« Mince ! J’ai encore oublié mes clés à la maison ! » – « Encore ? T’as un Alzheimer, ou quoi ? »
Cette scène, vous l’avez forcément vécue. Et à partir d’un certain âge, l’idée d’une possibilité d’Alzheimer, vous aura forcément fait courir un frisson dans le dos. On s’inquiète et on se demande si ces symptômes ne correspondent pas aux premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer.
La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative qui détruit les cellules cérébrales de façon lente et insidieuse. Bien que touchant davantage les personnes de plus de 60 ans, cette maladie peut atteindre des patients plus jeunes. En France, environ 850 000 personnes souffrent de maladie d’Alzheimer ou affections apparentées.
La maladie d’Alzheimer affecte la mémoire et le fonctionnement mental. Le malade présente des troubles qui détériorent son système cognitif, altèrent son langage, perturbent ses gestes… Au fur et à mesure de l’évolution de la maladie, le patient ne parvient plus à répondre correctement aux tâches quotidiennes comme s’habiller ou préparer un repas. Simultanément à ces agitations désordonnées, le malade est enclin à des manifestations psycho-comportementales telles que l’anxiété et la dépression.
Découvrez cet article très complet rédigé avec un médecin spécialiste de la maladie d’Alzheimer.
Maladie d’Alzheimer : Les causes
On ne connaît pas toutes les causes de la maladie d’Alzheimer, même si des progrès ont été effectués dans ce domaine. En fait, on ne sait pas tout – loin de là, sur les causes de la maladie d’Alzheimer. Les médecins savent qu’il s’agit de la destruction progressive et inéluctable d’une petite zone du cerveau, l’hippocampe.
L’hippocampe se situe dans le lobe temporal de notre cerveau. C’est notre « centre mémoire ». C’est aussi grâce à lui que nous pouvons nous déplacer correctement dans notre environnement. Dans le cas d’une maladie d’Alzheimer, c’est la première partie du cerveau à être atteinte. C’est la raison pour laquelle, les premiers signes de la maladie vont être des troubles de la mémoire !
Petit à petit, cette zone du cerveau est détruite. Progressivement, les cellules nerveuses meurent. Les neurones dégénèrent. On parle de dégénérescence neurofibrillaire. Par ailleurs, parmi les causes de la maladie d’Alzheimer : des plaques séniles se forment à des endroits spécifiques du cerveau.
Les recherches sur le cerveau souffrant de cette affection sont nombreuses. Une région précise du cerveau essentielle pour la mémoire (l’hippocampe) tend à s’atrophier. Il existe aussi des dépôts de substance bêta-amyloïde en même temps que surviennent des dégénérescences neurofibrillaires. Mais il existe aussi d’autres anomalies, concernant par exemple, certains neurotransmetteurs.
Une prise en charge, un traitement suffisamment précoce, peuvent en ralentir l’évolution.
Maladie d’Alzheimer : Les symptômes
Les symptômes de la maladie d’Alzheimer ne sont pas stables et fluctuent avec le temps. Dans les premières phases de la maladie, les troubles cognitifs évoluent si lentement qu’il est difficile de les détecter. Ils peuvent sembler, en apparence bénins. Les malades ont une conscience parcellaire. Ils peuvent oublier un événement clé et s’en souvenir prestement. A l’inverse, le patient peut se trouver à un endroit précis, savoir où il est et perdre tout à coup sa lucidité. Leur vie est épisodique. Pourtant alors qu’ils sont présents, leurs proches ont trop tendance à les croire sorti du monde réel. Tel est le grand piège clinique e la maladie d’Alzheimer.
A terme, la maladie a un impact sur l’état général. Les troubles alimentaires et les problèmes de déglutition engendrent un amaigrissement conséquent. Petit à petit, le patient devient de plus en plus grabataire jusqu’à devenir totalement dépendant, affaibli et ses défenses immunitaires s’amenuisent. Des complications infectieuses sont souvent à l’origine de son décès.
