L’anorexie est une maladie qui touche le plus souvent les adolescents et principalement les jeunes filles. Mais depuis quelques années les médecins doivent prendre en charge des patients de plus en plus jeunes..mais aussi plus âgés.
L’anorexie se manifeste par une triade de symptômes : l’amaigrissement, l’absence ou l’arrêt des règles (autrement dit l’aménorrhée), et enfin, la restriction alimentaire.
Le mot anorexie signifie « perte d’appétit ». Cependant, dans l’anorexie mentale, l’amaigrissement n’est pas lié à une perte d’appétit à proprement parler, mais à une restriction alimentaire volontaire. Celle-ci correspond à un désir de contrôle alimentaire.
Certains tendances comportementales s’associent fréquemment à l’anorexie mentale : l’hyperactivité physique, l’hyperactivité intellectuelle, le perfectionnisme, etc. Mais elles ne sont pas systématiques.
Les personnes anorexiques vivent avec l’impression que leur corps est trop gros, mal fait… Elles s’astreignent à des conduites qui les font perdre du poids. Elles ne s’alimentent pratiquement plus, mais ne se voient pas maigrir.
L’anorexie est considérée comme une addiction sans substance. Elle correspond à ce qu’on appelle un trouble du comportement alimentaire.
L’évolution de l’anorexie mentale varie d’une personne à l’autre. Plus la prise en charge est précoce, plus la personne a des chances de s’en sortir. Globalement, un tiers des anorexiques guérissent. Un autre tiers se chronicise, et un autre persiste à la frontière entre la maladie et la santé.
Le risque de décès est bien présent, et il augmente à mesure que la maladie évolue. On dit qu’à 10 ans d’ancienneté de la maladie, le risque de décès est de 10 %.
Anorexie mentale : les causes
Il n’y a pas une cause, mais des causes d’anorexie mentale. On parle de maladie psychiatrique multifactorielle. Les raisons invoquées de l’apparition de la maladie sont sociales, psychologiques, familiales, génétiques et neurobiologiques.
Autrefois, l’anorexie ne touchait que les sociétés occidentales. Aujourd’hui, on assiste à une apparition de la maladie dans les pays émergents, surtout chez les personnes qui ont adopté notre mode de vie. L’idéal de beauté représentée par la « taille mannequin », la pression sociale avec la guerre contre « les gros » et la mode vestimentaire du nombril à l’air sont autant d’arguments avancés par les spécialistes pour expliquer la progression de la maladie chez des filles de plus en plus jeunes.
Malgré tout, les causes de l’anorexie restent encore mystérieuses. Outre une part génétique, il semble que certains traits de caractère, mis en lien avec des caractéristiques neurobiologiques, ont également été mis en cause dans l’apparition d’une anorexie mentale. On retrouve notamment le perfectionnisme, la volonté de maîtrise, le caractère anxieux et obsessionnel (intolérance au doute et à l’inconnu) et l’intolérance à l’échec. Ces traits de caractères peuvent également se retrouver chez les parents des personnes anorexiques.
Les personnes qui souffrent d’anorexie sont généralement très exigeants envers eux-mêmes et obtiennent de brillants résultats scolaires. Très actifs, ils pratiquent souvent plusieurs sports, toujours dans le but de perdre du poids. Mais, même dans les activités de groupe, ils restent plutôt en retrait.
Anorexie mentale : les symptômes
L’anorexie mentale se manifeste par une triade de symptômes : anorexie, amaigrissement, et absence ou arrêt des règles (autrement dit aménorrhée).
Mais contrairement à ce que son nom indique, l’anorexie ne correspond pas à une perte d’appétit : elle résulte d’une restriction alimentaire volontaire, qui peut par la suite évoluer vers une perte d’appétit. Ce symptôme alimentaire s’associe à une perception fausse de son corps (ou dysmorphophobie).
La jeune fille se juge trop corpulente, mal faite et souhaite maigrir au-delà du raisonnable. Au début, l’adolescente peut commencer par un régime pour corriger des rondeurs, réelles ou imaginaires. Mais au lieu de s’arrêter, une fois les quelques kilos superflus perdus, elle poursuit son régime qui devient de plus en plus contraignant, jusqu’au moment où elle refuse pratiquement toute alimentation.
