Si le mot « stress » sort assez peu de la bouche des enfants, ils n’en sont pas moins des victimes potentielles. Souvenons-nous de cette phrase qui tue : « peut mieux faire » ! Si le stress réactionnel peut être mobilisateur, le stress chronique s’avère pesant…
On demande parfois aux enfants d’être à fond, et eux courbent l’échine sous le poids de la pression. Le constat est formel, l’entreprise de la réussite dans les sociétés contemporaines est devenue génératrice de stress, et parfois dès la maternelle ! Mais attention, l’école n’est pas la seule source de stress chez un enfant, de nombreuses autres origines sont possibles…
L’enfant est a priori plus sensible à son environnement qu’un adulte. Il ressent de façon plus forte, plus épidermique ce qui l’entoure. Aussi, dans de nombreuses circonstances, il est plus vulnérable…
Les signes permettant de voir si un enfant est stressé, ne sont pas toujours évidents : des troubles du sommeil, une phobie scolaire, des problèmes psycho-somatiques (comme des maux de ventre…). A lire les détails dans cet article.
Les traitements et les solutions sont détailles plus loin pour aider les parents à entreprendre les bonnes démarches, et un pédopsychiatre est interviewé et donne plein de conseils pratiques, en particulier en cas de situations stressantes à l’école.
Auteur : Dr Ada Picard, pédopsychiatre.
Dernière actualisation : mars 2017.
Mon enfant est stressé ! : les causes
Un enfant stressé a souvent plusieurs raisons de l’être. Des causes qui peuvent être liées à sa personnalité, et externes, liées à l’entourage, au contexte de vie…
Si 80% des demandes de consultations psychologiques concernent des difficultés scolaires, il est rare qu’un seul facteur soit mis en cause. Mais si le stress se majore en semaine et disparaît pendant les vacances scolaires, la pression scolaire peut y être pour quelque chose. Voici les principales causes de stress chez un enfant :
- Le manque de confiance en soi
Le manque de confiance en soi vient de l’impression de ne pas disposer de compétences suffisantes pour atteindre un idéal. Cet idéal peut provenir de l’enfant lui-même ou des exigences de son entourage. L’enfant se sent nul, a l’impression de ne pas être à la hauteur et ne cesse de se mettre la pression pour ne pas (se) décevoir.
- L’anxiété de performance
L’enfant est mu par l’envie de bien faire, à tel point qu’il peut en être paralysé d’angoisse. Voilà qu’il perd une énergie folle dans une quête de perfection mobilisée par la peur de l’échec. Cette angoisse est particulièrement perceptible lors des évaluations scolaires ou des compétitions, dans le cadre d’activités scolaires ou extra-scolaires.
- L’angoisse de séparation
Voilà une angoisse très fréquente qui peut pointer son nez dès le passage en crèche ou en nounou. On la reconnaît à la crise de larmes qui accompagne le moment de séparation avec les parents, par exemple à l’arrivée à la crèche, et à la rancune des retrouvailles en fin de journée. L’enfant boude ses parents lorsqu’ils viennent le chercher. C’est au moment de la maternelle que cette angoisse peut devenir source de stress pour l’enfant, alors indisponible aux apprentissages, trop préoccupé qu’il est par l’absence de ses parents.
- Les phobies
Autre cause de stress : certaines phobies, comme la phobie sociale, la peur de vomir ou encore la peur d’attraper une maladie… sont sources de stress pour l’enfant. Parfois associées à l’angoisse de séparation, ces phobies se trouvent exacerbées en milieu scolaire et participent directement ou indirectement au stress de l’écolier.
- Les pressions externes
Toute pression exercée sur l’enfant peut être source de stress lorsqu’elle excessive et qu’elle ne répond pas aux capacités de l’enfant. Ces exigences peuvent provenir des parents, de l’école, ou encore de la sphère médiatique.
- L’incertitude des repères
Le stress peut être lié à l’incertitude des repères inhérente à la société actuelle, qu’ils s’agissent des repères familiaux (éclatement familial, parcours migratoires, divorces, etc.), culturels ou moraux. Ainsi, la fragilité de ces repères ajoutée aux sollicitations multiples (pression médiatique, influence des camarades, etc.) stimule tout en précarisant l’autonomie de l’enfant. Le risque est qu’il intègre ces pressions multiples tout en se rendant responsable de ses manquements. Particulièrement stressant pour un enfant !
- Les violences à l’école
Bien plus fréquentes qu’elles n’y paraissent, les violences ordinaires à l’école sont une source majeure de stress pour les écoliers. Qu’il subisse des moqueries, des insultes écrites ou orales, ou encore des violences physiques (croche-pied, ballon reçu à son insu, etc.), l’enfant peut être stigmatisé dès la maternelle dans un rôle de victime ou de bouc-émissaire.
