Incontinence anale : un symptôme qui reste tabou
En France, l’incontinence anale n’est pas véritablement considérée comme un handicap par nos autorités sanitaires. Pourtant, c’en est un !
Des milliers de personnes, dans notre pays, vivent le problème, voire le cauchemar d’une incontience dont elles n’osent pas parler, pas même à leur médecin. Trop de honte.
En fait, on estime à un million, le nombre des personnes concernées par l’incontinence fécale : 350 000 de façon sévère.
Autant dire qu’il s’agit d’un véritable problème de santé publique qu’il serait temps d’oser aborder. D’autant que des réponses et des traitements efficaces existent.
L’incontinence fécale est un trouble fréquent et il serait faux de croire qu’il s’agit d’une pathologie de la personne âgée. Tout le monde est concerné, les hommes, comme les femmes, les jeunes comme les plus vieux.
On estime que 11% de la population française adulte souffre d’incontinence anale (perte involontaire des gaz ou des selles), dont 2% souffrent d’incontinence fécale (perte involontaire de gaz et de selles).
Une pathologie qui touche plus fréquemment les femmes : 13% de femmes pour 9% d’hommes. Une différence qui peut s’expliquer par les accouchements et par la ménopause qui seraient des facteurs favorisants.
Le médecin spécialiste pour traiter ce problème est un gastro-entérologue.
Incontinence anale : les causes
Les causes d’une incontinence fécale sont très diverses :
Diarrhée ou constipation
Lorsque le sphincter anal est normal, l’incontinence fécale peut être due à une diarrhée sévère ou à l’inverse, à une constipation sévère (un fécalome, chez la personne âgée, par exemple : des matières fécales desséchées, qui ne peuvent plus s’évacuer).
Grossesse & accouchement
Pour ce qui concerne les femmes, la cause la plus fréquente est liée aux suites d’accouchements. Le traumatisme de l’accouchement peut avoir des répercutions sur le sphincter anal, après une déchirure ou des étirements trop violents.
Tumeur, blessure ou infection
Le sphincter anal peut être atteint par une tumeur, une blessure, une infection. Un prolapsus, peut également être la cause d’une incontinence fécale (lorsque le rectum descend et sort du canal anal).
Traumatismes
Autre cause : l’incontinence fécale peut être la suite d’un traumatisme, qu’il soit accidentel ou chirurgical.
Problèmes neurologiques
Le sphincter anal peut perdre sa fonction pour des causes neurologiques : après un accident vasculaire cérébral (AVC), dans des cas de neuropathies, de sclérose en plaques ou de diabète.
Le système nerveux, à cause de la maladie, ne parvient plus à commander le sphincter anal.
Compression de nerfs
La compression de certains nerfs, peut être une cause d’incontinence, comme la compression des racines sacrées (les nerfs qui sortent de la colonne vertébrale, au niveau du sacrum), ou une compression de la queue de cheval (les nerfs qui terminent la moelle épinière).
Opérations chicurgicales
Certaines opérations de l’anus, comme l’ablation des hémorroïdes, peuvent parfois entraîner une incontinence anale.
Incontinence anale : les symptômes
Les symptômes de l’incontinence anale ou fécale sont les suivants :
Pour les médecins, on est incontinent fécal lorsqu’on ne parvient plus à retenir ni ses selles ni ses gaz. On est incontinent anal, lorsqu’on ne peut plus retenir ses gaz ou ses selles. Dans certains cas, c’est le sphincter anal qui ne joue plus son rôle et qui, pour une raison traumatique ou mécanique, a perdu sa fonction.
Quand on est victime de ces symptômes, c’est un cauchemar au quotidien, qui touche aussi bien la vie intime, les rapports sexuels, les relations amicales, que la vie professionnelle. Et qui reste, la plupart du temps, caché. C’est le grand tabou !
Son médecin traitant est le premier à qui il est préférable de s’adresser (ne serait-ce que pour respecter la filière de soins, et donc pour être mieux remboursé). Il vous adressera certainement vers un médecin spécialiste, un gastro-entérologue ou un proctologue (que vous pouvez aussi consulter directement si vous le souhaitez, mais en étant moins remboursé par l’assurance maladie).
C’est après une consultation que ce spécialiste envisagera certains examens, pour déterminer l’origine de l’incontinence fécale :
- La manométrie anorectale permet d’évaluer la fonction sphinctérienne et le réservoir rectal.
- L’échographie endo-anale. Il s’agit d’une échographie de l’intérieur de l’anus et du rectum.
- L’électromyogramme. C’est l’examen proposé pour mettre en évidence une éventuelle neuropathie : une atteinte des nerfs. Si l’activité électrique des nerfs est perturbée ou bloquée, le sphincter anal peut se retrouver innervé, et donc désactivé.
Incontinence anale : les traitements
Il faut savoir qu’une fois sur deux, les traitements médicamenteux sont efficaces sur une incontinence fécale.
Il s’agit d’abord des traitements du transit.
L’incontinence fécale est souvent liée à une mauvaise vidange du rectum, soit qu’il s’agisse d’une diarrhée, soit qu’il s’agisse, au contraire d’une constipation. Un traitement régulateur du transit pourra donc, dans de nombreux cas, améliorer la situation.
