La maladie de Crohn est une MICI, autrement dit une maladie inflammatoire chronique intestinale, qui se manifeste le plus souvent chez les adolescents et les adultes jeunes, hommes et femmes, entre 20 et 40 ans.
Plus de 100 000 personnes souffrent actuellement de maladie de Crohn en France, et on estime que près de 15 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque jour. Généralement à l’origine de douleurs abdominales, de fièvre, de diarrhée, de fatigue… elle altère fortement le quotidien de ceux qui en souffrent.
L’évolution de la maladie se fait par poussées plus ou moins espacées, plus ou moins intenses, entrecoupées de phases de rémission tout au long de la vie.
La maladie de Crohn est une maladie auto-immune. C’est à dire qu’elle est liée à en une hyperactivité du système immunitaire intestinal contre des composants de sa propre flore (les milliards de bactéries que l’on héberge tous dans l’intestin : appelées “microbiote”).
Théoriquement, tous les segments du tube digestif peuvent être atteints, même si, le plus souvent, ce sont l’intestin grêle et le côlon qui sont les plus touchés. En clair, le système de défense de notre organisme perçoit – à tort – les bactéries habituelles de la flore intestinale comme des intrus.
Comme le système immunitaire intestinal se sent agressé, il provoque une inflammation inappropriée et persistante de la muqueuse. Cette inflammation induit des lésions – des ulcérations – qui peuvent évoluer, en cicatrisant, vers des sténoses (rétrécissement de l’intestin) voire vers des fistules (communication anormale entre 2 organes), ou des abcès.
La maladie de Crohn se manifeste aussi par des troubles du transit, une anorexie et une malabsorption intestinale avec un amaigrissement, des carences nutritionnelles. Le traitement des poussées repose principalement sur les corticoïdes voire les immunosuppresseurs. Parfois la chirurgie est nécessaire si surviennent des complications ou lors de poussées extrêmement sévères. Des règles hygiéno-diététiques sont indispensables à mettre en place pour prévenir les poussées. Aussi, il est nécessaire d’arrêter de fumer, le tabac étant un facteur d’aggravation de la maladie. Heureusement, des progrès thérapeutiques permettent aujourd’hui de mieux soigner la Maladie de Crohn.
Maladie de Crohn : les causes
La maladie de Crohn est une maladie auto-immune. Ses causes sont multiples : environnementales, génétiques et infectieuses.
Certaines habitudes de vie, principalement l’alimentation et le niveau de stress, pourraient favoriser l’apparition de la maladie de Crohn. Le tabac est un facteur aggravant de la maladie de Crohn. De multiples études épidémiologiques ont montré que la maladie de Crohn était plus fréquente dans les pays industrialisés que dans les pays en voie de développement, et que son incidence avait augmenté avec l’occidentalisation du mode de vie, depuis les années 50 jusqu’aux années 90.
Dans les pays industrialisés et à fort revenu, comme la France, l’incidence des MICI et notamment de la maladie de Crohn, suit une courbe comparable à celle du diabète de type 1. Tout cela suggère que le mode de vie « occidental » serait en cause.
Il pourrait y avoir un lien entre la maladie de Crohn et l’alimentation, trop riche en graisses animales, en sucres raffinés et trop pauvres en fibres ou en fruits. Mais ceci est très difficile à démontrer en pratique. Certaines bactéries et/ou champignons sont également incriminés dans l’apparition de la maladie. Mais ces causes font encore l’objet de recherches et de discussions. Un des facteurs de risque « environnemental » de la maladie de Crohn parfaitement démontré est le tabagisme actif. En revanche, le tabagisme a un effet tout à fait inverse au cours de la rectocolite hémorragique qui est préférentiellement une maladie du non-fumeur ou du fumeur sevré ! Les raisons de ces différences sont actuellement tout à fait inconnues.
On connaît le caractère familial de la maladie de Crohn et des travaux scientifiques de très haut niveau portant sur des familles dont plusieurs membres étaient atteints de la maladie de Crohn, ont montré que certaines parties des chromosomes 12 et 16 pouvaient être en cause, et notamment les gènes NOD2 ou CARD15. On sait également que chez les jumeaux vrais, le deuxième jumeau a 50% de risques supplémentaires de développer la maladie, si son frère est malade.
