Pas besoin de courir pieds nus dans la neige pour souffrir d’ engelures ! Elles arrivent parfois dans des circonstances plus courantes, sans que l’on s’en aperçoive forcément. Il suffit d’être exposé au froid et à l’humidité, comme dans une paire de gants mouillés. C’est un risque encouru lors des séjours en montagne, particulièrement pour les adeptes du ski de fond ou des randonneurs.
Les gelures ou engelures correspondent à des lésions provoquées par l’exposition à un froid intense, ou plus modéré mais sur une période prolongée. Elles affectent le plus souvent les extrémités de notre corps : les orteils, les doigts des mains et la face.
Les engelures sont en général sans risque et partent après quelques semaines ; mais il peut y avoir des complications : elles peuvent se changer en une sorte d’ampoules qui peuvent s’aggraver si elles ne sont pas soignées à temps ! A partir de ce moment-là, il est fortement recommandé de consulter son médecin. Dans des cas extrême, cet avis médical est urgent !
Le mieux pour éviter les engelures lorsque l’on est exposé au froid est donc de bien se protéger avec tout l’habillement nécessaire (gants, écharpe, bonnet, collant, chaussettes, etc.) et bien recouvrir les extrémités du corps, sans être trop serré pour éviter de couper la circulation du sang. Sachez exactement quoi faire quand un tel problème survient…
Traitement des gelures
- Réchauffement dans de l’eau chaude (37 à 40°C)
- Mesures de support
- Soins locaux des plaies
- Chirurgie parfois retardée
Soins préhospitaliers
Sur le terrain, les extrémités gelées doivent être réchauffées rapidement par immersion totale de la zone touchée dans de l’eau apparaissant assez chaude au toucher (37 à 40°C). Parce que la zone est engourdie, le réchauffement avec une source de chaleur sèche incontrôlée (p. ex., feu, coussin chauffant) génère un risque de brûlures. Le frottement peut léser ultérieurement les tissus et est évité.
Plus une zone reste gelée longtemps, plus les dégâts finaux peuvent être importants. Cependant, le dégel des pieds est déconseillé si un patient doit marcher avant de pouvoir recevoir des soins parce que le tissu dégelé est particulièrement sensible aux traumatismes de la marche et, en cas de recongélation, les tissus seront encore plus sévèrement lésés que si on les avait laissés gelés. Si la décongélation doit être retardée, la zone gelée est délicatement nettoyée, séchée et protégée dans des compresses stériles. Les patients reçoivent des antalgiques s’ils sont disponibles, et le corps est gardé au chaud.
Soins en phase aiguë
Une fois le patient à l’hôpital, la température interne est stabilisée et les extrémités sont rapidement réchauffées dans de grands bassins d’eau maintenue à environ 37 à 40° C; 15 à 30 min suffisent généralement. La décongélation est souvent à tort interrompue prématurément parce que la douleur peut être sévère pendant le réchauffement. Les antalgiques opiacés, y compris par voie parentérale, peuvent être utilisés.
Les patients sont encouragés à mobiliser doucement la partie affectée lors de la décongélation. Les grandes ampoules transparentes sont laissées intactes ou aspirées à l’aide d’une technique stérile. Les bulles hémorragiques sont laissées intactes pour éviter la dessiccation secondaire des couches profondes du derme. Les vésicules rompues sont débridées. En l’absence de perfusion après la décongélation, l’administration de papavérine (un vasodilatateur) suivie d’une thrombolyse artérielle ou IV (fibrinolytiques) sera envisagée (1). Ce traitement doit être suivi par de l’énoxaparine 1 mg/kg par voie sous-cutanée 2 fois/jour pendant 14 jours.
Les anti-inflammatoires (p. ex., aloe vera topique toutes les 6 heures et ibuprofène 400 mg par voie orale toutes les 8 heures ou kétorolac 30 à 60 mg IV) sont probablement utiles. Les zones concernées sont laissées à l’air chaud, et les extrémités sont surélevées pour diminuer l’œdème. Les anticoagulants, le dextran à faible poids moléculaire IV, et les vasodilatateurs artériels (p. ex., la réserpine, la tolazoline) ne présentent aucun avantage clinique prouvé. La phénoxybenzamine, un alpha-bloqueur à longue durée d’action, à la dose de 10 à 60 mg par voie orale 1 fois/jour peut théoriquement diminuer le vasospasme et améliorer la circulation sanguine. En cas de blessure grave qui se présente dans les 48 heures, la perfusion d’un analogue de la prostacycline tel que l’iloprost doit être envisagée.
La prévention de l’infection est fondamentale; une prophylaxie de l’infection streptococcique (p. ex., pénicilline) est parfois administrée. Si la gangrène humide est présente, des antibiotiques à large spectre sont utilisés. L’ anatoxine tétanique est administrée si la vaccination n’est pas à jour. Si les lésions tissulaires sont graves, la pression tissulaire est surveillée (voir Syndrome compartimental: diagnostic).
Soins de suite
Une bonne nutrition est importante pour soutenir la production de chaleur métabolique. Pré-dégel, envisager d’utiliser l’ échodoppler pour évaluer les pouls et l’aspect des tissus.
D’autres examens d’imagerie comprennent la scintigraphie, l’IRM, la thermographie micro-onde et la débitmétrie laser-Doppler pour évaluer la circulation, déterminer la viabilité des tissus et ainsi guider le traitement. L’IRM et en particulier l’angio-IRM peut établir la ligne de démarcation avant la démarcation clinique et permettre ainsi de réaliser précocement un débridement chirurgical ou une éventuelle amputation. Cependant, savoir si la chirurgie précoce améliore les résultats à long terme est mal établi. Habituellement, la chirurgie est retardée le plus longtemps possible parce que la carapace noire est souvent retirée, laissant des tissus viables. Les patients atteints de gelures graves doivent être avertis que plusieurs semaines d’observation peuvent être nécessaires avant que la démarcation et l’étendue de la perte de tissu ne soient apparentes.
Les bains à remous à 37° C 3 fois/jour suivis d’un séchage doux, le repos et le temps sont les meilleurs soins à long terme. Aucun traitement totalement efficace pour les séquelles durables de gelures (p. ex., un engourdissement, une hypersensibilité au froid) n’est connu, bien que la sympathectomie chimique ou chirurgicale puisse être utile en cas de symptômes neuropathiques.