Les signes précoces
La maladie d’Alzheimer commence à se manifester par des symptômes qui ne trompent pas, qui vont être remarqués par l’entourage de la personne atteinte. Alors, soyez vigilant en cas de :
– Oubli vrai
Il ne s’agit pas d’un oubli bénin, comme nous en avons tous. Nous sortons de chez une amie et nous avons totalement oublié où nous avons garé la voiture. Il nous faut nous remémorer tout l’itinéraire pour que ça revienne. Parfois, arpenter les rues alentour. Et enfin, nous retrouvons la voiture : évidemment ! On se souvient l’avoir garée là ! On ne retrouve pas la voiture, mais surtout on ne se souvient pas du tout l’avoir mise là. Le souvenir ne revient pas.
On oublie un rendez-vous, le nom d’un collègue ou ce qu’on allait chercher dans la cuisine. Cela arrive à tout le monde. Dans le cas d’une maladie d’Alzheimer, le souvenir ne revient pas.
– Changement de caractère
Au début, on a tendance à prendre ça pour de la dépression. Mais ce n’en est pas. La personne change de caractère. Elle devient jalouse alors qu’elle ne l’était pas, par exemple. Elle devient inactive alors que c’était une boule d’énergie. Elle manque d’envie pour tout… Bien souvent, les proches qui l’accompagnent chez le médecin disent : depuis un an, ce n’est plus le même !
– Des difficultés au quotidien
On peut oublier les oeufs durs dans la casserole. Cela ne vous est jamais arrivé ? En cas de maladie d’Alzheimer, c’est tout le repas qui devient difficile à préparer. Et cela se répète. De même, faire ses comptes devient de plus en plus difficile. La personne malade ne comprend plus ce qui est écrit sur les talons de chèques, par exemple.
– Le bon mot : comment on dit déjà… on a « mangé » le mot !
Parmi les symptômes précoces en cas de maladie d’Alzheimer, les mots se substituent les uns aux autres, rendant parfois le discours incompréhensible.
– Qu’est-ce que je vais chercher, déjà ?
Normal ! On retourne sur ses pas et ça revient. En cas de maladie d’Alzheimer, ça ne revient pas. La personne peut se perdre dans sa propre rue. Et il lui est impossible de savoir comment elle est venue là et comment rentrer chez elle.
– En cas de maladie d’Alzheimer, on peut finir par ranger le fer à repasser dans le frigo, la montre dans le sucrier et lancer la boîte à couture par la fenêtre pour faire entrer les copines, en croyant leur lancer les clés !
– Autres signes précoces de la maladie d’Alzheimer : les changements d’humeur. Le malade d’Alzheimer devient confus, renfermé, méfiant. Il se met à avoir des comportements inhabituels qui alertent son entourage. Il semble dépressif : il n’a plus de goût à rien.
Des comportements inconstants
Les réactions des malades sont très diverses et dépendent de leur caractère, de leur vie antérieure et du stade de la maladie. Selon les périodes, le patient peut se replier sur lui-même, puis traverser des moments de dépression, voire d’agressivité ou de mutisme. En première phase, bien avant que l’entourage ne perçoive sa maladie, le malade détecte les premiers signes avant-coureurs.
Face à la détérioration de son quotidien, le malade perd l’estime de lui-même. Il se replie pour ne pas subir le regard des autres et peut repousser tout lien avec son environnement antérieur. A l’inverse, cette baisse de l’estime de soi peut lui dicter une attitude agressive qui peut jusqu’à devenir dangereuse pour l’entourage. Le malade peut également entrer dans des périodes d’errance ou dans des comportements semi-délirants. Cependant, même si de tels agissements semblent incohérents, le patient répond à une pensée du moment.
Maladie d’Alzheimer : Les différents stades
On distingue 4 stades de la maladie d’Alzheimer :
> Stade léger : avec ses troubles de la mémoire, son aspect dépressif et le désintérêt pour les tâches habituelles. Ce stade peut durer entre deux et quatre ans.
> Stade modéré : la personne atteinte perd progressivement son autonomie. Les troubles de la mémoire et du comportement s’aggravent. C’est le stade où le malade peut se perdre. Il ne reconnaît plus son environnement, ni les objets usuels. Tout peut devenir un danger. Il doit être entouré. Cette phase dure entre deux et six ans.
