objet d’un refus scolaire. Ce trouble apparaît en moyenne vers 8 ans.

> Contrairement à l’anxiété généralisée, les attaques de panique sont brutales mais temporaires. Lorsqu’elle survient, l’angoisse est intense et s’associe le plus souvent à des symptômes physiques comme des palpitations, des sueurs, des tremblements, etc.
Plus ces crises se répètent et plus la crainte qu’elles se renouvellent s’accroît. C’est un véritable cercle vicieux. Aller à l’école (ou au lycée) devient donc source d’une nouvelle inquiétude : et si jamais la crise se reproduisait ?

La peur des autres et autres phobies
Certaines phobies, comme la phobie sociale, la peur de vomir ou encore la peur des transports publics, peuvent être la cause d’un refus scolaire anxieux.

> Dans la phobie sociale, la situation appréhendée par l’enfant peut consister dans le simple fait d’aller au tableau ou de parler devant des personnes non familières. Cela est source d’une grande détresse anxieuse et est par conséquent évitée comme il se peut.

> Dans l’agoraphobie, l’enfant a peur des espaces fermés – bus, salles de classe, etc. – d’où il lui serait difficile de s’échapper. Ce type de phobie peut être associé à des attaques de panique.

> Quant aux phobies plus spécifiques, c’est un objet, un animal ou une situation particulière qui font l’objet d’une crainte irrationnelle. Certaines de celles-ci, comme la peur de l’ eau ou la peur de contracter une maladie, peuvent être accrues au sein du milieu scolaire et être ainsi la matière principale de la phobie scolaire.

TOC, rituels et obsessions
Le Trouble Obsessionnel Compulsif se définit par l’association de pensées obsessionnelles, c’est-à-dire envahissantes et inappropriées, et de compulsions comportementales (rituels, etc.) ou mentales (compter dans la tête, etc.).

Par exemple, pour atténuer l’idée angoissante et non rationnelle de se salir les mains, Lola ne pourra faire autrement que de se les laver à de multiples reprises. Se laver les mains devient alors salvateur… jusqu’à ce que l’obsession revienne.

Chez les enfants, le TOC concerne majoritairement la propreté ou les thèmes de catastrophe (« si je marche dans le noir du passage clouté, il m’arrivera un malheur »). Dans tous les cas, le fait de ne pouvoir mener à bien les compulsions salvatrices peut faire l’objet d’une forte angoisse.
Différentes conséquences du TOC peuvent provoquer une phobie scolaire : la peur d’être contaminée (à la cantine, ou par un autre écolier), la peur de se salir, le temps perdu par les compulsions, crainte de ne pouvoir les exécuter (pendant les cours par exemple), etc.

L’anxiété de performance
La peur de ne pas réussir est une cause assez fréquente de phobie scolaire.
Elle peut être secondaire à de réelles difficultés d’apprentissage ( dyscalculie, dyslexie, etc.) dont l’enfant peut avoir honte, à une précocité intellectuelle suscitant un sentiment de décalage de l’enfant par rapport à ses camarades, ou à un excès de perfectionnisme où l’enfant se sent ‘nul’ s’il ne réussit pas les choses parfaitement.
Cette anxiété de performance peut être isolée ou exister au sein d’une anxiété généralisée.

Phobie scolaire : La phobie scolaire secondaire

La phobie scolaire secondaire à un événement traumatisant
Parfois, la phobie scolaire peut être secondaire à un (ou des) événement(s) traumatisant(s) survenus sur le terrain, ou le chemin, de l’école.

Il peut être question de harcèlement (ou ‘bullying’) par les autres camarades, physique, financier, ou psychologique. Un enfant victime de racket, ou désigné comme le bouc-émissaire de la classe, peut ainsi développer une véritable phobie scolaire.