Cependant, la prédisposition génétique ne suffit pas au développement de la maladie. Il s’agit davantage de risques environnementaux, probablement multiples, et en fait surtout de la rencontre d’un terrain génétique avec un environnement particulier. Dans tous les cas, il faut insister que le fait que la maladie de Crohn n’est ni héréditaire, ni contagieuse.
Plus de 200 gènes ont été identifiés comme impliqués dans l’apparition ou la sévérité d’une maladie de Crohn. L’activité de ces gènes pourrait varier en fonction de l’environnement (alimentation, tabac, etc.). On parle de causes épigénétiques.
Maladie de Crohn : les symptômes
On pourrait décrire la maladie de Crohn comme une sorte de « gastro-entérite permanente » qui évolue par poussées.
Lors des crises, les principaux symptômes sont :
- Des douleurs abdominales : comme des crampes, d’intensité variable, qui s’accentuent parfois après les repas et sont soulagées par l’émission de selles.
- Une diarrhée chronique, contenant parfois des glaires ou du sang.
- Une grande fatigue.
- Une perte de poids et perte d’appétit, la malabsorption des aliments.
- Une fièvre entre 38 et 40° C.
- Des douleurs abdominales à type de coliques réveillant parfois le malade.
- Des douleurs articulaires, des lésions au niveau de la peau ou d’autres signes généraux.
Chaque élément, chaque symptôme a son importance pour ne pas passer à côté du diagnostic, le risque étant de considérer à tort ces symptômes comme étant liés à une gastro-entérite banale ou à une colopathie fonctionnelle. Il faut être attentif aux symptômes nouveaux, aux douleurs nocturnes, aux selles sanglantes ou à la perte de poids.
D’autres symptômes, dont non digestifs, peuvent s’associer à la maladie de Crohn :
Des anomalies sanguines :
Les personnes atteintes d’une maladie de Crohn sont à plus haut risque de développer des caillots sanguins qui peuvent être source de complications, comme une phlébite ou une embolie.
Il est donc important, lors des périodes où l’on doit rester alité, notamment en cas de poussée de la maladie, de bouger les mains, les pieds, les jambes, de marcher un peu, si cela est possible, voire de prendre un traitement préventif pour éviter la survenue de ce type d’accident.
Une anomalie des yeux :
Des yeux rouges, des picotements et des larmoiements oculaires ne sont pas rares chez ceux qui souffrent d’une maladie de Crohn. La vision peut devenir trouble et l’on peut souffrir de maux de tête.
Des douleurs articulaires :
On parle alors de rhumatisme inflammatoire qui peut toucher les articulations des coudes, des genoux, des épaules, des chevilles… qui deviennent rouges, chaudes et douloureuses ; ou avec des signes sur la colonne vertébrale qui est douloureuse. L’une des particularités de ces atteintes « inflammatoires » est que les symptômes surviennent même au repos, réveillant alors le malade pendant la nuit ou au petit matin…
La spondylarthrite ankylosante :
Il s’agit d’une forme sévère d’atteinte articulaire qui a pour effet d’ankyloser le bas de la colonne vertébrale et les articulations sacro-iliaques.
L’ ostéoporose :
C’est une fragilisation des os, causée par un manque de minéraux, tels que le calcium. Dans le cas de la maladie de Crohn, ceci s’explique par une mauvaise absorption des nutriments dans l’intestin grêle ou surtout par la prise, parfois prolongée, de corticoïdes.
Maladie de Crohn : La différence avec la rectocolite hémorragique
La deuxième grande maladie inflammatoire chronique de l’intestin est la rectocolite hémorragique (RCH).
Les deux maladies peuvent parfois donner les mêmes symptômes, mais certaines caractéristiques permettent le plus souvent de faire la différence : la rectocolite hémorragique débute toujours par une atteinte du rectum (partie terminale du côlon) et s’étend sur une hauteur variable, mais de façon continue, sur le côlon d’amont.