> Stade sévère : la mémoire est tout à fait altérée. Difficile de s’exprimer. Le patient a du mal à se déplacer et chute très fréquemment. Le maintien à domicile devient problématique. Cette phase évolue également durant plusieurs années.
> Stade terminal : perte de l’autonomie, de la communication et des déplacements. C’est le stade grabataire.
Maladie d’Alzheimer : Quand consulter ?
Rares sont les personnes qui viennent d’elles-mêmes consulter leur médecin parce qu’elles craignent d’être atteinte d’une maladie d’Alzheimer. Dans la plupart des cas, c’est l’entourage, le mari, les enfants, les amis qui sont alertés les premiers. D’abord, par le comportement, l’attitude dépressive de leur proche. Le patient, lui, s’enferme lentement en lui-même. Et ses oublis ne le troublent pas trop. Puisqu’il oublie qu’il a oublié !
Mais parfois l’entourage lui-même ne se rend compte de rien, avant un certain temps. Comme la personne atteinte garde sa mémoire ancienne (seule la mémoire immédiate est altérée), alors, la famille peut « passer à côté ».
L’entourage peut, pendant un certain temps, ne se rendre compte de rien au début d’une maladie d’Alzheimer. Le patient continue de raconter ses souvenirs de jeunesse avec beaucoup de précisions. Son entourage juge alors, au contraire, qu’il a une « sacrée » mémoire ! Un certain nombre de gestes automatiques sont conservés : il sait toujours aussi bien conduire sa voiture, par exemple.
Alors, quand aller consulter en cas de suspicion de maladie d’Alzheimer ?
> Il faut savoir qu’il n’est pas normal d’oublier. Quel que soit l’âge. Nous parlons d’oubli vrai : quand le souvenir ne revient pas. Au bout de deux ou trois oublis vrais, il faut prendre l’avis d’un médecin en consultation.
> Quand le caractère a changé : la personne fait des achats « anormaux » ou semble dépressif, change radicalement de caractère, devient inactif alors qu’il était actif auparavant…
Le médecin généraliste doit être capable d’établir un premier diagnostic qui sera confirmé ensuite par l’ imagerie médicale. La maladie d’Alzheimer se voit à la radio ! Avant cela, il existe des tests simples : des tests verbaux.
– Les cinq mots de Dubois
Le médecin présente cinq mots et demande à son patient de les lire à haute voix et de les retenir : Rose, Eléphant, Chemise, Abricot, Violon.
Le patient doit ensuite réciter la liste, ce qui permet au médecin de tester la mémoire immédiate. Il est encore interrogé sur cette fameuse liste en fin de la consultation. S’il ne retrouve pas un mot, le médecin donne un indice. Par exemple : pouvez-vous me dire le nom du fruit, du vêtement ? Etc. Avec l’indice, on retrouve le bon mot. Ce qui est rassurant.
En revanche, s’il y a, ce que l’on nomme une « intrusion » : par exemple « trompette » au lieu de « violon », le risque est fort qu’il s’agisse d’une maladie d’Alzheimer.
En fonction des résultats, le médecin pourra déterminer un éventuel trouble de mémoire et demander des tests mnésiques.
– D’autres tests de dépistage de la maladie d’Alzheimer
> Le mini-mental test.
Il s’agit d’une vingtaine de questions, allant de l’année où nous sommes, à l’étage où nous sommes, à des petits exercices de calcul, des exercices de mémorisation ou des petits dessins à reproduire. Ce test permet au médecin d’apprécier le niveau de concentration, d’attention, de mémoire aussi de son patient.
> Le test de l’horloge.
Le médecin dessine un rond en indiquant uniquement le chiffre 12. Il demande ensuite au patient de compléter les chiffres de l’horloge puis de dessiner la petite aiguille et la grande aiguille de façon à pouvoir lire 11 heures 10. Il vérifie si cela semble ou non, difficile à effectuer.