- L’isolement
L’école est le lieu de la scolarité, mais aussi de la socialisation. Et la pression sociale y est très forte. L’isolement d’un enfant au sein de sa classe peut rendre le milieu scolaire angoissant, et donc stressant.
Mon enfant est stressé ! : les signes
Le constat et l’expression du stress n’est pas chose facile pour nos jeunes enfants. Sans reconnaissance du trouble, pas de plainte, et donc pas de traitement ! Aux parents alors de dépister les signes d’une souffrance dont l’expression se faufile dans des chemins bien détournés. Voici listée une série de comportements et de signes qui doivent nous interroger : et si mon enfant était stressé ?
1. Les troubles du sommeil
Un peu comme nous les grands, les enfants préoccupés peuvent avoir du mal à se laisser aller aux bras de Morphée. Et si, comme par magie, l’enfant trouve son sommeil sans difficultés lors des vacances ou des week-ends, on est en droit de se demander s’il ne serait pas stressé par l’école ?
2. L’inhibition et l’agitation
Le comportement est le moyen d’expression par excellence des enfants. Ainsi, le moindre changement de comportement quelle qu’en soit la nature peut refléter un stress patent. Pour un même stress, un enfant pourra réagir par une agitation (excitation, hyperactivité, impulsivité, etc.), ou une inhibition (retard psycho-moteur, blocage du langage, trous de mémoire, etc.).
3. Les troubles alimentaires
Parmi les comportements pathologiques de l’enfant susceptibles de refléter un stress, il y a les troubles alimentaires. L’anorexie, l’hyperphagie ou encore la boulimie, sont des troubles complexes qui peuvent être déclenchés par un stress. L’identification du contexte dans lequel le trouble a débuté, et/ou pendant lequel les crises de boulimie surviennent, peut donner des indices sur l’origine du stress.
4. Les compulsions
Voilà un symptôme de plus en plus fréquent chez les enfants. Les compulsions sont des comportements inadaptés répétitifs et ritualisés qui visent à soulager une tension nerveuse plus ou moins consciente. Il en existe une variété infinie : manipulation de cheveux (ou trichotillomanie) ou de la peau, cleptomanie, lavage de mains compulsif, vérifications, etc.
5. Les troubles psycho-somatiques
Le stress, ça se passe dans la tête, et aussi dans le corps, qui plus est chez les enfants. Lorsque l’enfant ne peut exprimer, ni même ressentir sa tension, il arrive que celle-ci s’exprime au travers du corps. Ainsi une migraine, une constipation ou encore l’aggravation d’un asthme, peut être la seule manifestation d’un état de stress chez l’enfant.
6. Les addictions
Le recours aux drogues, cannabis en première ligne, ou à certains comportements addictifs, comme la dépendance à internet ou aux jeux vidéo, peut être une réaction au stress chez les enfants plus âgés. Une sorte de stratégie d’adaptation trouvée par le jeune de façon plus ou moins consciente afin de gérer son stress comme il peut.
7. La phobie scolaire
La phobie scolaire est un terme très général qui regroupe toutes les résistances, directes ou indirectes, de l’enfant à se rendre à l’école. Elle est toujours associée à un stress scolaire.
8. La baisse des résultats scolaires
Un enfant dont les résultats scolaires baissent plus ou moins brutalement, ou dont les résultats stagnent malgré une augmentation du travail fourni, peut être le reflet d’un stress scolaire. En effet, le stress excessif est un fléau pour l’apprentissage, de par ses conséquences sur le comportement, la concentration, la mémoire, ou encore la simple volonté d’apprendre.
9. Les ruminations anxieuses
Un stress qui se répète peut entraîner à la longue une auto-dévalorisation, affectant par là-même une estime de soi d’ores et déjà fragile. L’enfant a le sentiment de ne pas être à la hauteur, se sent « nul » et garde en lui la crainte patente de « ne pas y arriver ». A terme, ces ruminations anxieuses sont à risque d’évoluer vers une dépression.
Mon enfant est stressé ! : les solutions
Côté parents, quand on constate que son enfant est stressé, on ne sait pas toujours comment réagir, quelles réponses lui apporter… Voici 10 conseils qui pourront aider les parents concernés…
- Lui montrer qu’on est fier
Tous les enfants (sans exception !) ont à cœur de susciter la fierté de leurs parents, et craignent d’éveiller la moindre déception. Attention donc aux mots utilisés, aux mots susceptibles de les blesser ou de les dévaloriser. Et surtout, surtout, de ne pas les comparer ! A l’inverse, montrer notre fierté c’est les valoriser dans leur être profond. Il en va de la confiance en soi de nos enfants.
- Lui donner envie d’apprendre
Éveiller la curiosité de son enfant plutôt que l’imposer ! On ne peut forcer son enfant à être curieux, mais on peut le stimuler en privilégiant des échanges positifs, une complicité intellectuelle sur des découvertes plus ou moins ludiques ou des jeux didactiques.