Lorsqu’un tel événement est vécu par l’enfant comme grave ou menaçant, ce dernier peut développer un trouble anxieux post-traumatique quelques jours ou quelques semaines après l’incident.
Ce trouble se reconnaît aux souvenirs envahissants de l’événement, qui s’imposent à l’enfant sous forme de flashbacks et de cauchemars très angoissants.
Et toute situation qui rappelle cet événement est évitée ou vécue avec une grande inquiétude.
Il peut en être ainsi de l’école si l’événement traumatisant a eu lieu dans le milieu scolaire ou sur le chemin qui y mène.

La phobie scolaire secondaire à un trouble dépressif
Perte de curiosité, fatigue, tristesse, ralentissement psycho-moteur sont autant de motifs pour un enfant (ou un adolescent) déprimé de ne pas vouloir aller à l’école ou de ne pas s’investir dans le travail scolaire.

La phobie scolaire secondaire à d’autres maladies
Qu’il s’agisse de fatigue, de maladie chronique (comme le diabète), d’ obésité ou d’ anorexie mentale, l’investissement scolaire peut être altéré.

Par exemple, une jeune fille diabétique peut avoir honte de contrôler ses glycémies plusieurs fois par jour devant ses copains, et l’adolescente anorexique peut craindre le regard des autres sur son appétit de lilliputien.

Phobie scolaire : Les facteurs de risque

Nous avons vu que les motifs qui mènent à une phobie scolaire sont très variables, cette dernière apparaissant comme le révélateur d’autres troubles sous-jacents. Dans ce contexte, il semble que certains enfants soient plus vulnérables que d’autres à développer une phobie scolaire.

Les facteurs internes
> Les expériences précoces
La capacité à supporter la séparation avec un proche, à interagir avec les autres, et la confiance en soi, dépendent en partie de la qualité des relations précoces avec les proches (parents en particulier).

> Le tempérament
Le tempérament est le caractère de l’enfant, tel qu’on le connaît depuis sa plus tendre enfance. On pourrait dire d’un enfant, par exemple, qu’il est sensible, calme et timide. Ou encore qu’il est colérique, énergique, et très sociable. D’un profil caractériel à l’autre, la vulnérabilité à souffrir de troubles émotionnels et donc de phobie scolaire est différente.
Un enfant plus sensible et moins sociable est plus à même de développer des troubles anxieux que son camarade chef de file.

Les facteurs environnementaux
> La vulnérabilité familiale
Une fragilité psychique familiale, comme l’existence d’une dépression récurrente chez l’un des deux parents, favorise l’apparition de troubles anxieux ou de troubles du comportement chez l’enfant, susceptibles de moduler son comportement vis-à-vis de l’école.

> Les attitudes parentales
L’investissement scolaire des parents peut influencer l’expérience que l’enfant a de l’école.
Tout comme le défaut d’intérêt donné à l’école par les parents peut défavoriser l’investissement scolaire de leur enfant, l’excès d’importance donné aux résultats scolaires peut s’avérer anxiogène pour l’écolier. En effet, un haut degré d’exigence parental peut, dans certains cas, accroître la peur d’échouer de l’enfant, et augmenter son anxiété quant à ses capacités d’apprentissage.

> Les événements de vie
Dans la vie d’un enfant, il y a les parents, la fratrie, les copains, la maison, les loisirs, l’école… et éventuellement le chien.
Quand un de ces éléments manque ou est mis en branle (déménagement, décès, maladie, etc.), les autres, en particulier l’école et l’apprentissage, se trouvent fragilisés (voire renforcés). Le tempérament et l’environnement de l’enfant jouent ici un rôle essentiel dans la façon dont l’enfant gérera ce type d’événement.

> Le contexte social
La barrière linguistique, l’importance des différences culturelles, ou encore la précarité parentale peuvent être des obstacles à l’apprentissage de l’enfant et à son intégration auprès de ses camarades.

> Le contexte scolaire
L’ambiance de la classe, l’entente avec les camarades, la sévérité du professeur sont autant de variables qui peuvent influencer l’investissement scolaire de l’enfant. Ainsi, un jeune adolescent qui se fait agresser verbalement sur le lieu du collège, sera plus susceptible de développer une phobie scolaire qu’un acolyte mieux intégré.