A partir des résultats de ces différents tests de dépistage, le médecin peut demander au patient d’aller en consultation mémoire dans un centre spécialisé. Certains gériatres et certains neurologues sont habilités à effectuer ces consultations mémoire, aidés par des psychologues spécialisés habitués à faire passer les tests diagnostiques spécifiques de la maladie d’Alzheimer.
La durée des tests est alors beaucoup plus longue, parfois jusqu’à une heure trente d’entretien avec le psychologue
En général, une fois passée cette série de tests, les médecins ont une idée assez précise de la situation. Ils doivent effectuer des examens complémentaires pour éventuellement confirmer le diagnostic de maladie d’Alzheimer.
Maladie d’Alzheimer : Les examens
Le médecin spécialiste qui prend en charge cette maladie est un neurologue. Il effectue les examens nécessaires pour établi un diagnostic.
C’est grâce à l’ IRM (imagerie par résonance magnétique) que l’on va pouvoir visualiser les lésions dues à la maladie d’Alzheimer. Il est possible de voir une atrophie au niveau de l’hippocampe (région profonde du cerveau jouant un rôle dans la mémoire). Malheureusement, cette atrophie est peu spécifique et ne permet en aucun cas d’affirmer le diagnostic.
Attention : d’autres maladies, notamment la dépression, peuvent provoquer la même atrophie. Cet examen permet surtout de diagnostiquer d’éventuelles autres pathologies, comme une tumeur, un accident vasculaire cérébral (AVC), un hématome ou une encéphalopathie, par exemple.
> Dans certaines formes débutantes de maladie d’Alzheimer (chez le jeune ou lors d’un diagnostic clinique difficile), le médecin peut être amené à demander d’autres examens plus sophistiqués, comme une tomographie par émission de positons, nommée TEP.
Cet examen permet d’analyser le métabolisme du cerveau et des dysfonctionnements spécifiques de la maladie d’Alzheimer.
> Une ponction lombaire peut être également demandée. Cet examen permet d’analyser la répartition des protéines du liquide céphalo-rachidien. Cette répartition peut être le résultat d’une synthèse anormale de protéines et de la souffrance des neurones.
> Une prise de sang est également demandée. En effet, certaines autres maladies peuvent donner, dans un premier temps, le même genre de symptômes.
En fonction des résultats de l’IRM, le médecin pourra connaître le stade d’évolution de la maladie.
Maladie d’Alzheimer : Les traitements
Le traitement stoppant la maladie d’Alzheimer est en cours de recherche. Pour l’heure, seuls des médicaments freinant son évolution existent. Ils visent à lutter contre l’agitation, la dépression, les hallucinations, l’insomnie mais ils ne sont pas exempts d’effets secondaires et sont donc à utiliser avec vigilance.
On distingue deux grandes familles pour le traitement de la maladie d’Alzheimer par médicaments.
> Les anticholinestérasiques (donépézil, galantamine, rivastigmine). Prescrits dans les formes légères et modérées de la maladie d’Alzheimer, ces médicaments inhibent la dégradation de l’acétylcholine, un neurotransmetteur impliqué dans la mémoire. Malheureusement, des neurones continuent à se détériorer, mais plus lentement. Les fonctions cognitives sont améliorées dans un premier temps, puis le traitement ralentit leur dégradation.
> Un antiglutamate (mémantine). Prescrit dans les formes modérées à sévères de la maladie d’Alzheimer, ce médicament inhibe le glutamate, un neurotransmetteur qui, en se développant en excès, devient toxique pour les neurones et altère la mémoire.
En parallèle, l’accompagnement des proches est indispensable. Les pertes lentes et progressives de la mémoire et du langage sont très lourdes à accepter pour le patient. Plus que quiconque les malades doivent être sans cesse sollicités sur leur ressenti et sur leurs angoisses. Les proches doivent prendre le temps de les écouter, de les motiver à communiquer leur mal être, leur souffrance.
Mais il faut aussi admettre que du côté de la famille et des amis, cette maladie est difficile à vivre. Et on manque de structures sanitaires pour accueillir ces patients.
