Tristesse, fatigue, insomnies, manque d’appétit… Les symptômes de la dépression, vous les connaissez peut-être, vous les avez déjà éprouvés. Vous en étiez sorti, et voilà que ça recommence, que ça récidive ! C’est classique : malheureusement, les risques de rechute de dépression sont fréquents.
La dépression récidive souvent lorsque le traitement ordonné n’est pas suivi correctement. Il faut savoir que même si l’on pense aller mieux, il ne faut absolument pas arrêter sa prescription d’antidépresseurs de soi-même sans l’avis du médecin, sous risque de rechuter dans les semaines suivantes. Même si l’on pense aller mieux, il est important de continuer à se soigner avec ou sans médicament.
Dans 50 % des cas, la dépression va rechuter. Dans 2 cas sur 3, il y aura rechute après deux précédents épisodes.
La psychothérapie et autres thérapies comportementales semblent être efficaces dans la prévention de la rechute. Mais comme pour le traitement médicamenteux, leur efficacité ne sera durable que si le patient est très impliqué.
Il ne faut pas que le patient se voile la face et pense que la dépression est comme une fatalité : des solutions existent pour s’en débarrasser et éviter de rechuter !
Dans cet article, vous pourrez lire les conseils du psychiatre, ainsi que le témoignage de Solange, 45 ans, victime de dépressions qui récidivent. Découvrez en détail les différentes causes des récidives, et leurs solutions…
Auteur : Sylvie Charbonnier.
Consultante médicale : Dr Anne Gut-Fayand, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne (Paris).
Dernière actualisation : décembre 2014.
Eviter les rechutes de dépression : pourquoi ça recommence ?
Si vous avez, vous-même, traversé un épisode dépressif, vous le savez : personne ne vous comprend !
Vous êtes épuisé, vous avez du mal à vous lever le matin, vous vous sentez isolé, tout vous peine et tout ce que l’on vous dit est : « allez, secoue-toi, rigole, la vie est belle ! ». Un discours qui peut convenir pour un petit coup de blues, mais qui ne sert à rien face à une dépression. A rien, sauf à renforcer le sentiment d’isolement…
La dépression est une maladie qui doit être prise au sérieux et traitée correctement.
Lorsque le système neuro-végétatif dysfonctionne trop, la volonté ne suffit pas à réparer les choses. Il faut de l’aide. Il faut, dans un premier temps, admettre que l’on déprime. Cela, les femmes le font plus facilement que les hommes !
Il faudra admettre qu’il s’agit d’une maladie comme une autre, et qui se soigne. Et, non seulement accepter les traitements proposés, mais en plus, dès qu’on a retrouvé l’énergie suffisante, prendre la maladie à bras le corps et s’impliquer dans les thérapies.
Il existe, chez certains, une fragilité de cet ordre, un terrain dépressif, au même titre qu’il existe des terrains allergiques qui favoriseront les rechutes. Alors, pour ne pas que ça recommence, il existe des moyens efficaces, à condition de ne pas se voiler la face et d’accepter la lutte.
Les raisons d’une rechute
La dépression nerveuse est – on le dit souvent, le mal du siècle ! On considère qu’ 1 personne sur 5 sera victime d’un épisode dépressif au cours de sa vie.
Et les chiffres sont là : dans 1 cas sur 2, la dépression va rechuter. Dans 2 cas sur 3, il y aura rechute après deux précédents épisodes. Et presque à tous les coups, après plus de deux épisodes dépressifs.
Des chiffres qui sonnent comme une fatalité. Pourtant, ce ne sont là que des statistiques. Ces chiffres peuvent faire mentir, si l’on s’en donne les moyens.
Bien suivre son traitement antidépresseur
La première cause de rechute est le mauvais suivi thérapeutique. Un traitement antidépresseur doit être pris impérativement six mois minimum pour être efficace. Que ça aille mieux ou pas.
Et, effectivement, les antidépresseurs d’aujourd’hui sont très efficaces. On en ressent les effets au bout de trois à quatre semaines. On se croit sorti d’affaire. Et c’est le piège ! C’est là qu’il faut continuer à se soigner.
Chez les personnes fragiles, les mélancoliques, les maniaco-dépressifs, tous ceux dont la fragilité est inscrite au niveau génétique, c’est la même chose : prendre un traitement à longueur de vie, alors qu’on se sent mieux, c’est lourd. Alors, on a envie de faire une pause. On se sent assez fort pour cela. Et c’est la rechute !
Eviter les rechutes de dépression : les antidépresseurs
Que la dépression soit réactionnelle (après un choc, un deuil, une séparation ou des problèmes…) ou chronique (dans le cas d’une fragilité particulière de l’humeur), la première réponse, ce sont les antidépresseurs.
