Délivrer la pilule progestative sans ordonnance en pharmacie : cette proposition, qui pourrait bouleverser les habitudes, est l’une des 10 propositions soutenue par Le collectif Pharmaciens.
Le collectif Pharmaciens est un groupe de pharmaciens très actifs sur les réseaux sociaux, comme Twitter, dont le but est de faire évoluer le métier de pharmacien pour l’amener à plus d’éthique, une meilleure prise en charge des patients et un lien plus forts entre les différents professionnels de santé.
La proposition n°4 pose donc la possibilité, par le pharmacien, ayant suivi une formation adéquate spécifique , de délivrer, suite à un entretien et un questionnaire pouvant permettre d’écarter les contre-indications, une pilule progestative, sans passage obligé par le médecin ou la sage-femme.
Quelle pilule est concernée ?
Pourquoi cette demande ?
Comment cela se passerait-il ?
Quels dangers pour cette proposition ?
Où en est-on, maintenant ?
Nous faisons le point !
Quelle pilule est concernée ?
La demande du collectif, soutenue via la pétition « Libérez ma Pilule » par de nombreux professionnels de santé, le planning familial, des figures féministes et autres personnalités, concerne uniquement la pilule progestative.
Cette classe de pilule ne contiennent qu’une seule hormone progestative (comme le desogestrel, ou le levonorgestrel) et présente très peu de risque pour une grande majorité des femmes, notamment celles qui présentent des contre-indications aux pilules de 3éme génération et de 4éme génération (qui ne seraient pas concernées par la délivrance au comptoir.)
Cette pilule ne nécessite aucun examen complémentaire en vue de sa prise régulière, l’entretien réalisé par le pharmacien peut largement suffire à écarter les personnes présentant des contre-indications et à l’amener à consulter un prescripteur pour discuter d’une autre forme de contraception.
Pourquoi cette demande ?
On constate qu’en France, il existe toujours difficultés à se voir prescrire une pilule. Si la plupart des femmes concernées par la contraception hormonale par voie orale arrive à être suivie par un médecin ou une sage-femme, l’aggravation du phénomène de déserts médicaux, les difficultés à se déplacer, les prises de rendez-vous pouvant obliger à attendre plusieurs mois, la difficulté à trouver les informations pour certaines, tout ceci amène des femmes à ne pas pouvoir accès à une contraception alors qu’elles en ont besoin.
Les risques de grossesses non désirées, de recours à l’avortement pour cause de mauvais accès à la contraception, existent donc.
Le maillage des pharmacie est encore assez étendu partout en France pour augmenter l’accès des personnes isolées du milieu médical, ou celles ayant appréhension d’en parler à un médecin de famille, à la contraception.
Le pharmacien est souvent le premier interlocuteur, celui a qui on demande ou s’adresser, il est disponible et les officines sont ouvertes en semaines sur de grandes plages horaires et le système de garde permet aussi cet accès au médicament les jours non ouvrés.
Comment cela se passerait-il ?
Une demande de contraception au comptoir devra être obligatoirement prise en charge par un pharmacien ayant reçu une formation complémentaire pour mener des entretiens. Il existe déjà des entretiens pharmaceutiques pour les patients traités par certains médicaments nticoagulants (AVK), les patients souffrant d’asthme. Ceux-ci se déroulent dans un espace de confidentialité, et durent une vingtaine de minutes. Le pharmacien lors d’un entretien a pour but de voir si le patient comprend bien comment prendre son traitement, et aussi la prévention, l’information de possibles effets secondaires. Il pourra être abordé la conduite à tenir en cas d’oubli.
Quels dangers pour cette proposition ?
La Fédération Nationale des collèges de Gynécologie Médicale s’est déclarée contre cette reforme, lors d’un communiqué en Mai 2017, rappelant que la pilule est un médicament et que « le choix d’une pilule adaptée ne se fait pas sous les conseils d’une maman, d’une copine ou d’un pharmacien en quelque minutes ». Cette déclaration avait alors déclenché des remarques des pharmaciens précisant qu’effectivement la pilule est un médicament et que les pharmaciens sont les professionnels de santé spécialistes du médicament et que leur délivrance en toute connaissance des risques est le but même de cette profession.
Les pharmaciens sont habitués à accepter ou refuser des délivrances, en tenant compte du contexte. L’entretien pharmaceutique étant un vrai acte de santé publique, réalisé par des personnes présentant des compétences nécessaires à l’exécuter, il ne s’apparenterait donc pas à un simple conseil.
Rappelons aussi que de nombreux médicaments délivrés sans ordonnances présentent bien plus de contre-indications et effets secondaires que la pilule progestative et que cette délivrance de produits potentiellement dangereux est depuis longtemps alloué aux pharmaciens de par leur qualification.
Où en est-on, maintenant ?
La pilule sans ordonnance est déjà en vente dans de nombreux pays (au Portugal, au Honduras, dans certains états américains comme le Maryland par exemple) et les retours sont très positifs.
Aux États-Unis, HRA Pharma a déposé une demande d’AMM, autorisation de mise sur le marché, auprès de la FDA afin de pouvoir commercialiser la pilule progestative sans ordonnance, ceci avec le support du American College of Obstetricians and Gynecologyst, qui contrairement à leurs confrères français, sont ouverts à une délivrance sans prescription.
Cette délivrance est considérée par beaucoup par une véritable avancée dans le droit des femmes dans la maîtrise de leur corps et de leur reproduction. Il y a une grande nécessité d’amener un accès maximal à la contraception pour toutes les femmes en ayant besoin et cette pilule progestative au comptoir est un atout majeur pour l’amélioration de cet accès.
Auteur : Tiphaine de Rostolan