Phobie scolaire : Les symptômes

Le refus scolaire anxieux (ou la phobie scolaire) représente tous les troubles anxieux et affectifs, accrus ou provoqués par le simple fait de se rendre à l’école. Ils sont caractérisés par différents types de symptômes.
De la phobie à l’angoisse de séparation, en passant par l’excès de perfectionnisme… La sphère de la phobie scolaire englobe beaucoup de troubles psychologiques sous-jacents, dont elle se fait la simple interprète.

La différence avec l’école buissonnière
Tandis que l’adepte de l’école buissonnière témoigne d’un manque d’intérêt pour l’apprentissage, préférant les sorties et l’amusement, l’enfant qui souffre de phobie scolaire (ou refus scolaire anxieux) exprime une grande soif d’apprendre, et panse son anxiété en restant auprès de ses parents.
Les troubles du comportement ( hyperactivité, délinquance, etc.) sont plus fréquemment associés à l’école buissonnière qu’au refus scolaire.

Le refus scolaire anxieux
Il représente l’essentiel des phobies scolaires et atteint 1 à 5% des enfants scolarisés, chez les filles comme les garçons. Si le refus scolaire anxieux peut survenir à tout âge, c’est vers 5-6 ans et 10-11 ans qu’il est le plus fréquent. Le début peut être brutal, surtout chez les plus jeunes, ou progressif lorsqu’il survient chez l’adolescent. Son apparition est souvent précédée d’une période de vacances, d’absence pour maladie, ou de difficultés survenues à l’école.

Les symptômes, très variables, allant de l’attaque de panique aux maux de ventre en passant par les pleurs, se manifeste le plus souvent au moment du départ à l’école et se poursuivent jusqu’à la sortie des cours. Semaine après semaine, les motifs d’absence se répètent, et peuvent devenir petit à petit un réel handicap scolaire.

A l’école, il arrive que l’enfant ou l’adolescent devienne mutique, s’isole, et se construise un univers imaginaire plus rassurant que l’environnement scolaire. Mais qu’y a-t-il derrière tout cela ?

Phobie scolaire : Les traitements

Parce que l’histoire de chaque enfant est différente, il n’existe pas de solution thérapeutique unique.

La prise en charge se doit d’être multidisciplinaire et définie au cas par cas.

Le premier interlocuteur à contacter est le médecin traitant qui sera à même d’aiguiller les parents vers d’autres spécialistes (psychologue, psychiatre, orthophoniste, pédiatre, etc.) et de coordonner les propositions thérapeutiques de chacun.

La priorité sera de soigner le trouble mis en cause dans la phobie scolaire.

> Dans le cas de la phobie scolaire, ou refus scolaire avec troubles émotionnels, le traitement devra d’abord passer par une psychothérapie cognitivo-comportementale et/ou familiale associée ou non à une intervention psycho-éducative.

> Dans certains cas, des médicaments antidépresseurs pourront être prescrits pour soigner un TOC, une dépression, ou certains troubles anxieux.

> Certaines techniques simples comme le renforcement positif (complimenter l’enfant sur ce qui est positif), l’exposition progressive mise en place avec le thérapeute, la pratique de loisirs d’apprentissage, l’instauration de moments d’écoute et de discussion au sein de la famille, etc.

> L’incitation à la fréquentation scolaire doit être poursuivie à des degrés différents en fonction du tempérament de l’enfant, et toute déscolarisation complète doit être évitée, même si parfois elle est nécessaire.

Phobie scolaire : Sources et notes

> Le Heuzey MF et Mouren MC, Phobie scolaire : Comment aider les enfants et adolescents en mal d’école ?, Editions J. Lyon, 2010.
> N.Catheline. Refus scolaire et difficultés à l’adolescence. EMC, 37-216-D10,2010.
> M .Gauchet, P Merrieu. Contre l’idéologie de la compétence, l’éducation doit apprendre à penser. Le Monde .02.09.11.
> B.Golse . L’impact des exigences scolaires au fil des âges .Nervure fev 2005.

Auteur : Dr Ada Picard, psychiatre.

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