Très répandu contre la douleur ou la fièvre et vendu sans ordonnance, l’ibuprofène serait susceptible de perturber le développement de l’appareil génital du garçon à naître. C’est ce qu’affirme la nouvelle étude publié dans Scientific Report et menée par des chercheurs de l’Inserm au sein de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail.
A l’instar de l’aspirine ou du paracétamol, l’ibuprofène est l’un des médicaments généralement autorisés en début de grossesse. Près d’une femme sur dix déclare en avoir pris au cours de la grossesse selon l’étude. Mais en réalité, elles seraient jusqu’à trois sur dix à en prendre en automédication. Faut-il alors soigner les maux de grossesse par la prise d’anti-inflammatoire non stéroïdien ?
Les récentes recherches épidémiologiques réalisées ces dernières années ont montré qu’une association entre la prise d’antalgiques (médicaments ayant pour rôle de diminuer la douleur) pendant la grossesse entrainait l’apparition d’effets indésirables chez les enfants à naître (petits poids, asthme, prématurité…).
Anti-inflammatoire non stéroïdien le plus utilisé en France, l’ibuprofène permet de soulager des maux de tête, de la fièvre ou des douleurs articulaires, lombaires, musculaires, dentaires ou gynécologiques.
Risques d’anomalie de l’appareil reproducteur chez les nouveaux garçons
Surprenant ? pas tant que ça. Certaines recherches complémentaires combinant épidémiologie et expérimentation, et entreprises en collaboration avec des chercheurs danois de l’Université de Copenhague, avaient également mentionné des risques accrus d’anomalie de l’appareil reproducteur des garçons à naitre. A savoir :
- La cryptorchidie : une mauvaise descente des testicules favorisant de fait le risque d’infertilité ou de cancer du testicule
- L’hypospadias : une malformation de l’urètre
Pour confirmer ces données, les chercheurs de l’Inserm ont alors articulé deux séries de tests mais consacrés uniquement aux 1er et 2ème trimestres de grossesses. L’objectif étant d’étudier les effets de l’ibuprofène sur le testicule fœtal humain.
Perturbations du système hormonal dans le testicule fœtal
Au final, ces essais ont mis en évidence différentes actions du médicament au niveau testiculaire :
- Diminution des taux de testostérone
- Diminution des taux de l’hormone anti-müllérienne (hormone de la masculinisation de l’appareil génital)
- Diminution de l’expression des gènes impliqués dans la production des spermatozoïdes.
Ces résultats ont tous été observés en début de grossesse, principalement entre les huitièmes et dixièmes semaines et pour des doses analogues à celles retrouvées chez les femmes ayant pris de l’ibuprofène. Aucun effet n’a en revanche été retrouvé lors de tests menés lors du second trimestre.
« Nous avons observé qu’entre la 8e et la 10e semaine de grossesse, l’ibuprofène cognait dur. Or, pendant cette période, l’individu est en pleine formation. Il s’agit d’une fenêtre très sensible pour le développement morphologique et génique de ses organes sexuels », indique Bernard Jégou, le directeur de recherche Inserm et coordinateur de cette étude.
Déjà « formellement contre-indiquée » à partir du sixième mois de la grossesse, la prise de l’anti-inflammatoire serait nocive dès le premier trimestre pour les embryons de sexe masculin.
Quid de la réglementation ?
Selon Bernard Jégou, les risques seraient si importants que l’on devrait envoyer un signal aux autorités sanitaires pour qu’elles revoient leurs recommandations en ce qui concerne la prise de ce médicament en début de grossesse.
« Les recommandations actuelles de l’Agence nationale de sécurité du médicament sont d’éviter la consommation d’ibuprofène à partir du sixième mois de grossesse, afin de limiter les risques vasculaires et rénaux », rappelle Bernard Jégou. Au vu des résultats de ces expériences, le chercheur appelle à une intensification des recherches.
Selon les indications de l’Agence Nationale du Médicament (ANSM), l’ibuprofène n’est pas recommandé pendant la grossesse, et il est totalement interdit après cinq mois. Il expose le fœtus et/ou le bébé à une insuffisance rénale (réversible ou non) et à des troubles cardiaques. Il peut entraîner pour la mère et l’enfant des risques accrus de saignements.
Auteur : Thibault Verron
Sources : Scientific Reports , Ibuprofen results in alterations of human fetal testis development