Chez les enfants, l’incontinence fécale est, la plupart du temps, liée à une constipation. Le traitement visera à guérir cette constipation. Ne pas oublier de bien s’hydrater. L’incontinence fécale peut entraîner une perte de liquides importante. Il faut donc penser à boire suffisamment.
Autre traitement important de l’incontinence fécale qui donne de bons résultats : la rééducation.
La rééducation du sphincter se fait chez un kinésithérapeute. Il s’agit de redonner au muscle périnéal sa motricité. Concrètement, le kinésithérapeute réapprend à son patient à contracter le bon muscle (périnéal) et pas les autres (les fessiers, par exemple).
Pour cela, il utilise une petite sonde équipée d’un capteur de pression. Ce système permet de visualiser les contractions du sphincter et de prendre conscience du travail et des progrès. Au cours des séances, la durée de la contraction sera de plus en plus longue. La force de la contraction aussi. Le kiné devra également ré-apprendre ou apprendre à son patient à se ré-approprier les sensations de la défécation.
Incontinence anale : une opération chirurgicale
Pour traiter une incontinence fécale, lorsque les médicaments ne sont pas suffisants et que la rééducation n’est pas efficace, il est parfois nécessaire d’envisager une réparation chirurgicale du sphincter anal. Si, pendant de nombreuses années, la seule réponse chirurgicale était la colostomie terminale, de nouvelles techniques se sont pratiquées depuis une dizaine d’années.
Le sphincter artificiel
Il s’agit d’un dispositif en silicone, semi-automatique et composé de trois éléments reliés entre eux. D’abord une manchette gonflable placée autour de l’anus et dont la mission est d’assurer l’occlusion anale. Ensuite, un ballon réservoir et régulateur de pression placé à côté de la vessie. Pour finir, une pompe, placée dans la grande lèvre chez la femme, ou dans le scrotum chez l’homme : c’est cette partie qui est accessible au patient.
La défécation est donc activée par quelques pressions de cette petite pompe : la manchette péri-anale se vide de l’eau qu’elle contient permettant ainsi l’ouverture de l’anus (elle se remplit automatiquement d’eau, à nouveau, quelques minutes après).
Attention : si la pose d’un sphincter anal artificiel est simple (une semaine d’hospitalisation, quand même), il est nécessaire de bien surveiller les risques infectieux qui peuvent survenir au décours de l’intervention.
La neuromodulation
Le pacemaker anal ou la neuromodulation : il s’agit de poser une électrode au niveau des nerfs qui contrôlent le sphincter. Les impulsions électriques sont délivrées par un boîtier interne. Cette technique donne de bons résultats : près de deux malades sur trois sont améliorés. Quant aux risques ou effets secondaires : les éventuelles complications sont infectieuses, mais aussi des risques de douleurs au site de l’implant ou un déplacement de l’électrode. Un suivi régulier est donc nécessaire.
La graciloplastie
Il s’agit d’une sorte d’auto-greffe. Un muscle est utilisé, le muscle gracilis (qui se trouve à l’intérieur de la cuisse) va remplacer le sphincter déficient. Le bandeau de muscle va envelopper le canal anal. Il s’agit d’une intervention assez lourde, réservée à ceux pour qui tous les autres traitements ont échoué.
Enfin, quand le sphincter est rompu, il est possible d’opérer pour réparer du mieux que l’on peut le sphincter.
Incontinence anale : nos conseils
Il existe donc des traitements contre l’incontinence fécale. Ce n’est pas une fatalité. Encore moins une honte. Alors pami les premiers conseils que l’on peut vous donner est qu’il est très important de ne pas se laisser souffrir en silence. Plus le trouble sera pris à temps, mieux il sera soigné. Ces incontinences provoquent de vraies souffrances dans la vie quotidienne.
Les patients souffrant d’incontinence fécale et qui sont déprimés (ce qui est assez fréquent), ont tendance à s’enfermer, à ne plus voir personne et à ne pas même oser en parler à leur médecin. En fait, la première prévention d’une incontinence fécale lourde et le premier traitement, c’est la parole.
Enfin, côté prévention, on peut ajouter ces quelques conseils : pour ce qui concerne les femmes, la première prévention possible se situe au moment de l’accouchement. Lorsqu’un premier accouchement a été difficile, il est important de prendre des précautions pour les suivants et éventuellement envisager une césarienne qui éviterait un nouveau traumatisme de la région péri-anale.
C’est à l’obstétricien de penser à cette prévention. C’est à la femme de lui en parler, avant un nouvel accouchement, afin qu’il effectue un bilan qui pourra déterminer s’il existe un risque ou non.
Des associations existent qui peuvent apporter aide et information, comme, par exemple, l’AAPI, www.aapi.asso.fr – l’association d’aide aux personnes incontinentes.
Incontinence anale : sources et notes
> Siproudhis L et al. Defecation disorders: a french population survey. Dis Colon Rectum. 2006.
> Association d’aide aux personnes incontinentes, l’incontinence fécale, octobre 2006.
Auteur : Sylvie Charbonnier.
Consultant expert : Docteur Anne-Marie Leroi, professeur des universités, praticien hospitalier dans le service d’exploration fonctionnelle digestive, urinaire, respiratoire et sportive du CHU de Rouen.