Les repas deviennent une véritable source d’angoisse et de conflits au sein de la famille, où toute l’attention est focalisée sur l’assiette, toujours pleine… et qui ne se vide pas. Parfois, loin des regards, celle-ci « craque » et avale d’un coup une grande quantité de nourriture : c’est un épisode de boulimie. Cet accès de voracité est vécu comme un échec qui amène la personne à se faire vomir pour déculpabiliser.
Ces privations entraînent un amaigrissement très important pouvant atteindre, dans les cas les plus critiques, la moitié du poids normal. La maigreur est, d’ailleurs, l’un des premiers symptômes qui amène les parents à consulter un médecin, souvent contre le gré du malade qui prétend aller bien.
L’anorexie est une maladie grave qui, dans les cas extrêmes, peut aller jusqu’au décès.
Les premiers troubles apparaissent quand la perte de poids devient trop importante. En pleine période de changement, l’adolescente va souffrir de carences en vitamines, en minéraux (calcium), en fer, etc. Autant de nutriments normalement apportés par l’alimentation.
Si l’anorexie touche l’enfant plus jeune, elle provoque un ralentissement de la croissance. Ces carences vont fragiliser l’organisme, le rendre plus sensible aux infections, les ongles et les cheveux vont être secs, cassants. A la longue, la dénutrition peut entraîner des troubles cardiaques et hormonaux. En plus de son refus de s’alimenter, le jeune peut avoir d’autres conduites dangereuses comme se faire vomir ou abuser de laxatifs qui peuvent entraîner une perte de potassium, toujours dangereuse.
La perte de poids, quand elle devient critique, nécessite l’hospitalisation… parfois en réanimation.
Anorexie mentale : les traitements
Le traitement de l’anorexie est très complexe et fait intervenir différents spécialistes.
Le but des traitements est de : compenser les carences nutritionnelles, redonner à l’adolescente une image juste de son corps, lui faire retrouver un comportement alimentaire normal. Seulement un tiers des anorexiques guérissent complètement, les autres conservent des troubles pouvant aller de simples désordres alimentaires à des troubles du comportement plus important.
La prise en charge de l’anorexique doit être faite par un psychiatre, si possible spécialisé dans les troubles des conduites alimentaires. Mais elle doit également s’associer au suivi médical à proprement parler, par un nutritionniste, un pédiatre ou par le médecin de famille.
Une psychothérapie est indiquée la plupart du temps, mais ce traitement nécessite l’adhésion de la personne à un suivi régulier. Néanmoins, celle-ci n’a pas d’intérêt lorsque la dénutrition est trop importante. Tout simplement parce que la capacité de réflexion et de recul sur soi est amoindrie et ne permet pas un travail psychologique.
Lorsque le « suivi en ville » (par le médecin généraliste) ne suffit pas à soigner l’anorexie, ou que la perte de poids s’aggrave dangereusement, une hospitalisation est nécessaire.
Les approches du traitement psychiatrique hospitalier diffèrent d’une équipe à l’autre. Pendant longtemps on a pratiqué l’isolement thérapeutique qui consistait à interdire à la famille tout contact avec le malade jusqu’à un signe d’amélioration. Maintenant de nombreuses équipes soignantes intègrent au contraire la famille dans la psychothérapie, dans le cadre d’entretiens familiaux, de repas thérapeutiques, etc.
Les prises en charge corporelles (toucher thérapeutique, qi-gong, yoga, etc.) et créatives (art-thérapie, danse-thérapie, etc.) ont une place de plus en plus importante, dans le but d’aider le patient à se réconcilier avec son corps.
Les critères de guérison sont la reprise d’un comportement alimentaire normal, le retour des règles et une aiguille de balance qui recommence à grimper…
Anorexie mentale : le rôle des parents
Il est souvent très difficile pour les parents d’intervenir directement. L’entourage se sent démuni… ne sait comment aborder le problème. D’abord la maladie apparaît au moment de la « crise d’adolescence » où la communication parents-enfants n’est pas toujours très simple. Bien souvent, la jeune anorexique se trouve dans une famille en souffrance où la communication est parfois source de conflits.
Ensuite, la jeune fille elle-même ignore qu’elle est malade. Elle souffre d’angoisses, de dépression parfois, et son amaigrissement ne lui apparaît pas clairement. Il est donc difficile pour les parents de parler d’anorexie directement avec leur enfant. Et quand ils y parviennent, la solution ne surgit pas pour autant facilement. Il y a des moments de doute, d’angoisse… Des familles gardent (à tort) leur secret. D’autres parents auront besoin de parler, d’être soutenus.