La RCH est une maladie superficielle qui affecte surtout la muqueuse intestinale, responsable de lésions se manifestant généralement par des saignements, accompagnés ou non de diarrhée et de douleurs abdominales.
Dans certains cas, il peut être difficile de distinguer ces 2 maladies, et on parle alors de colite inclassée.
Les complications
La maladie de Crohn peut parfois rester silencieuse avec un poids stable. Lorsque la maladie de Crohn est active, la perte de poids est très fréquente. La diminution des apports alimentaires est habituelle lors des poussées : non seulement le malade mange moins à cause de la peur des douleurs, des prises répétées de médicaments, mais aussi des diarrhées, des vomissements… En conséquence, le patient peut être dénutri et carencé.
Dans la maladie de Crohn, la paroi digestive est fragilisée et le risque de perforation intestinale et de fistules existe. Les sténoses où siègent les lésions sont possibles. Une septicémie (infection disséminée par voie sanguine) peut compliquer la maladie de Crohn.
Une dégénérescence cancéreuse du colon ou du rectum est possible si la maladie évolue depuis de nombreuses années. Un dépistage du cancer du côlon sera entrepris plus précocement et plus fréquemment que dans la population normale.
Maladie de Crohn : le diagnostic
Le plus sûr moyen de ne pas passer à côté de la maladie de Crohn, est d’effectuer des examens diagnostic, à savoir : les explorations endoscopiques, afin de rechercher des lésions évocatrices.
Des examens de sang montrent l’existence d’un syndrome inflammatoire, d’une anémie.
La coloscopie, généralement effectuée sous anesthésie générale, permet de visualiser les lésions et d’effectuer des prélèvements de tissus qui seront ensuite analysés au microscope. L’analyse de ces fragments de tissus permettra de vérifier s’il existe une inflammation chronique et éventuellement d’autres signes évoquant une maladie de Crohn ou une rectocolite hémorragique. Une entéro-IRM peut également être indiquée.
Des techniques sont actuellement en cours de validation pour essayer de trouver des alternatives non invasives à la coloscopie, comme des examens radiologiques ou des examens de selles. On peut également explorer l’intestin grêle avec une mini-caméra (videocapsule) que l’on ingère ; il en sera probablement bientôt de même pour le côlon, mais ces examens non invasifs ne permettent pas pour l’instant d’effectuer des prélèvements de tissus pour avoir la confirmation de la maladie.
Il est possible de faire un transit du grêle : c’est une radiographie de la lumière intestinale avec un produit opaque, la baryte. Elle permet de diagnostiquer une irrégularité de la lumière intestinales et en particulier des sténoses (c’est-à-dire des rétrécissements intestinaux).
Maladie de Crohn : les traitements
Le but du traitement dans la maladie de Crohn est de traiter les poussées et éviter les récidives. Les traitements actuels limitent l’inflammation et permettent de contrôler les symptômes mais ne guérissent pas les patients.
La maladie de Crohn, si elle peut parfois devenir invalidante, n’est généralement pas mortelle, et ne réduit pas l’espérance de vie de ceux qui en sont atteints. Mais le quotidien des patients peut être plus ou moins altéré… aussi est-il important pour eux de trouver le bon traitement.
