Dépister une surdité chez le nouveau-né

Dépister une surdité chez le nouveau-né
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Un nouveau-né sur mille naît, chaque année, avec un problème de surdité : 700 nourrissons par an ! Le dépistage de la surdité chez le bébé a la naissance est devenu systématique en France. Le but est d’éviter d’attendre plusieurs mois avant de découvrir le handicap de l’enfant.

La déficience auditive est le premier déficit sensoriel recensé à la naissance. Diagnostiqué à temps, il s’agit d’un handicap que l’on peut correctement prendre en charge.

La surdité se calcule en décibel (dB). A partir d’une perte de 20db, on considère que l’enfant présente une surdité légère. Cela va crescendo pour atteindre un palier de perte qui au-delà de 90db témoigne d’une surdité profonde.

Le plus souvent, la cause de la surdité est génétique. Cependant, il se peut que cela soit dû à une maladie, à la prématurité du bébé, etc.

Si les différents examens qui existent, l’examen néonatal et les tests d’audiométrie objectives, révèlent une surdité de l’enfant, il faut savoir que des solutions sont à mettre en œuvre afin que l’enfant puisse se développer le mieux possible.

Le port d’un appareil auditif, des séances de rééducation chez l’orthophoniste, et, sur le plan éducatif, des instituts adaptés existent.

Après lecture de ce dossier, vous serez mieux informés et aptes à agir face à la surdité d’un bébé.

Auteur : Sylvie Charbonnier.
Consultant expert : Docteur Joëlle Troussier, ORL au CHU de Grenoble.

Dépister une surdité chez le nouveau-né : Définition de la déficience auditive de l’enfant

Si l’on se réfère à l’OMS, un enfant souffrant d’une déficience auditive est un enfant dont l’acuité auditive est insuffisante pour lui permettre d’apprendre sa propre langue, de participer aux activités normales de son âge et de suivre avec profit, l’enseignement scolaire général.

La classification ou le degré de la surdité se fait en fonction du nombre de décibels (db) perdus.

Pour information : on estime que 30 db est le niveau sonore de la voix chuchotée ; 60 db celui d’une conversation courante. 70 db est, à peu près, le niveau sonore d’une conversation vive ; 80 db, celui d’une rue bruyante ; 100 db, le bruit d’un marteau piqueur ; 120 db, celui d’un réacteur d’avion à 10 mètres.

> de 0 à 20 db de perte : l’audition est normale.

> de 20 à 40 db de perte : la surdité est légère, c’est une hypoacousie. Au-dessus de 30 db de perte, l’enfant est gêné à l’école et dans les milieux bruyants. Un bilan orthophonique est nécessaire pour connaître la qualité du message oral reçu. Un suivi régulier et un appareillage peuvent être nécessaires.

> de 40 à 70 db de perte : la déficience auditive est moyenne. L’enfant est malentendant. A partir de 55 db de perte auditive, l’enfant perçoit la voix, mais sans comprendre les paroles. Appareillage et rééducation sont alors nécessaires.

> de 70 à 90 db de perte : on parle de surdité sévère. Même si certains enfants, à ce stade, peuvent encore entendre ou percevoir quelques bribes d’une voix à forte intensité, ils n’en comprennent pas les paroles. Ils ne peuvent donc pas apprendre à élaborer spontanément leur propre langage. Ces enfants ont alors besoin d’un appareillage, d’une rééducation et d’une lecture labiale.

> au-delà de 90 db de perte : l’enfant est sourd profond. Il ne perçoit pas du tout la voix et n’a aucune idée de la parole.

Voilà quelques notions de classifcation sur la surdité.

Dépister une surdité chez le nouveau-né : Les causes

> Deux fois sur trois, la cause d’une déficience auditive chez l’enfant est génétique.

Il existe de nombreux gènes responsables de surdité. Mais, la surdité familiale, transmissible peut sauter plusieurs générations. Il n’est donc pas évident de savoir que l’on possède un tel gène. Donc, même si vous ne connaissez pas de sourds dans votre parenté immédiate, il peut quand même s’agir d’une surdité héréditaire. On parle alors d’hérédité récessive. C’est la plus fréquente.
La forme dominante est rare. Dans ce cas, toutes les générations d’une famille sont atteintes.

> Les autres causes de déficience auditive : dans un tiers des cas, la surdité est acquise.