Les parents doivent en parler et surtout ne pas rester dans le déni. Le meilleur moyen est peut-être de passer par un tiers en qui la jeune fille aura confiance : le médecin traitant, par exemple, à condition qu’il prenne le temps de parler avec sa jeune patiente.
De par son symptôme, la jeune fille éprouve un sentiment de contrôle et de maîtrise sur elle-même et sur son environnement. Elle n’a donc pas forcément « intérêt » ou envie de se séparer de ce symptôme, tout du moins, au début de sa maladie. Elle aura donc tendance, dans son discours, à donner des arguments rationnels (choix végétarien, raisons professionnelles ou choix esthétique…) pour justifier son comportement alimentaire.
La jeune anorexique est souvent une jeune fille intelligente et manipulatrice (malgré elle !), avec laquelle il est difficile d’aborder la question de sa pathologie. Tout cela crée beaucoup d’angoisse, aussi bien pour la jeune malade que pour sa famille et ses soignants. Le médecin aura donc pour rôle de créer une « alliance thérapeutique ». Une thérapie familiale peut être conseillée. Elle aura pour effet de déculpabiliser la jeune fille.
Anorexie mentale : les conseils du médecin spécialiste
Entretien avec le docteur Christine Foulon, psychiatre.
Est-ce qu’on peut parler d’un profil anorexique ou d’une famille anorexique ?
Non. Je n’aime pas que l’on parle d’un profil anorexique. Je vous assure qu’il y a autant d’anorexies que d’anorexiques. C’est vrai qu’il y a des traits de caractères communs ou fréquents. C’est vrai que ce sont souvent des jeunes filles qui ont vécu des traumatismes dans l’enfance… mais pas forcément. C’est vrai aussi que ce sont souvent des filles qui se trouvent dans des familles en conflit… mais pas forcément. Ce qui est vrai, c’est que ce sont souvent des jeunes filles intelligentes, travailleuses, trop travailleuses, plutôt un peu manipulatrices et parfois narcissiques. Mais moi, je vois des anorexiques tous les jours depuis des années et je peux vous dire que chacune a son histoire propre, son expérience et son vécu et qu’il n’y a pas deux histoires semblables.
Les parents sont souvent démunis pour aborder ce problème…
C’est très, très difficile. Il faut parler. Mais parler est difficile. Là où il y a une jeune fille anorexique, il y a beaucoup d’angoisse. Tout le monde est angoissé : l’adolescente pour commencer mais aussi les parents, les proches et les médecins. Et l’angoisse est d’autant plus forte, que justement, il est difficile d’aborder la question. Parce que c’est un problème psychologique, parce que la patiente reste très longtemps dans le déni et aussi parce que ça fait peur.
Quels conseils pourriez-vous donner aux parents ?
Ce que je pourrais dire aux parents, c’est d’abord de surveiller le plus possible l’alimentation de leur enfant. D’être vigilants pour détecter le plus tôt possible des conduites alimentaires déréglées et de se faire aider eux-mêmes. Il est très important que la famille tout entière prenne conscience du rôle de chacun. Il est aussi très important de ne pas faire culpabiliser la jeune fille, qui, par nature, se sent déjà coupable de tous les problèmes de sa famille. Le mieux est d’envisager non pas un traitement mais des traitements : nutritionnel dans un premier temps avec l’aide d’un nutritionniste, ou un médecin généraliste puis comportemental, psychothérapique, et une thérapie familiale.
L’anorexie est-elle une pathologie occidentale liée à la mode, aux magazines, etc. ?
C’est vrai que les phénomènes de mode sont importants et peuvent provoquer des pathologies de ce type mais c’est bien souvent un prétexte. C’est vrai qu’une jeune fille à qui le prof de danse rappelle sans arrêt qu’elle est trop grosse et qu’elle ne sera jamais danseuse si elle ne maigrit pas, ça compte. C’est vrai qu’une jeune fille qui envisage de devenir mannequin, subira une pression de l’extérieur. Mais tous les mannequins, toutes les danseuses ou toutes les gymnastes ne sont pas anorexiques. Il s’agit d’un trouble psychologique. Et, en effet, on trouve des anorexiques dans toutes les cultures et dans tous les pays.
Est ce qu’on peut guérir d’une anorexie ?