Jusqu’à ces dernières années, les médecins disposaient de trois types de traitements médicamenteux, pour le contrôle des poussées ou pour la prévention des rechutes. Ces traitements sont toujours utilisés ayant prouvé leur efficacité :
- Les anti-inflammatoires intestinaux
Les anti-inflammatoires intestinaux reposent principalement sur les dérivés salicylés (mésalamine, olsalazine) pour contrer l’inflammation intestinale. Mais ils sont peu efficaces sur la maladie de Crohn. - La cortisone (les corticoïdes)
Les corticoïdes sont de puissants anti-inflammatoires, généralement proposés en cas de poussée sévère, ou lorsque les anti-inflammatoires intestinaux n’ont pas été efficaces. La cortisone est très active, mais doit être prise à forte dose pendant 2 à 3 semaines après le contrôle de la poussée, et ensuite être diminuée progressivement, ce qui conduit à des traitements prolongés, au minimum de 2 à 3 mois, avec des risques d’effets secondaires gênants ou dangereux. Les principaux effets secondaires en début de traitement sont cosmétiques (prise de poids, enflure du visage, acné, pilosité du visage) et psychiques (troubles de l’humeur, agitation, surexcitabilité, dépression) et, à plus long terme, ce sont surtout les risques de retard de croissance chez l’enfant, de déminéralisation osseuse et d’infections qui prédominent. Qui plus est, le risque de devenir dépendant à ce traitement, c’est-à-dire de ne pas pouvoir l’arrêter sous peine de voir réapparaître les signes de poussée de la maladie, est de l’ordre de 20 à 30% à chaque fois qu’on les prend. Cela peut conduire à des traitements très prolongés, qu’il faut impérativement proscrire. - Les immunosuppresseurs
Ils agissent de manière ciblée sur certains éléments du système immunitaire, afin de diminuer leur « hyperactivité » non contrôlée, et donc l’inflammation chronique qui en résulte. Les immunosuppresseurs les plus prescrits sont les anti-TNF-α et anti-Il12/Il-23. Ainsi qu’un immuno-modulateur : le vedolizumab. Ces traitements sont également source potentielle d’effets indésirables à type d’intolérance, notamment digestive (nausées, vomissements, douleurs abdominales) ou générale (fièvre, douleurs abdominales) à court terme, et risque d’infections, voire de lymphome, à moyen et long terme. À noter que de nouveaux traitements sont cesse étudiés et commercialisés.
Néanmoins, ces risques sont généralement très largement contrebalancés par leurs effets bénéfiques, parce qu’ils permettent le plus souvent un contrôle durable de la maladie en évitant d’avoir recours aux corticoïdes.
Maladie de Crohn : les anti-TNF
Depuis quelques années, sont apparus de nouveaux médicaments, les anti-TNF (biothérapie).
Si, avant eux, les traitements avaient pour principale ambition la diminution ou la disparition des symptômes cliniques de la maladie, les anti-TNF pourraient intervenir directement sur les lésions et modifier l’histoire naturelle de la maladie, et donc permettre des objectifs plus ambitieux.
Ils sont efficaces aussi bien en traitement d’attaque qu’en traitement d’entretien. Ils sont actifs sur les lésions intestinales de la maladie qu’ils sont capables de cicatriser rapidement, mais également sur les lésions ano-périnéales et extra-intestinales.
Deux anti-TNF alpha sont actuellement commercialisés en France. Il s’agit de l’infliximab et de l’adalimumab. Ils agissent en neutralisant une substance pro-inflammatoire, le TNF (tumoral necrosis factor). Les anti-TNF alpha sont des médicaments produits pour bloquer l’action inflammatoire des cytokines TNF alpha, présentes en très grand nombre au cours des MICI, notamment en cas de poussée.Ils permettent de lutter contre les réactions inflammatoires, notamment au cours de la maladie de Crohn.
La chirurgie
Une intervention chirurgicale peut être envisagée lorsque les autres traitements ne sont pas suffisants. En cas de fistule, par exemple, ou d’obstruction complète du tube digestif ou encore d’ulcère perforé. La chirurgie n’empêche pas l’évolution de la maladie, mais elle peut considérablement soulager le patient et parfois remettre les « compteurs à zéro ». La partie lésée peut être complètement retirée.
Tout dépend de la localisation des lésions. On opère lors de sténoses, d’abcès, de masses inflammatoires ou de fistules symptomatiques. Les lésions colorectales peuvent être traitées par colectomie segmentaire, c’est-à-dire avec l’ablation de la partie lésée du côlon.
Maladie de Crohn : les conseils alimentaires
La maladie de Crohn provoque une inflammation de la paroi de l’intestin, là où sont digérés les nutriments. Cela entraîne des problèmes de nutrition, des carences, etc.
Chez l’enfant, ces difficultés de digestion des nutriments peuvent avoir des conséquences sur la croissance. Il est donc important de veiller aux éventuelles carences provoquées par la maladie.
