Le mal de dos pendant la grossesse est une douleur fréquente chez les femmes enceintes.
La grossesse est l’occasion de multiples modifications physiologiques, notamment l’augmentation de poids et d’élasticité des tissus, qui entraînent un fonctionnement différent de la colonne lombaire, et des contraintes sur les structures ostéoarticulaires.
Les lombalgies sont fréquemment associées à des douleurs fessières. En effet, la moitié des femmes enceintes ont des douleurs de la ceinture pelvienne, un tiers des douleurs lombaires basses, une femme sur six combinant les deux pathologies. Nombre de femmes tolèrent cette douleur et ne consultent pas.
Lors de la grossesse, les douleurs sacro-iliaques et les pubalgies seraient en rapport avec les modifications de la géométrie pelvienne et pourraient s’expliquer par des micromobilités des articulations sacro-iliaques (postérieures, au niveau des fesses) et de la symphyse pubienne (antérieure) liées au relâchement des articulations et des ligaments du bassin.
Pour mieux comprendre : Schéma du bassin osseux, vue antérieure
Au cours de la grossesse, il existe une laxité générale d’origine hormonale des tissus conjonctifs. Les facteurs hormonaux (estrogène et relaxine) interviendraient par l’intermédiaire de récepteurs hormonaux présents sur les ligaments, les muscles et les enthèses de la région pelvienne. Cette laxité facilite l’accouchement en permettant un élargissement de l’anneau pelvien et donc l’engagement de la tête du bébé.
Les douleurs de la région sacro-iliaque pourraient également s’expliquer par des microtraumatismes des tissus conjonctifs, conséquence des forces développées par les muscles extenseurs du tronc pour s’opposer à la force de flexion antérieure exercée par le poids croissant de l’utérus : pendant la grossesse, il y a plus de lordose lombaire (la cambrure s’accentue) et l’antéversion du bassin augmente.
Mal de dos pendant la grossesse : les lombalgies
Focus sur les lombalgies :
Fréquence
Facteurs de risque
Manifestations cliniques
Évolution après l’accouchement
Aspects thérapeutiques
1. Fréquence
20 à 50 % des femmes ont des lombalgies pendant la grossesse. La fréquence des lombalgies n’est pas également répartie au cours de la grossesse : celles-ci apparaissent vers la 18e semaine (soit environ six semaines après l’obtention du taux maximum de relaxine), et augmentent progressivement de fréquence jusqu’à l’accouchement.
Dans le post-partum, environ 90 % des lombalgies disparaissent dans des délais de 4 mois en moyenne. Le nombre de grossesses semble augmenter la fréquence des lombalgies et des douleurs pelviennes.
2. Facteurs de risque
Débutant avant que la prise de poids ne soit importante, les lombalgies ne sont pas liées directement à la composante mécanique de majoration de la charge physique. Apparaissent comme facteurs de risque pendant la grossesse la présence d’une activité professionnelle intense, physique, stressante, des antécédents de lombalgie, en général ou pendant une première grossesse ou dans le post-partum précédent.
Comme dans la lombalgie commune, le contexte environnemental social joue un rôle : niveau socioéconomique bas, facteurs psychoaffectifs, sociologiques (soutien social, statut marital, vécu des grossesses précédentes, relation maternelle). Ces facteurs qui rejoignent ceux de la lombalgie commune sont très proches de ceux de la dépression de la grossesse et surtout du post-partum.
3. Manifestations cliniques
Les lombalgies au cours de la grossesse sont généralement peu intenses et bien tolérées. Souvent de rythme mécanique, elles sont augmentées par la marche et les postures penchées vers l’avant. L’incapacité est modérée. Elles peuvent cependant entraîner des troubles du sommeil et une gêne dans la vie quotidienne. Les douleurs pelviennes ont un retentissement fonctionnel plus important sur l’ensemble des activités de la vie quotidienne (ménage, marche, loisirs). La conjonction de douleurs lombaires et pelviennes majore très nettement l’incapacité.
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4. Évolution après l’accouchement
Dans la grande majorité des cas, l’évolution des douleurs lombaires et pelviennes est favorable, le plus souvent dans les six mois suivant l’accouchement.
Plusieurs facteurs semblent être prédictifs de la persistance de lombalgies après l’accouchement : une perte de force et d’endurance des muscles extenseurs de la colonne et des abdominaux, un contexte professionnel stressant ou une insuffisance de repos pendant le travail, la précocité d’apparition des douleurs pendant la grossesse.
Ces données sont à rapprocher de celles concernant la lombalgie commune : dès lors que des facteurs environnementaux favorisent la survenue des douleurs et l’incapacité, il est logique en l’absence de correction de ces facteurs que le défaut de gestion de la douleur se poursuive au-delà de l’accouchement, indépendamment des facteurs biomécaniques que sont la prise de poids pendant la grossesse ou le poids du nouveau-né.
Ce qui semble être au cœur de la persistance de la douleur, voire être à l’origine de sa récidive à l’occasion d’une nouvelle grossesse, est le comportement d’évitement anxieux.
5. Aspects thérapeutiques
Le traitement symptomatique par voie générale repose sur le paracétamol. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont formellement contre-indiqués à partir du 6è mois de grossesse. Eventuellement une cure courte de corticoïdes peut être proposée si le paracétamol est insuffisant. L’acupuncture peut être utile pour réduire la douleur.
Comme dans la lombalgie commune, l’intérêt d’une activité physique régulière doit être souligné. De même, la pratique d’exercices de relaxation (yoga, sophrologie) peut être préconisée. Les thérapies manuelles ostéopathiques peuvent aussi être proposées par des thérapeutes expérimentés compte tenu de la détente ligamentaire et musculotendineuse.