Il existe aujourd’hui tout un éventail d’antidépresseurs. Votre médecin saura trouver celui qui vous conviendra le mieux, en fonction de votre mode de vie et de vos troubles particuliers. Certains agiront davantage sur l’angoisse ou sur les troubles du sommeil, d’autres vous donneront plus d’énergie, etc.
Dans tous les cas, au bout de quelques semaines, vous allez en principe retrouver vos forces et votre allant. Le piège serait d’en rester là.
D’abord, continuez à prendre votre traitement. Il a permis d’éliminer les symptômes de la dépression, mais il n’en a pas évacué les causes.
Considérez ce traitement comme la béquille qui vous permet d’avancer. Servez vous de l’antidépresseur pour aller chasser la dépression dans ses retranchements.
C’est là que différentes techniques de psychothérapie peuvent vous permettre de régler le problème en profondeur et d’éviter la rechute.
Gare à l’automédication
Attention : un antidépresseur n’est pas un comprimé d’aspirine, ni un anxiolytique. On ne le prend pas à la demande !
Avoir sa plaquette d’antidépresseurs dans son sac à main, pour le cas où ça n’irait pas, c’est la pire chose que vous puissiez faire. Un traitement antidépresseur nécessite d’être pris pendant six mois au moins, et sous surveillance médicale.
Le médecin, qu’il soit généraliste ou psychiatre, pourra suivre l’évolution de votre maladie. Il pourra éventuellement modifier la posologie en cours de traitement ou choisir une molécule plus adaptée à votre cas. Et surtout, il pourra vous aider à choisir un mode de psychothérapie, en fonction de vos besoins.
Donc, même si les antidépresseurs semblent aujourd’hui d’un usage facile, il ne faut jamais se les administrer soi-même, sans la surveillance d’un médecin.
L’automédication, c’est le risque de rechutes répétées et d’une chronicisation de la maladie.
Récidive, rechute ou chronicité ?
Une dépression n’est pas un coup de blues. Cela ne passe pas en quelques jours.
Un épisode dépressif dure en moyenne entre six et huit mois. Bien sûr, vous n’en ressentirez pas les symptômes aussi longtemps si vous prenez un traitement antidépresseur.
La disparition des symptômes survient trois à quatre semaines après le début du traitement. Cela ne veut pas dire pour autant que l’on est guéri ! C’est juste la phase de rémission des symptômes.
- Rechute : on parlera de rechute lorsque la maladie s’aggrave au cours de la phase de rémission. Ou, si l’épisode dépressif réapparaît après plusieurs mois ou plusieurs années de tranquillité.
- Chronicité : on parlera de chronicité quand le symptôme dépressif persiste pendant au moins deux ans.
Eviter les rechutes de dépression : après les antidépresseurs
Après quelques semaines de traitement antidépresseur, les symptômes invalidants (fatigue, angoisse, tristesse, insomnies…) vont en principe céder.
C’est là que vous retrouvez l’énergie suffisante pour vous soigner en profondeur.
Pendant les mois de traitement, votre médecin, par une surveillance régulière (tous les 15 jours environ), commencera à bien connaître votre comportement.
Il pourra donc vous orienter vers la thérapie la mieux adaptée à votre cas. Et, il n’y a pas que le divan du psy qui peut vous aider ! De nouvelles techniques thérapeutiques sont apparues, ces dernières années, plus rapides et très efficaces :
La psychanalyse :
C’est le classique des classiques. Vous allez, installé sur le divan ou en face à face, remonter lentement le chemin de votre vie pour en analyser, avec votre thérapeute, les différents traumatismes, les différentes failles, qui ont amené cet épisode dépressif.
Mais il faut savoir que même si une psychanalyse est une véritable aventure qui vous permettra de vous découvrir vous-même, c’est un long voyage. Cela peut prendre des années…
Les thérapies comportementales et cognitives :
Les thérapies comportementales et cognitives sont plus rapides (quelques semaines à quelques mois) et souvent efficaces. Le principe en est le réapprentissage de certains comportements.
Lorsque l’on est déprimé ou dépressif, on a tendance à se sentir nul, inefficace, inapte. Par des exercices pratiques, concrets, vous serez amené à revisiter vos réflexes, vos schémas de pensée. Ces exercices seront effectués dans le cabinet du thérapeute, mais aussi, grandeur nature, à la maison ou au travail. Cela, c’est l’aspect comportemental, une sorte de désapprentissage-réapprentissage des modes de comportement.
Parallèlement, le thérapeute vous fera analyser vos réactions et c’est l’aspect cognitif de la thérapie. Il s’agit pas d’une analyse pointue, ciblée sur vos comportements dépressifs.