- Alimentation pendant les crises :
La paroi des intestins est enflammée, il faut donc la ménager en évitant des aliments « agressifs ». Pendant les périodes de poussée, il est conseillé dans certains cas de diminuer la consommation de lait et surtout de fibres alimentaires, comme les produits de boulangerie à la farine de blé ou les fruits et légumes crus ou non pelés. Même si ces produits n’ont pas d’effet nocif en soi, bien au contraire, ils augmentent le volume des selles et exercent donc une pression supplémentaire sur l’intestin.
- Alimentation de soutien :
Pour éviter des risques de carences nutritionnelles, on conseillera des suppléments, des complexes vitaminiques, minéraux, et des préparations liquides hautement caloriques que peut vous proposer votre médecin ou votre pharmacien.
Si l’intestin est trop irrité, ces nutriments ou compléments alimentaires pourront être pris par voie intraveineuse. Ils permettent de corriger la malnutrition et d’éviter les carences, notamment les carences en protéines, en vitamines et en minéraux. Par ailleurs, un changement de régime alimentaire est toujours préconisé, et inclut une diminution des sucres raffinés, des plats préparés, une augmentation des fruits et légumes et des produits naturels riches en nutriments.
Maladie de Crohn : les conseils du médecin spécialiste
Entretien avec Pr Yoram Bouhnik, chef du service de Gastroentérologie, MICI et Assistance Nutritive à l’hôpital Beaujon, Clichy.
Maladie de Crohn, quand on sait ce que c’est, signifie maladie incurable. Est-ce vraiment le cas ?
Il faut relativiser les choses. On a beaucoup parlé des formes sévères de la maladie. Mais, dans la majorité des cas, heureusement, l’évolution est plus bénigne. L’arrivée des nouveaux médicaments anti-TNF et la meilleure connaissance de leur maniement ont permis de débloquer des situations autrefois très graves ou seules des chirurgies mutilantes ou des traitements nutritionnels prolongés pouvaient être proposés, et également d’aspirer à de nouveaux objectifs, comme une cicatrisation rapide et complète des lésions, ce qui semble être un facteur extrêmement important pour mieux contrôler l’évolutivité à moyen terme de la maladie.
Les éventuelles interventions chirurgicales sont aussi plus ciblées…
La chirurgie a également fait des progrès importants, avec la majorité des interventions qui peut maintenant être réalisée sous coelioscopie, c’est-à-dire sans cicatrice abdominale importante, mais qui reste encore, pour les formes compliquées, l’apanage de centres experts en chirurgie du côlon et en chirurgie coelioscopique.
On a donc fait des progrès, même s’il reste encore à en faire…
La recherche est extrêmement active dans ce domaine, avec un soutien majeur en France de l’association François Aupetit (AFA) qui finance des programmes de recherche fondamentale, clinique et thérapeutique, en plus de son travail d’information et de soutien aux malades et à leurs proches. Tout ceci apporte un immense espoir. Certes, on ne peut pas encore parler de guérison de la maladie, au sens strict du terme, c’est-à-dire rémission durable sans aucun signe clinique, biologique ou endoscopique et aucun traitement, mais on peut permettre à une majorité de patients d’avoir une qualité de vie normale ou presque.
Quels conseils pourriez-vous donner aux patients ?
Des patients craignent souvent par-dessus tout d’avoir à subir un traitement chirurgical, voire une stomie (anus artificiel), et sont préoccupés par le caractère imprévisible de la maladie et le risque de poussée, les gênant dans leurs projets de vie personnels, familiaux et professionnels.
Il faut leur rappeler qu’une fois sur deux, la maladie est tout à fait bénigne et ne nécessite même pas de traitements majeurs. La grossesse est tout à fait envisageable, avec une surveillance adaptée, et le risque de transmission de la maladie à l’enfant est relativement faible.
Et concernant le risque de cancer ?