  • Il peut s’agir d’une maladie contractée par la mère (quand elle était enceinte), comme une infection virale : la rubéole, le cytomégalovirus…
  • Il peut s’agir de causes toxiques : certains médicaments sont interdits chez la femme enceinte pour cette raison.
  • La prématurité est une cause fréquente particulièrement pour les petits poids de naissance inférieur à 1 500 g.
  • La souffrance fœtale, au moment de l’ accouchement, quand l’enfant manque d’oxygène (anoxie).
  • L’ictère ( jaunisse) grave lorsqu’il y a incompatibilité sanguine entre la mère et l’enfant : cela peut provoquer des séquelles neurologiques et une surdité.
  • Les infections : méningites (bactérienne ou virale), les encéphalites, les oreillons…

Dépister une surdité chez le nouveau-né : Les signes d’alerte

Les parents et le médecin peuvent parfaitement passer à côté d’une surdité. Si aucun dépistage n’a été effectué à la naissance, l’entourage ignore le handicap de l’enfant.

Alors quels signes peuvent alerter d’une surdité ? Les parents constatent que l’enfant est difficile, peureux, parfois insupportable…
L’enfant souffre d’un retard, aussi bien au niveau du langage, qu’au niveau de la socialisation. L’enfant peut également avoir un retard psychomoteur avec retard de tenue de tête, retard de la position assise, et retard de la marche (une atteinte de l’oreille interne peut provoquer des troubles de l’équilibre).

Les signes qui doivent alerter :

  • L’absence de réaction d’un nourrisson aux bruits et à la voix.
  • L’arrêt du babil après six mois (jusqu’à six mois, le bébé sourd babille, comme les autres… puis, privé du plaisir de s’entendre, il s’arrête).
  • Un retard de langage et des émissions vocales incontrôlées.
  • Des troubles du comportement : agressivité, colères, isolement…

La déficience auditive de l’enfant : attention aux faux tests !

Ces enfants, on le sait, compensent leur handicap en développant leurs autres sens. C’est ainsi que certains parents, ayant un doute, vont effectuer des petits tests et vont partir sur une fausse piste.

Par exemple, faire claquer une porte : ce n’est pas au bruit que l’enfant va réagir, mais au changement de lumière. Mais il aura réagi, et les parents pourront (faussement) en déduire qu’il a entendu le claquement de la porte.

Frapper des mains : il tourne la tête en direction des mains, mais ce n’est pas au bruit qu’il réagit, mais au vent produit, etc.

Dépister une surdité chez le nouveau-né : Le dépistage

La France est très en retard pour dépister une surdité chez bébé. Si, chez la plupart de nos voisins européens, le dépistage est systématique à la naissance, ce n’est pas encore le cas chez nous.

Dans le cas d’une surdité profonde, il faut parfois attendre 18 mois pour comprendre que l’enfant a un problème.
Dans le cas de surdité moyenne : jusqu’à 36 mois. Or, pendant tout ce temps, où l’on ne comprend pas vraiment de quoi souffre l’enfant, celui-ci développe des troubles de la relation. Et il n’est pas rare que les parents fassent le parcours du combattant avec des avis faussement rassurants, avant d’arriver chez l’ORL.

Ce genre d’expérience peut marquer à jamais la personnalité d’un enfant. Pendant des mois, il aura été regardé par son entourage, comme un enfant à problème, un enfant différent, voire même comme un enfant retardé. Alors, quand on sait que le dépistage n’est qu’un test d’à peine 5 minutes dans des bonnes conditions de calme et parfaitement indolore, il est urgent qu’il soit systématisé dans toutes les maternités en France.

L’idéal, bien sûr, est de pouvoir dépister le plus tôt possible une surdité. Plus le temps passe, et plus le retentissement du handicap augmente.

L’examen néonatal. Toutes les maternités ne le font pas encore systématiquement, mais dans un futur proche, elles effectueront ce dépistage. C’est alors à vous ou à votre médecin généraliste ou au pédiatre, d’y penser et de le faire pratiquer le plus vite possible chez un ORL.

L’examen s’effectue au calme (c’est-à-dire après une tétée, quand l’enfant est à moitié endormi). Les pleurs peuvent brouiller le test.

Deux tests de dépistage sont possibles :

1 – La technique des oto-émissions acoustiques provoquées (OEAP).

Cette technique permet de mesurer objectivement la qualité de la cochlée, l’organe d’audition de l’oreille interne.

Une petite sonde est introduite dans l’oreille du bébé. Un son est envoyé, jusqu’à 30 db. La réponse de l’oreille interne est enregistrée.

2 – Les Potentiels Evoqués Auditifs automatisé PEAa

Un casque envoie un son de 35 db dans les oreilles du bébé. On recueille grâce à des électrodes de surface l’activité des cellules de l’oreille interne et du début du nerf auditif.

Si, après deux tests de dépistage, il s’avère qu’aucune réaction n’est enregistrée, alors vous serez adressée à un Centre de Diagnostic et d’Organisation de la prise en charge de la Surdité (CDOS).