Le thérapeute vous fera comprendre le dysfonctionnement de vos pensées. Il vous apprendra, par exemple, à ne plus « broyer du noir », à ne pas ressasser les idées déprimantes. A vous de vous investir dans le traitement !
La mindfulness
Parmi les nouvelles techniques de psychothérapie existe la mindfulness : technique de la ” pleine conscience”.
C’est une technique inspirée de la méditation, du bouddhisme et du yoga. L’idée est de mieux vivre l’instant présent, loin des ruminations sombres de la dépression.
C’est une manière de gérer le stress induit par la dépression et d’apprendre à affronter, avec plus de calme et de lucidité, les événements de la vie de tous les jours, comme nous l’explique le Dr Anne Gut-Fayand, psychiatre.
Eviter les rechutes de dépression : quand la dépression devient chronique
Quand les épisodes dépressifs se succèdent sans aucun vraiment élément déclencheur… l’incompréhension s’installe.
L’âge
Il semblerait que l’âge du premier épisode dépressif joue un rôle dans la chronicisation de la maladie. Plus la première dépression apparaît tôt, plus grand serait le risque de rechute.
D’autres facteurs sont soulignés : certains dérèglements hormonaux, des troubles du sommeil ou une exposition insuffisante à la lumière du jour.
Le facteur génétique
L’hérédité serait également en cause. Il existe des familles de dépressifs. Dans tous les cas, il ne faut pas banaliser le premier épisode dépressif. Il faut traiter efficacement dès la première fois et ne pas attendre la répétition.
Le traitement antidépresseur doit être suivi plusieurs mois et doit être associé à une thérapie. Médicaments et thérapie, c’est 80 à 90% de succès.
Dans certains types de dépression, quand la dépression s’avère chronique, c’est un traitement à vie qui sera envisagé.
C’est le cas des troubles bipolaires et des problèmes maniaco-dépressifs. L’arrêt du traitement peut avoir des conséquences désastreuses. Il n’est pas forcément confortable d’avoir à prendre des pilules tous les jours, mais si c’est la condition de la bonne santé, pourquoi pas ?
Eviter les rechutes de dépression : les conseils du psychiatre
Existe-t-il de nouveaux traitements pour éviter les récidives de dépression ?
Oui. Et surtout, on connaît de mieux en mieux la maladie. Les antidépresseurs sont maintenant très au point. Ils ne présentent plus les effets secondaires qu’ils présentaient dans le passé. Les traitements sont mieux tolérés et plus maniables.
Parmi les nouvelles techniques, qu’est-ce que la mindfulness ?
La mindfulness est une thérapie cognitive et émotionnelle fondée sur la pleine conscience et qui propose une série de techniques intégrant notamment des outils de la méditation.
L’objectif est d’améliorer le niveau de tolérance et d’acceptation des états émotionnels négatifs. Cela permet au patient de s’inscrire dans le moment présent. De lutter contre ses ruminations qui l’empêchent de dormir ou de mieux profiter de sa vie. Cela permet de mieux supporter les émotions de tristesse ou d’anxiété. On apprend à mieux gérer ses émotions, à les accepter.
Ce traitement est assez rapide, deux mois environ, à raison d’une fois par semaine et une pratique quotidienne. Mais, c’est tout un apprentissage qui s’opère. Et on peut utiliser la technique tout au long de sa vie. C’est une technique que l’on commence à utiliser à l’hôpital Sainte-Anne et qui donne de très bons résultats. C’est une bonne manière de prévention, et une nouvelle manière d’aborder sa vie…
Sait-on pourquoi la dépression récidive si souvent ?
Dans la majorité des cas, la récidive est liée à un mauvais suivi du traitement. Les patients arrêtent trop tôt les antidépresseurs. Ils en ont assez de prendre des pilules. Ils se sentent mieux. Les symptômes ont disparu ou ont considérablement diminué et les patients pensent alors que c’est fini. Que ça va mieux. Et c’est la rechute dans les semaines qui suivent.
Il est important de rappeler qu’un traitement par antidépresseurs doit être suivi plusieurs mois. Entre six et huit mois sans interruption. Parfois, le traitement médicamenteux est suffisant.
Une psychothérapie associée aux antidépresseurs est pourtant souvent recommandée…
En effet, la plupart du temps, il est plus efficace et plus prudent d’associer un suivi psychothérapique. Cela permet de connaître les causes de la dépression et de prévenir une éventuelle rechute. Le choix de la technique, c’est affaire de personne. Certains préfèrent les méthodes plus anciennes, la psychanalyse, par exemple.