Le risque de cancer intestinal à long terme est actuellement quasiment diminué de moitié, grâce à des traitements simples et une surveillance endoscopique régulière. Quant à la vie sexuelle, il faut rappeler qu’elle est normale dans la grande majorité des cas, sauf peut-être lorsqu’il existe des lésions actives dans la région du périnée. Bref, il faut dédramatiser cette maladie, qui, certes, peut être invalidante dans les cas sévères, mais reste bénigne et bien contrôlée dans la majorité des cas.
Maladie de Crohn : le témoignage d’un patient
Entretien avec Paule, 51 ans est atteinte de la maladie de Crohn depuis l’âge de 30 ans.
Comment cela a-t-il commencé ?
Je me suis mise à vomir et à avoir de la diarrhée. Au début, bien sûr, on a diagnostiqué une gastro. En fait, je revenais d’un séjour en Afrique. Les médecins ont donc d’abord pensé à une turista ou à des amibes. Mais au bout de plusieurs semaines, ça continuait !
J’ai vu un gastro-entérologue qui a assez vite pensé à la maladie de Crohn. Il m’a expliqué de quoi il s’agissait. J’avais comme alternative soit de m’enfermer chez moi et de ne plus bouger, soit de continuer mes activités normalement. J’ai opté pour la seconde option. J’avais 30 ans. Vous imaginez ? Si j’étais restée cloîtrée, je n’aurais plus eu de vie.
Au quotidien, comment avez-vous vécu votre maladie ?
Comme un handicap. A chaque fois que j’allais au cinéma ou même à mon travail, j’avais la hantise d’être victime d’une crise. Vous imaginez bien. Vous êtes au restaurant avec vos amis et tout à coup, vous devez, en urgence, aller chercher les toilettes. C’était le cas pour toutes les sorties. Donc, il m’est arrivé bien souvent de refuser des sorties à cause de ça.
Au plan social, difficile ! Cela limite tous les plaisirs de la vie. Et j’ai le plus souffert à ce niveau-là. Au point d’avoir des grosses crises de déprime. Et pas trop d’avenir en vue… J’arrivais bien à m’occuper de mes enfants, j’arrivais bien à travailler, quand même. Mais, pour moi, le plaisir personnel, je n’en avais quasiment plus.
Depuis quelques années, vous avez trouvé un traitement qui vous convient ?
Les biothérapies, en effet. Les anti-TNF alpha. Mon médecin m’a parlé de ça, il y a quelques années. Au début, on ne savait pas trop quel effet cela pourrait avoir sur moi. On en était au début des biothérapies. Et ça a marché, ça m’a bien soulagée. Cela signifie que maintenant, je peux sortir, sans avoir cette crainte permanente d’un malaise en public. Cela m’a soulagée aussi au plan articulaire.
Car, j’avais développé une sorte d’arthrite, très invalidante. J’avais des douleurs, au niveau du dos, tout le temps. Alors, les malaises digestifs, plus les douleurs articulaires, c’est vrai qu’il y a des moments où j’avais envie de baisser les bras. Heureusement que j’avais mes enfants pour me soutenir moralement et me donner une bonne raison de m’accrocher. Mais là, depuis quelques temps, ça va vraiment mieux. Je souffre beaucoup moins. J’ai pu reprendre pas mal d’activités. Du coup, le moral aussi est meilleur.
Maladie de Crohn : Sources et notes
– Ciccocioppo et al., Autologous bone marrow-derived mesenchymal stromal cells in the treatment of fistulising Crohn’s disease., Gut 2011. Guide affection longue durée – Maladie de Crohn, HAS, mai 2008.
– Jean-Yves Nau, Maladie de Crohn : sur la piste bactérienne, Rev Med Suisse 2008;4:2361.
– Suskind, David L et al. Clinical and Fecal Microbial Changes With Diet Therapy in Active Inflammatory Bowel Disease. Journal of Clinical Gastroenterology, 2016
– Maladies inflammatoires chroniques et intestinales, www.inserm.fr, février 2016
Auteur : Sylvie Charbonnier.
Expert consultant : Pr Yoram Bouhnik, chef du service de Gastroentérologie, MICI et Assistance Nutritive à l’hôpital Beaujon, Clichy.
Mise à jour : janvier 2017 par le Dr Ada Picard