Maladie d’Alzheimer : La kinésithérapie, l’orthophonie…
> La kinésithérapie : au premier stade de la maladie d’Alzheimer, la kinésithérapie vise à entretenir et à améliorer les fonctions motrices et d’équilibre par des exercices de déplacements. Lorsque ces fonctions sont atteintes, les mouvements, les massages et les étirements remplacent les déplacements, afin d’entretenir la souplesse des articulations et des tendons qui ont tendance à se rétracter.
> L’orthophonie. Le travail de l’orthophoniste a deux objectifs en cas de maladie d’Alzheimer : stimuler les fonctions cognitives (mémoire, langage) par des exercices visant à déclencher un réflexe de communication ; travailler avec les aidants familiaux pour adapter leur comportement et leur communication au malade : interpréter son langage non verbal et apprendre à l’utiliser pour être mieux compris de lui et éviter les réactions d’agressivité ou de colère.
> L’accompagnement. Il s’exerce à sous plusieurs formes et à travers de nombreuses structures spécialisées : services consultations mémoire à l’hôpital, associations, accueils de jour…
• Psychologique. Le premier soutien apporté par les soignants est l’écoute. Il faut expliquer au patient la maladie et son évolution, mais aussi connaître l’histoire du patient, ses habitudes de vie, ses relations familiales pour savoir quelle nouvelle organisation mettre en place au quotidien. Ce soutien est apporté par les médecins et infirmiers, puis relayé par les associations, les Clic(1) et les Ccas(2), qui proposent également des groupes de paroles dédiés aux aidants familiaux, où chacun peut exprimer son vécu et ses difficultés.
• Pour mieux vivre le quotidien. Dans le cadre de la « prestation de soins d’accompagnement et de réhabilitation » prévu par le Plan Alzheimer, des équipes spécialisées d’ergothérapeutes, psychomotriciens et assistants de soins en gériatrie assurent cet accompagnement au domicile du patient afin de lui permettre de vivre le plus longtemps possible chez lui (12 à 15 séances sur prescription médicale). Des formations pour les aidants familiaux sont également délivrées à l’hôpital sur la gestion au quotidien d’un malade d’Alzheimer.
• Pour un meilleur suivi. Les Maia(3) ont mis en place un « référent » – une personne chargée de gérer l’ensemble du parcours de soins d’un patient – dans les situations dites « complexes » (personnes isolées ou en épuisement complet…).
1 – Centre local d’Information et de coordination.
2 – Centre communal d’action social.
3 – Maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer.
Maladie d’Alzheimer : Les conseils du médecin spécialiste
Entretien avec le Professeur Benoît de Wazières, chef du service de Gériatrie, au CHU de Nîmes.
Connaît-on les facteurs de risques de la maladie d’Alzheimer ?
On sait que les femmes sont plus souvent atteintes que les hommes. On sait que les personnes dépressives présentent plus de risques d’Alzheimer que les autres. On a repéré des facteurs héréditaires. On a également remarqué que le niveau d’étude intervient. Plus le niveau intellectuel est faible, plus les risques sont grands. Il s’agit d’une maladie qui touche plus volontiers les personnes de plus de 60 ans. Mais entre 5 000 et 6 000 personnes jeunes sont également touchées par la maladie.
Est-ce que le diagnostic est difficile à établir ?
Au tout début de la maladie, le diagnostic reste difficile car il n’y a pas ou peu d’anomalies à l’IRM. Les patients sont alors volontiers étiquetés MCI, abréviation anglaise de Mild cognitive impairment : Déficit cognitif léger et doivent alors être surveillés régulièrement. Tous n’évoluent pas vers la maladie d’Alzheimer, heureusement. Le médecin généraliste peut dépister la maladie à partir de tests simples. C’est au centre mémoire de confirmer le diagnostic, idéalement le plus tôt possible, de façon à mettre en place la prise en charge globale du malade et de sa famille.
Quels conseils donner à l’entourage, au tout début ?
