La bouffée délirante

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Une bouffée délirante correspond à l’apparition brutale et transitoire d’un état délirant. On parle de « coup de tonnerre dans un ciel serein ». D’autres termes désignent ce trouble, comme « trouble psychotique bref », ou « état délirant aigu ».

La bouffée délirante a été décrite et étudiée la première fois au XIXe siècle dans les observations cliniques de Philippe Pinel, un des médecins précurseurs de la psychiatrie.

La bouffée délirante aiguë survient brutalement chez un adolescent ou un adulte jeune, qui n’a parfois aucun antécédent psychiatrique. Elle se caractérise par un délire de survenue brutale, dont les thèmes et les mécanismes sont nombreux. Elle peut être associée à une agitation psycho-motrice.

La bouffée délirante nécessite une prise en charge psychiatrique urgente après avoir éliminé toute cause physique. Une hospitalisation est le plus souvent nécessaire, parfois à la demande d’un tiers, lorsque le malade nie la maladie. Il nécessite de réaliser toute une batterie d’examens complémentaires, dont un scanner, afin de vérifier l’absence de maladies neurologiques. Il faudra également rechercher une prise de toxiques, dans le sang et les urines.

Le traitement de la bouffée délirante repose sur celui de la cause, et sur la prise de médicaments anti-délirants (des neuroleptiques) et de médicaments calmants (dits aussi sédatifs).

L’épisode peut rester unique ou marquer le début d’une maladie psychiatrique (schizophrénie ou trouble bipolaire, en particulier). Après une bouffée délirante, un suivi psychologique et psychiatrique est nécessaire afin deprévenir une rechute et, surtout, de soigner la souffrance psychique.

Auteurs : Dr F. Duncuing-Butlen, Dr Nicolas Evrard.

Bouffée délirante : les causes

Devant une bouffée délirante aigue, il faut toujours rechercher une cause organique. Un examen clinique rigoureux, en particulier neurologique, ainsi qu’un bilan biologique seront réalisés de façon systématique.

Ce bilan comprend une recherche urinaire de toxiques et un scanner cérébral. Cela permet de rechercher une éventuelle cause cérébrale (tumeur, accident vasculaire, encéphalite, etc.) et un « bad trip » secondaire à la prise de drogues. D’autres examens peuvent être nécessaires en fonction du contexte clinique. Quand aucune anomalie n’est trouvée, on penche pour une cause psychiatrique.

La bouffée délirante touche de préférence les sujets jeunes (15-35 ans). Il existe volontiers des antécédents psychiatriques familiaux, mais ce n’est pas obligatoire. La bouffée délirante est souvent précédée d’un évènement stressant (deuil, séparation, mariage, séjour à l’étranger, surmenage, préparation d’examens) ou d’une prise de toxiques (cannabis, LSD, ecstasy).

Ces causes extérieures pourraient favoriser une importante décharge cérébrale de certains neurotransmetteurs comme la dopamine chez des individus prédisposés. Il est ainsi probable que les personnes souffrant de bouffée délirante aient un bagage génético-biologique favorisant ce type de manifestation psychiatrique. De surcroit, les personnes ayant déjà souffert de bouffée délirante sont plus à risque d’en souffrir que les autres.

Il arrive ainsi que la bouffée délirante aiguë soit annonciatrice d’une schizophrénie, voire d’un trouble bipolaire dans un tiers des cas.

Bouffée délirante : les symptômes

La personne souffrant de bouffée délirante présente différents symptômes comme :

  • de nombreuses hallucinations (perceptions sans objet),
  • des illusions (déformation de la perception d’un objet réel),
  • des interprétations (déductions fausses de la réalité).

Les hallucinations sont nombreuses, auditives mais aussi psychiques (écho de la pensée ou voix dans la tête).

Les thèmes du délire sont nombreux : mystiques (visions miraculeuses, missions divines, possession diabolique), érotique ou encore mégalomaniaques. La personne se sent subitement ensorcelé, persuadé d’une vérité, épié ou en communication avec des forces surnaturelles ou encore robotisés.

La survenue d’une bouffée délirante (ou leur répétition) correspond à un délire qui part dans tous les sens et auquel on ne comprend rien. Le sujet est convaincu de la réalité de son délire. Il ne fait preuve d’aucune critique et est en général agité. Il ne prend plus le temps de manger ou de dormir, et subit de grands changements d’humeur (passage rapide de l’euphorie au désespoir).

L’épisode dure de quelques semaines à quelques mois si il n’est pas soigné (par définition, moins de 6 mois). Puis, soit il ne récidive jamais, soit il récidive lors d’un nouveau stress ou spontanément. Dans ce cas, il peut s’agir d’un mode d’entrée dans une pathologie psychiatrique chronique comme une psychose (la schizophrénie notamment) ou un trouble bipolaire.

Bouffée délirante : les traitements

Une bouffée délirante aiguë est une urgence. Elle impose souvent l’hospitalisation du malade contre son gré car celui-ci ne se considère pas comme délirant et refuse les soins proposés (loi du 27/06/1990).

L’hospitalisation et les traitements antipsychotiques (neuroleptiques) permettent de faire céder le délire. Ils peuvent être administrés par voie intramusculaire si la personne refuse de les ingérer de lui-même par la bouche. Pendant cette période d’urgence, il est recommandé de distancier les proches pour éviter qu’ils assistent à des scènes potentiellement violentes. Cet éloignement permet de soulager la culpabilité de part et d’autre, et de limiter les stimulations autour du malade. Il est cependant important de d’informer et accompagner les familles. Et de les ré-intégrer petit à petit dans le soutien de la personne malade.

Après la phase aiguë, un suivi psychiatrique régulier est obligatoire même si la personne ne présente plus aucun symptôme. Le traitement sera poursuivi entre six mois à un an.

Si la personne présente des signes au-delà de six mois, il peut s’agir du premier épisode d’une maladie psychiatrique. En effet, dans un tiers des cas, la bouffée délirante évolue vers une schizophrénie. Dans un autre tiers, vers un trouble bipolaire. Dans ce cas, un traitement de fond, à prendre sur le long terme, sera proposé. Dans le tiers restant, la bouffée délirante peut se répéter et restée isolée.

Il est important d’associer un soutien psychothérapeutique à la prescription de médicaments, afin d’accompagner la personne vers un mieux-être psychologique. Cela peut passer par de l’éducation thérapeutique, de la thérapie cognitive et comportementale, du soutien psychologique, d’art-thérapie, etc.

Certaines thérapies, si elles sont indiquées, doivent être menées avec beaucoup d’expertise et de vigilence, comme la méditation de pleine conscience, l’hypnose, l’art-thérapie, etc. La bouffée délirante signe une fragilité psychologique qui nécessite d’être accompagnée dans un cadre thérapeutique clair et fiable, si possible avec plusieurs intervenants, et toujours coordonné par un médecin psychiatre.

Bouffée délirante : les sources

– Manuel Diagnostique et Statistique des Maladies Mentales IV (DSM-IV), Trouble psychotique bref.

– JP Vignat, Psychopathologie de la bouffée délirante aiguë, Soins Psychiatre, Vol 35 – N° 291 – mars 2014.

Mise à jour : janvier 2017 – Dr Ada Picard

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