La rééducation peut être utile (éventuellement en piscine), puisque le manque de force et d’endurance des muscles abdominaux et extenseurs spinaux est associé à une plus grande fréquence de lombalgies et de douleurs pelviennes.
Mal de dos pendant la grossesse : les douleurs lombopelviennes benignes
Focus sur les douleurs lombopelviennes bénignes :
Fréquence
Manifestations cliniques
Facteurs favorisants
Traitement
Évolution et pronostic
Conclusion
1. Fréquence
Faute de définition précise du syndrome douloureux pelvien, les douleurs des articulations de la ceinture pelvienne ne sont pas toujours distinguées des douleurs lombaires basses. Si on additionne les douleurs de la ceinture pelvienne et les lombalgies (insérer lien hypertexte avec texte lombalgies en attente) basses, la fréquence est de 45 % pendant la grossesse et de 25 % après l’accouchement ; si seules les douleurs sévères (nécessitant une intervention médicale) sont considérées, la prévalence moyenne est alors respectivement de 25 et 5 %. Contrairement aux lombalgies, les douleurs postérieures et fessières apparaissent plus précocement et augmentent tout au long de la grossesse.
2. Manifestations cliniques
Le nombre de femmes se plaignant de douleurs sacro-iliaques augmente significativement au cours de la grossesse. Les douleurs apparaissent vers la 18e semaine de grossesse et atteignent un pic entre la 24e et la 36e semaine. Elles sont généralement continues, ce qui les différencie des contractions utérines intermittentes, et leur intensité varie d’une simple gêne à la marche à une impotence sévère (qui toucherait 25 % des femmes).
Après l’accouchement, 7 % des femmes conservent une gêne sévère. Les douleurs siègent dans la fesse, irradient à la face postérieure des cuisses parfois jusqu’aux genoux, sans vraie sciatique. À ces douleurs postérieures s’associent des douleurs et des sensations de pesanteur pelvienne localisées en regard de la symphyse pubienne et de la région sus-pubienne. Les douleurs sont souvent liées à un mouvement, apparaissent à la marche ou en position allongée lors du changement de position. Elles peuvent gêner la marche, l’activité sexuelle, l’activité professionnelle, l’activité sportive et de loisir.
Un élargissement de la symphyse pubienne est observé au cours de la grossesse. Il est complet deux à trois mois avant l’accouchement et régresse dans les trois à cinq mois suivant. Les atteintes mineures qui peuvent gêner la marche sont fréquentes, les formes majeures entraînent une impotence fonctionnelle avec une marche « dandinante ».
Le syndrome douloureux pelvien est souvent plus handicapant que la lombalgie, à laquelle il peut s’associer ce qui majore son retentissement.
3. Facteurs favorisants
Les facteurs favorisants individualisés sont le travail pénible, une douleur lombaire basse préexistante, des douleurs de la ceinture pelvienne et/ou des douleurs lombaires basses lors de grossesses antérieures.
4. Traitement
Le repos et le paracétamol sont utiles pour soulager les douleurs. Rappelons que les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont formellement contre-indiqués à partir du 6è mois de grossesse (24 SA). Le port d’une contention non élastique lombaire et abdominale semble réduire les douleurs lors de la marche, sans comporter d’effet nocif pour le fœtus ou pour la mère. La position de la ceinture plus que sa tension serait efficace sur la laxité des articulations sacro-iliaques, en particulier lorsqu’elle est portée « haute » en dessous des épines iliaques antérosupérieures. La douleur peut parfois obliger à l’arrêt des activités professionnelles, seul moyen de pouvoir se reposer.
La rééducation, comportant des exercices spécifiques des muscles stabilisant la région lombopelvienne, parait plus efficace que des exercices d’étirement et de renforcement musculaire chez des femmes souffrant d’un syndrome de la ceinture pelvienne ayant débuté durant la grossesse ou en post-partum et persistant six à 16 semaines après l’accouchement. Elle diminue les douleurs, améliore le statut fonctionnel et la qualité de vie.
5. Évolution et pronostic
Les douleurs pelviennes postérieures diminuent après l’accouchement et disparaissent dans les six mois suivant. Elles sont moins intenses et moins fréquentes que les lombalgies en post-partum.
Conclusion
Les phénomènes douloureux lombopelviens au cours de la grossesse sont fréquents, le plus souvent bénins et d’évolution favorable après l’accouchement ; ils peuvent dans certains cas être source d’incapacité, pendant et après la grossesse.
Au cours de la grossesse, les douleurs de la ceinture pelvienne sont plus fréquentes et plus intenses que les lombalgies. Elles sont généralement d’intensité modérée mais peuvent être invalidantes, obligeant à l’arrêt de travail.
Dans la plupart des cas elles sont de bon pronostic et disparaissent dans les mois suivant l’accouchement.
Les antalgiques, le port d’une contention non élastique, des exercices musculaires spécifiques des muscles stabilisants la région lombopelvienne en atténuent le retentissement.
Mal de dos pendant la grossesse : sources et notes
Auteur :
Dr Agnès Chabot
Sources :
Syndromes douloureux pelviens (rhumatologiques) au cours de la grossesse – Marie-Agnès Timsit. Rev rhum 2005 72 : 715-718
Rachis lombaire et grossesse- Bernard Fouquet, Marie Joëlle Borie, Sybille Pellieux Rev Rhum 2005 72 : 707-714
L’acupuncture autour de la naissance : bases scientifiques et état des lieux – JM Stephan Sage-femme 2010 ; 9 : 93-97
Quels antalgiques pour soulager les lombalgies au cours de la grossesse ? – Caroline Battu Actualités pharmaceutiques 2015 ; 54 : 16-18