Oui. Bien sûr ! Mais c’est un long chemin semé d’embûches. Plus l’anorexie sera détectée tôt et mieux ce sera. Il faut savoir que lorsque la maladie est devenue chronique, tout devient plus difficile. Mais heureusement, une bonne partie des patientes s’en sortent bien : un tiers environ. Ce sont des jeunes femmes qui retrouvent une vie sexuelle normale, des règles normales, et qui peuvent avoir des enfants normalement à condition que leur poids soit suffisant.
Anorexie mentale : le témoignage d’un patient
Témoignage de Cécile, 34 ans.
Comment vivez-vous votre maladie au quotidien ?
Mal ! Je suis anorexique depuis l’adolescence. J’ai déjà fait plusieurs séjours à l’hôpital. Et ça, c’est pire que tout. On vous met sous perfusion. On vous oblige à grossir. C’est terrible. Alors, j’essaie de maintenir mon poids, juste pour ne pas aller à l’hôpital. Mais c’est dur. Ma vie, c’est le médecin toutes les semaines, le psychiatre, le dentiste. Le dentiste, parce que je perds mes dents, les unes après les autres. J’ai tout le temps des malaises.
J’essaie de continuer à travailler. Mais il y a des jours où je ne tiens pas debout. Et au travail, mes collègues ne comprennent pas. Au début, ils étaient très gentils avec moi. Ils prenaient soin de moi. Ils savaient que j’étais malade. Mais au bout de plusieurs années, ils en ont eu marre. Ils ne me parlent plus trop. Et ça me fait pleurer souvent. Mais bon, je travaille tant que je peux. Et quand je ne peux plus, je me mets en arrêt maladie. Et puis, je me suis cassée la jambe plusieurs fois. Comme une vieille femme. Je suis décalcifiée. Donc ma vie au quotidien, c’est ça. C’est la maladie. C’est la solitude à cause de la maladie.
Et du point de vue affectif, vous avez un compagnon ?
Non. C’est impossible. Vous avez vu mon corps ? Qui voudrait d’un squelette comme ça ? J’ai eu un ami. Je suis restée avec lui deux ans. Et il est parti. Il n’en pouvait plus. Il m’appelle quelquefois. Je crois que tout ça lui a fait beaucoup de mal, à lui aussi. On s’aimait fort. Mais cette maladie détruit tout. Et puis, je ne peux pas avoir d’enfant. Je n’ai pas de règles. Je suis trop maigre.
Quelle est votre relation avec vos parents ?
Ça dépend des jours. Heureusement, ma mère s’occupe beaucoup de moi. Elle m’aime beaucoup. Je crois que je suis sa préférée. Mais elle n’est pas à Paris. Elle vit avec son nouveau mari et ses enfants. Mais elle m’appelle souvent. Quand ça va trop mal, je vais chez elle. Mais, on ne s’entend pas très bien sur la durée. Alors, je rentre à Paris. Et mon père, il a toujours été très absent. Je ne le vois jamais. C’est un monsieur très important. Il a beaucoup de travail.
Comment voyez-vous votre avenir ?
J’ai peur. C’est surtout ça. J’ai peur. Ça dépend des jours. Quand je reprends un peu de poids, que je me sens mieux, je reprends espoir. Je me dis que je vais m’en sortir. Et ça me donne envie de me battre. Mais il y a toujours quelque chose qui cloche. A chaque fois, je me casse quelque chose ou j’attrape une grippe ou je ne sais quoi et ça fiche tout par terre.
Anorexie mentale : sources et notes
– Doyen C. et al. Anorexie, boulimie : vous pouvez aider votre enfant. Des moyens d’agir dès l’âge de 8 ans. Dunod (2004).
– Anorexie et boulimie à l’adolescence – Actualité et devenir. Abstracts de la journée d’Amphis en Pédiatrie, Fondation Wyeth pour la santé de l’enfant et de l’adolescent. 19 mars 2004, Medec 2004.
– www.Inserm.fr, Anorexie mentale, Dossier réalisé en collaboration avec le Dr Nathalie Godart, Service de psychiatrie de l’adolescent et du jeune adulte à l’Institut mutualiste Montsouris, unité Inserm 669 – Juin 2014.
– À savoir : Une ligne téléphonique “anorexie boulimie, info écoute” est à votre disposition : 0810 037 037 (numéro azur : prix d’un appel local).
Auteur et mise à jour : Sylvie Charbonnier et Dr Ada Picard, psychiatre.
Consultant expert : Docteur Christine Foulon, psychiatre.