- Pratiquer la co-éducation
Un parent n’est jamais seul dans l’éducation de son enfant. Le lien entre les différents ‘co-éducateurs’ a même quelque chose de rassurant pour l’enfant. Lorsqu’il y a séparation parentale, il est important de maintenir un dialogue entre les deux parents afin de soutenir et de l’éduquer de manière cohérente. Tout autant qu’il est important de communiquer avec les enseignants, cahier de correspondance à l’appui.
- Etre attentif à ses avancées
Chaque enfant évolue à son rythme et suit son bonhomme de chemin, parfois émaillé de blocages ou de difficultés. En tant que parent, il est primordial de garder une vue d’ensemble, de valoriser ses efforts sans se focaliser sur les ‘retards’ au risque de rendre sa confiance en lui dépendante du progrès qui lui est demandé.
- Se faire confiance en tant que parent
Dans le métier de parent, pas de protocole, ni de mode d’emploi ! L’exemplarité parentale est un idéal, mais elle est aussi peu réaliste qu’un enfant parfait. La confiance en soi en tant que parent passe par la reconnaissance de ses propres limites et la cohérence avec ses propres valeurs. L’amour pour nos enfants fera le reste !
- Laisser de la place à l’ennui
Stimuler, oui ! Mais sans excès… Les plages de pauses sont nécessaires pour les enfants, pour libérer leur imagination et encourager leur créativité. Le surbooking c’est stressant, et ça n’est pas du ressort des enfants. Libérons donc leur emploi du temps et laissons-les s’ennuyer ! Si les activités extra-scolaires sportives ou créatives sont bénéfiques, le jeu spontané peut-être tout aussi stimulant.
- Echanger
Papoter, partager, échanger nos découvertes réciproques, nos impressions, notre compréhension du monde et de l’actualité. Lui poser des devinettes, l’interroger sur ce qu’il aime, lui parler de ce qu’on aime. Avec des mots simples, de l’enthousiasme et de la spontanéité.
- Se montrer autoritaire…
… sans être écrasant. Car oui, un enfant a besoin de repères et de l’autorité de ses parents. D’une autorité sans violences, cohérente, expliquée, et ferme. C’est ce qu’on appelle la parentalité positive. La pression parentale peut être bénéfique et déclencher un stress adaptatif lorsqu’elle est adaptée aux compétences de l’enfant. Un stress qui éveille plus qu’il ne déborde, en somme.
- Encadrer l’usage des écrans
Si les écrans (télé, ordinateur, tablette, etc.) peuvent avoir une utilité pédagogique et stimuler l’ouverture d’esprit, leur usage doit rester modéré. Le mieux est d’accompagner et d’encadrer l’enfant vers un usage modéré, en le mettant en garde contre les pièges d’internet tout en le valorisant dans ses découvertes.
- Consulter si…
D’abord, consulter son médecin traitant si on est inquiet pour son enfant, et éventuellement rencontrer un psy pour évoquer son stress…de parent, avant celui de son enfant. Le professionnel de santé sera ensuite le mieux placé pour conseiller ou non un suivi pour ce dernier.
Mon enfant est stressé ! : les conseils du psychiatre
A partir de quel âge un enfant peut-il être stressé ?
Dr Patrice Huerre : Avant la naissance, et dès la période fœtale ! Ça peut commencer très tôt, l’enfant étant perméable au stress que véhicule son environnement familial et parental en particulier. J’ai vu des nouveau-nés naître dans un état de stress avancé, le stress de leur mère en l’occurrence, qu’il prenait de plein de fouet par le biais des transmissions biochimiques et autres. Si la contamination n’est pas aussi directe après la naissance, on sait que l’enfant est très sensible à l’ambiance alentour et donc à l’intensité du stress qui règne. Et ce, dès les 1ères semaines de vie !
L’enfant est-il plus sensible au stress que l’adulte ?
Dr P. H. : Plus l’enfant est jeune, plus il est dépendant de son environnement pour vivre. Et donc plus il y est attentif. Le bébé ressent et vit l’ambiance environnementale de façon très archaïque et très sensorielle. Cette perméabilité s’atténue avec l’âge et varie en fonction des individus. Tandis que certains apprennent à se protéger en se blindant, d’autres peuvent rester très perméables à tout stress dans l’environnement, y compris une fois devenu adulte. L’environnement pouvant être familial, professionnel, social, etc.
Un enfant dit-il qu’il est “stressé” ?
