Mon enfant risque-t-il de devenir obèse ?

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Aujourd’hui on parle de plus en plus d’obésité infantile. Pourquoi certains enfants ont une prédisposition à l’obésité, et pourquoi d’autres… ne seront jamais concernés par de problèmes de surpoids ?

L’obésité infantile est souvent d’origine génétique, il faut donc comprendre que l’enfant n’en a pas la totale responsabilité et l’aider plutôt que le faire sentir coupable. Au contraire, il est important de soutenir un enfant souffrant de surpoids.

Ce dernier subit déjà les diktats de la minceur de notre société au quotidien, il faut donc lui expliquer qu’il ne viendra pas à bout de ses kilos en trop sans faire des efforts, mais sans le faire culpabiliser.

Le rôle du parent est de surveiller ce que l’enfant mange, en termes de quantité, sans lui procurer un sentiment de mal-être, car un régime trop strict le découragera. Le but n’est pas de l’empêcher de manger les aliments qu’il aime, mais de surveiller son alimentation. Voilà, la tâche est donc subtile, et pas vraiment facile…

L’activité physique est un plus dans le processus de perte de poids. En pratiquant un sport, un enfant perdra plus rapidement tout en s’amusant, ce qui lui permettra en même temps d’accroître son endurance.

Nous avons interviewé le Pr PatrickTounian, pédiatre, sur les causes et les solutions de l’obésité infantile.

Y-a-t’il des enfants à risque ?

Pr Tounian : Oui. Car n’importe quel enfant ne peut pas devenir obèse. Il s’agit seulement d’une minorité, environ ¾ des enfants ne sont pas concernés en France. Il existe une prédisposition, d’ordre génétique essentiellement. Certains enfants sont en quelque sorte “préprogrammés” à connaître des problèmes de poids dans un environnement favorable. Ceux dont les ancêtres ont connu des conditions de vie difficiles dans le pays dont ils sont originaires, semblent plus prédisposés à devenir obèses.

En pratique, comment savoir si un enfant est prédisposé au surpoids ?

Pr Tounian : Les enfants dont un des parents, voire les deux, souffrent d’un problème de poids, doivent être surveillés. Sinon, le médecin analyse l’évolution de la courbe de l’IMC* (= indice de masse corporelle, il permet d’évaluer le surpoids). Une forte augmentation de cette courbe peut indiquer que l’enfants va connaître des problèmes. Cette augmentation est souvent perceptible vers l’âge de trois ans mais peut parfois se déceler dès un an.

Propos recueillis par Ketty Guillouzouic.
Consultant expert : Pr Patrick Tounian, pédiatre
 dans le service de Gastro-entérologie et de Nutrition Pédiatriques de l’hôpital Trousseau à Paris.
Mars 2010.

Mon enfant risque-t-il de devenir obèse ? : les causes

Suite de l’interview du Pr PatrickTounian.

Comment s’explique cette recrudescence d’enfants obèses ou en surpoids ?

Pr Tounian : Il y a près de cinq fois plus d’enfants obèses aujourd’hui qu’il y a trente ou quarante ans. Il y a différentes hypothèses pour l’expliquer.

> Tout d’abord une expansion de l’environnement “obèsogène” (abondance de nourriture, motorisation des déplacements, sédentarisation des jeux et loisirs) qui concerne tous les enfants et en particulier ceux prédisposés au surpoids.

> Ensuite, et surtout, une augmentation du nombre d’enfants génétiquement prédisposés, notamment ceux dont les ascendants étaient originaires de pays aux conditions de vie difficile.

> Il y a aussi probablement des raisons qui nous échappent parmi lesquelles on peut citer la notion d’”empreinte métabolique” (programmation in utero ou dans les premiers de vie d’un enfant pour devenir obèse par des facteurs nutritionnels ou métaboliques) ou encore une cause infectieuse (adénovirus 36).

L’obésité est-elle liée à une mauvaise alimentation, faute de moyen ?