C’est vrai que les thérapies comportementales et cognitives ont fait leurs preuves, ces dernières années et que de nouvelles techniques apparaissent.
Mais il est important que la personne dépressive s’implique dans son traitement. Qu’elle comprenne ses schémas de pensée négatifs et qu’elle les corrige. La dépression n’est jamais une fatalité.
Eviter les rechutes de dépression : le témoignage d’un patient
Témoignage de Solange, 45 ans, qui raconte ses difficultés à se sortir de ses états dépressifs…
Vous avez fait deux épisodes dépressifs et une tentative de suicide. Pouvez-vous nous raconter ?
Ma première dépression, c’était il y a dix ans. La cause, je la connais : mon mari m’a quittée. On était marié depuis dix ans et j’étais très amoureuse… puis, le coup classique si je puis dire, il est parti pour une autre. Je me suis sentie déchirée, abandonnée. Un cauchemar !
Pendant des semaines et des semaines, je ne dormais plus. Et je passais mes nuits à l’imaginer avec l’autre. Je ne pensais qu’à ça. Je culpabilisais. J’avais l’impression d’être nulle, moche, finie. Au début, mes amies étaient présentes auprès de moi. Elles comprenaient ma douleur. Mais ça durait trop longtemps. Elles ont fini par se fatiguer à m’entendre toujours rabâcher les mêmes choses. Je leur parlais de mon mari tout le temps. Je devais être insupportable !
Comment en êtes-vous sortie ?
Ma mère a pris un rendez-vous pour moi chez un médecin. Il m’a prescrit des antidépresseurs. Magique ! Au bout d’un mois, je n’étais plus la même. Vraiment. J’avais envie de tout recommencer. Je me suis relookée, je suis sortie. C’était vraiment bien. J’ai pris mon traitement pendant trois mois. Et comme je me sentais mieux, j’ai arrêté. Je ne suis pas retournée chez le médecin. Je me sentais guérie.
Et c’est là que vous avez rechuté ?
Oui. Je me suis sentie en forme, comme ça, pendant quelques mois. Et puis, je me suis mise à repenser à mon mari. Je l’ai rappelé. J’ai commencé à le harceler au téléphone. De nouveau, je ne pensais plus qu’à ça. Et là, je me suis retrouvée toute seule. Toute seule à me détester. C’était pendant les vacances. Mon fils était avec son père et sa nouvelle compagne. Je ne supportais pas cette idée. Je me sentais tellement trahie, tellement inutile.
Un soir, j’ai avalé tous les médicaments que j’avais chez moi. Avec tout l’alcool que j’ai pu ingurgiter. Résultat : je me suis retrouvée à l’hôpital avec un lavage gastrique. Encore plus nulle. Humiliée. Je me sentais sale. C’est là que j’ai rencontré la psy qui m’a sortie d’affaire.
Quel fut le traitement ?
J’ai repris des antidépresseurs. Mais là, je n’ai pas arrêté, et j’ai vu régulièrement cette psy. Deux fois par semaine. On faisait de la thérapie comportementale et cognitive. Cela m’a permis de comprendre comment je réagissais. Ma peur de l’abandon, mon sentiment de culpabilité, cette impression d’être nulle.
J’avais aussi des petits exercices à faire chez moi, avec mon entourage. Comme un jeu à jouer où je me montre confiante et sûre de moi. En fait, c’est comme si j’avais appris de nouveaux réflexes comportementaux.
Et aujourd’hui, comment allez-vous ?
Bien… J’ai retrouvé mon fils, je travaille, j’ai repris confiance. Je reste vigilante, car je sais que j’ai plus de risques que quelqu’un d’autre de m’enfoncer à nouveau.
Alors, je continue à voir un psy. Je fais beaucoup de sports. Et surtout, j’ai retrouvé un compagnon. Quand j’étais tellement mal, mes copines, celles qui me parlaient encore, me disaient : « retrouve quelqu’un… sors ! » mais, quand on est si mal dans sa peau, on ne peut pas. Pas la peine, on fait fuir tout le monde !
Dès que j’ai entamé la thérapie comportementale et cognitive, je me suis sentie plus sûre de moi. Cela devait se voir de l’extérieur. Le fait est que j’ai rencontré quelqu’un et que tout va bien aujourd’hui.
Sources et notes :
– Prise en charge par le psychiatre d’un épisode dépressif isolé de l’adulte en ambulatoire. Référentiel d’auto-évaluation des pratiques en psychiatrie. HAS, Gicipi. Juin 2005.
– P. Eisinger, Syndrome dépressif, Traité de médecine AKOS, 2008.
– Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), Les ventes d’antidépresseurs entre 1980 et 2001, Études et résultats N° 285, janvier 2004.