Dr P. H. : Si il a entendu ses parents le dire, il pourra le répéter. On peut entendre des enfants assez jeunes dire qu’ils sont stressés parce qu’ils ont entendu ça à la maison, comme ils pourraient dire énervé, tendu, etc. Mais ça n’aura pas forcément la même signification. A la différence des adultes, le stress des enfants s’exprime le plus souvent par le biais du corps. Par exemple, par le sommeil, l’appétit, la nourriture, des troubles digestifs ou des problèmes dermatologiques, et enfin par des comportements inhabituels.
Les enfants sont-ils inégaux face au stress ?
Dr P. H. : Oui. Face à un même facteur extérieur de stress, certains répondront de manière immédiate, et d’autres sauront instaurer une suffisante distance. Toutes les études effectuées chez l’animal montrent bien que cette réaction est l’héritage de nos premières expériences de vie et des conditions dans lesquelles elles se sont déroulées. Le résultat de ces expériences peut conduire à ce que l’on soit particulièrement stressé face à une même cause.
Tout se joue avant 3 ans ?
Dr P. H. : Attention, ce n’est pas parce qu’il y a des expériences précoces problématiques que l’existence entière en sera conditionnée. Toute difficulté y compris traumatique peut tout à fait évoluer favorablement. Chaque expérience de vie, chaque étape, permet de restaurer des compétences qui ont été mises à mal. L’idée selon laquelle tout se jouerait avant trois ans n’est plus d’actualité. Toutes les recherches épigénétiques montrent que l’enfant dispose de capacités de transformation indéniables selon ses conditions de vie, même avec un bagage lourd et chargé des générations précédentes. Il n’est donc jamais trop tard pour bien faire !
Mon enfant est stressé ! : le stress à l’école
Suite de l’interview avec le Dr Patrice Huerre, pédopsychiatre et psychanalyste. Il détaille les facteurs de stress chez l’enfant et en particulier ceux liés à l’école…
Un conseil à donner aux parents stressés?
Dr Patrice Huerre : Vous pouvez être stressé, mais dites bien « je suis stressé » et non pas « oh la la, comme tu es stressé » ! Il faut revendiquer le stress en son nom afin d’éviter que l’enfant soit englobé dans le stress des parents : “Je suis très stressé par ce qui va t’arriver, mais tu n’es pas obligé de l’être. Toi, je te fais confiance dans ta capacité à te débrouiller”. C’est mon stress, et ce n’est pas forcément le stress commun. C’est un préalable. Que l’enfant ne se sente pas obligé de partager tout ce qui ne le concerne pas.
L’école peut-elle être un facteur de stress pour l’enfant ?
Dr P. H. : Sans aucun doute. On voit des parents qui racontent que leur enfant a changé complètement, qu’il est tendu, énervé, qu’il ne peut plus dormir le soir… Et ce n’est que quelques mois plus tard qu’il finira par dire qu’il se sent sous pression à l’école, qu’il se sent mal avec cette institutrice ou cet instituteur, etc. Avant que l’enfant ne puisse faire un lien, il peut se passer un long moment. Donc ça vaut le coup de faire un point, d’aller voir ce qu’il se passe à l’école. Et plus l’enfant grandit, plus il faudra faire le tour des adultes qui le rencontrent, qu’il s’agisse du prof principal ou du prof de guitare, partager les regards pour voir si le stress est diffus ou localisé.
Les enfants sont-ils plus stressés actuellement ?
Dr P. H. : Oui ! Parce qu’il y a plus d’angoisses chez nos contemporains adultes ! Les parents veulent très bien faire. Parce qu’ils ont investi énormément leur enfant depuis qu’ils ont choisi d’en avoir, depuis l’avènement de la contraception. Un investissement qui doit donner lieu à un retour sur investissement et donc à une forte pression exercée sur l’enfant. Qui l’expose à plus de stress que les générations précédentes. Les enfants sont comme chargés de mission de réussir ce que les parents n’ont pas réussi, autour des enjeux scolaires en particulier. Il faut aider les parents à relativiser.
Comment faire pour éduquer son enfant sans le stresser ?
Dr P. H. : Ce n’est pas en mettant une pression maximale que leur enfant fera le mieux. Il y a d’autres manières de stimuler la curiosité et l’intelligence. En jouant, en racontant des histoires, en les informant du monde, en partageant avec eux ce qu’on éprouve face à un paysage, face à une histoire, face à une musique, tout ces éléments qui font partie de la vie et qui vont donner envie d’apprendre.
Mon enfant est stressé ! : Sources et notes
– Odile Faure-Fillastre et al. « Introduction », Enfances et psy 3/2011 (n°52), p 11-15
– SIte internet : www.afpssu.com.
– Reda Salamon et al. Estime de soi et bien-être émotionnel des élèves en difficulté scolaire : une étude en vie quotidienne, Journal de Thérapie comportementale et cognitive
– Daniel Marcelli, Approche globale du stress chez le jeune en situation de scolarité, La Revue de Santé Scolaire et Universitaire, n°8, mars-avril 2011.