Pr Tounian : On dénonce souvent le manque d’argent comme l’un des facteurs favorisant l’obésité. Il est prétendu que les familles aux revenus modestes n’ont pas assez de pouvoir d’achat pour alimenter correctement leurs enfants, augmentant chez eux le risque d’obésité.

S’il est vrai que les personnes obèses sont plus nombreuses dans les milieux défavorisées, c’est en raison de la discrimination socioéconomique dont ils sont victimes et qui les pousse vers une précarité accrue. Un enfant qui n’est pas prédisposé à l’obésité, ne risque pas de devenir obèse, quelle que soit son alimentation.

Mon enfant risque-t-il de devenir obèse ? : solutions et conseils pratiques

Suite de l’interview du Pr PatrickTounian.

Comment faire face à ce problème ?

Pr Tounian : L’idéal est probablement de faire une prévention ciblée. Il faut dépister les enfants prédisposés et les orienter vers un pédiatre, un généraliste, ou un nutritionniste pour bénéficier de conseils avisés et d’un suivi médical. Si cette méthode est prometteuse, son efficacité reste toutefois à démontrer…

Que pensez-vous des mesures instaurées pour lutter contre l’obésité ?

Pr Tounian : « Primum non nocere » ou « d’abord ne pas nuire ». C’est la première chose que l’on nous enseigne en médecine. Les mesures collectives actuelles pour lutter contre l’ obésité, dont l’efficacité est plus que douteuse, risquent d’être délétères. Les mentalités vont se conforter d’idées fausses comme le fait que les personnes obèses ne sont pas capables de se limiter, de résister à la tentation. Interdire les friandises aux caisses ne va faire qu’accroître la stigmatisation et la discrimination de ces enfants.

Que préconisez-vous ?

Pr Tounian : Il serait plus judicieux de donner de l’argent à la recherche publique. Quand on n’a pas la solution à un problème, il faut la chercher. Il y a bien un plan Alzheimer, un plan Cancer… Alors pourquoi pas un plan Obésité ?

Quels conseils pourriez-vous donner aux parents ?

Pr Tounian : Avant d’être une maladie, l’obésité est une véritable souffrance. Dans une société régie par des codes esthétiques, un culte de la minceur, l’obésité et l’image ne font pas vraiment bon ménage.

L’enfant ne va pas comprendre cette différence et va donc en pâtir. Il est important de ne pas le faire culpabiliser davantage, au risque de le rendre réfractaire à toutes sorte de traitements par la suite.

Il faut donc lui faire entendre que ce n’est pas de sa faute mais que néanmoins, il va falloir lutter contre ce problème et faire des efforts pour éviter la prise de poids imposée par ses gènes.

D’un point de vue alimentaire, quels conseils pratiques donnez-vous ?

Pr Tounian : Pour les enfants qui souffrent de surpoids, le mot d’ordre reste « la restriction ». Il faut le limiter au quotidien dans sa consommation de nourriture.

  • Il n’est pas nécessaire de bannir certains aliments. L’idée est de consommer un peu de tout mais de manière modérée. S’imposer un minimum de rigueur mais garder du plaisir. Dans tous les cas, on doit favoriser une alimentation moins riche énergétiquement, en privilégiant notamment les fruits et légumes.
  • Mais si votre enfant refuse de manger des légumes, ce n’est pas si grave que ça…
  • Pour éviter les carences en fer à votre enfant, privilégiez la viande, les œufs, le poisson ou le lait de croissance.
  • Préférerez les produits laitiers pour lui apporter le calcium dont il a besoin.
  • Enfin, un peu d’exercice physique est toujours de bon augure. N’hésitez pas à le laisser faire de la marche ! Vos parents ou vous-même faisiez bien trois ou quatre kilomètres par jour pour aller à l’école.

Mon enfant risque-t-il de devenir obèse ? : sources et notes

– Obésité, dépistage et prévention chez l’enfant. Expertise collective, Inserm, 2000.

– Poulain J.P., Sociologue et anthropologue. Sociologie de l’Obésité, , Edition PUF, Sciences sociales et sociétés, 2009

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