Il faut savoir qu’il n’est pas normal, même pour une personne âgée, de perdre la mémoire. A partir du moment où l’entourage constate des pertes réelles de mémoire, il faut aller consulter. Au bout de trois pertes de mémoire, il y a un doute. Il ne faut pas attendre au-delà. Je parle de pertes de mémoire vraies, c’est-à-dire quand le souvenir ne revient pas. Dès que l’on constate un changement de comportement, un changement de caractère, il ne faut pas attendre non plus. Il ne faut pas mettre ça sur le compte d’une fatigue passagère ou d’un coup de déprime.
Quel est l’intérêt d’un diagnostic précoce ?
Plus le diagnostic est établi tôt, plus vite on peut mettre en place, avec les spécialistes, une forme de rééducation : des exercices pour maintenir la mémoire le plus longtemps possible. Et pour maintenir l’autonomie, également, le plus longtemps possible.
Maladie d’Alzheimer : Le témoignage d’un patient
Le témoignage de Sandrine. Son père souffre de la maladie d’Alzheimer.
Votre père est atteint de la maladie d’Alzheimer. Depuis combien de temps ?
Cela fait cinq ans, maintenant. Il vit encore à la maison avec ma mère. Mais cela devient de plus en plus difficile pour elle. Elle refuse toujours de le laisser partir dans une maison spécialisée. Elle culpabilise à l’idée de l’abandonner. Mais elle s’épuise. Il ne la reconnaît plus. Il ne me reconnaît plus non plus. Quand je viens, il demande : mais qui est cette jeune femme ? Quand on lui répond qui je suis, il éclate de rire et déclare : que vous êtes drôle, vraiment ! Et toute la journée, il demande s’il est en retraite ou pas. Tout à coup, il s’éveille et il demande où il est. On lui explique qu’il est dans sa maison. Là encore, il éclate de rire, nous traitant de moqueurs.
Il est toujours aussi souriant ?
Non. Il est devenu suspicieux. Inquiet. Parfois, en effet, quand nous lui rappelons qui nous sommes, il le prend comme une bonne blague. Mais parfois sur d’autres sujets, il peut s’énerver très rapidement. Ce qui est dangereux. Pour lui, surtout. Nous prenons soin de toujours répondre la vérité. De ne jamais l’entretenir dans ses fausses interprétations. Mais nous le faisons avec douceur, pour éviter qu’il ne se mette en colère. Il peut parfois se montrer violent.
Comment vous êtes-vous rendu compte de la maladie d’Alzheimer de votre père ?
Au début, il a traversé une phase de déprime. Il était très actif. Mes parents ont toujours beaucoup voyagé, vu beaucoup d’amis. Il n’avait plus envie de rien. Il ne se rasait pas le matin. Il n’avait plus envie de voir personne. Les voyages l’ennuyaient. Il a changé d’attitude avec ma mère aussi. Il avait des sautes d’humeur qu’il n’avait jamais eues jusque-là. Et puis, il a commencé à confondre les objets. Quand il allait chercher une baguette, il revenait avec un litre de vin ou des choses qui n’avaient rien à voir. Cela l’énervait. Et voilà. On a vite pensé à Alzheimer. Le diagnostic a été établi rapidement.
Comment vivez-vous la maladie de votre père ?
En fait, je suis surtout très inquiète pour ma mère. Je vous le disais, elle ne se décide pas à le laisser quitter la maison. Elle veut le garder à domicile le plus longtemps possible. Ils ont toujours vécu ensemble. C’est normal. Mais elle est âgée, elle aussi et elle s’épuise. Pour rien. Il ne la reconnaît même plus !
Maladie d’Alzheimer : Sources et notes
– Plan Alzheimer 2008-2012, Ministère de la Santé. Maladie d’Alzheimer, enjeux scientifiques, médicaux et sociétaux, Expertise collective, Inserm, 2007. Allain H. et al,
– Maladie d’Alzheimer et maladies apparentées : diagnostic et prise en charge, Recommandation et bonne pratique, Recommandations, HAS, décembre 2011.
Auteur : Sylvie Charbonnier
Consultants experts : Professeur Benoît de Wazières, chef du service de Gériatrie, au CHU de Nîmes. Dr Odile Cézard, médecin gériatre, hôpital de Voiron.