Un ORL spécialisé en surdité effectuera une audiométrie comportementale du bébé.

Avec des premiers tests simples, on pourra utiliser des tambourins, des cloches, un sifflet, en prenant garde qu’ils se trouvent bien hors du champ de vision de l’enfant.

Des tests au casque ou au vibreur sont aussi pratiqués, en regardant les réactions du bébé.

> En cas de doute, l’ORL pourra pratiquer des tests d’audiométrie objectives, comme le PEA (Potentiel Evoqué Auditif). Il s’agit d’une sorte d’électro-encéphalographie. Un signal électrique est produit par le système nerveux, en réponse à l’écoute d’un son.
Cela permet de :

  • déterminer le seuil d’audition sur les aigus,
  • confirmer une surdité,
  • diagnostiquer une atteinte de la cochlée,
  • d’avoir un début de tracé neurologique.

Dépister une surdité chez le nouveau-né : Le traitement

Devant toute surdité, il est important de donner une information claire et précise aux parents sur les choix éducatifs possibles pour leur enfant.

  • éducation en Langue des Signes LSF pure (gestuel et français écrit).
  • bilinguisme avec LSF (signes, français oral et écrit).

90% des enfants sourds naissent dans des familles d’entendants. Les parents désirent communiquer à l’oral avec leurs enfants, même si quelques signes sont toujours utilisés chez le jeune enfant pour favoriser la communication.

Le traitement nécessite la mise en place d’un appareillage et d’une prise en charge orthophonique.

Quel appareil ?

On peut le mettre en place dès l’âge de quatre à six mois. L’appareil ou la prothèse va permettre d’amplifier les sons. C’est-à-dire que, tout à coup, pour l’enfant, les bruits vont devenir signifiants. Ils vont prendre du sens.
En cas de surdité moyenne ou sévère, l’enfant percevra la parole, et découvrira sa propre voix. Si le diagnostic est effectué suffisamment tôt, et si l’enfant est appareillé suffisamment tôt, il pourra donc parler normalement. L’appareil doit être porté toute la journée et faire partie intégrante de l’enfant. Il s’agit d’un contour d’oreille.

Et, si, souvent, les personnes âgées ont du mal avec ce type d’appareil, les enfants le supportent d’autant mieux qu’ils découvrent tous les bruits, les sons, les paroles qui les entourent.

L’implant cochléaire :

En cas de gain insuffisant des prothèses auditives, on pourra proposer un implant cochléaire aux enfants dont les parents ont choisi une éducation auditive.

On place dans l’oreille interne lésée, des électrodes qui vont stimuler directement nerf auditif.

Il est composé de 2 parties :

  • La partie externe en contour d’oreille qui capte le son et le transforme grâce au processeur en signal électrique.
  • La partie interne avec un récepteur sous-cutané, et l’électrode mise en place dans la cochlée.

Il s’agit d’une intervention chirurgicale. La durée d’ hospitalisation excède rarement 2 jours.

La prise en charge orthophonique

Même appareillé, même avec un implant cochléaire, votre enfant va avoir besoin d’une rééducation intensive. Il va devoir apprendre à parler, à lire sur les lèvres et, éventuellement, à apprendre la langue des signes.

Toute cette éducation, à laquelle vous allez participer, relève du travail de l’orthophoniste. Cela fait partie du traitement. Il s’agit d’apprendre à votre enfant à utiliser au maximum ses capacités auditives, en s’aidant des mouvements du corps, des lèvres.

Dépister une surdité chez le nouveau-né : Les conseils d’un médecin spécialiste

Interview du docteur Joëlle Troussier, médecin spécialiste ORL au CHU de Grenoble.

Pourquoi, en France, a-t-on attendu autant avant d’envisager de mettre en place un dépistage systématique néo-natal de la déficience auditive ?

La France est très en retard. Tous nos voisins européens pratiquent ce dépistage à la maternité, dès le troisième jour de la naissance de l’enfant. Je suppose que les raisons sont surtout financières. Cela demande un investissement en matériel et en personnel.
Et puis, il existe certaines personnes qui disent encore : à quoi bon savoir trop tôt que son enfant va être handicapé ! Ce qui est évidemment un très mauvais calcul.

Alors quels conseils donneriez-vous ?

Puisque, plus on attend, plus l’enfant va prendre du retard et plus il sera difficile de le rééduquer, il est donc très important, de dire aux parents que, si ce dépistage n’est pas effectué dans la maternité où la maman accouche, ils doivent absolument aller consulter un ORL, sans attendre les premiers signes.
Et si on a un doute, dans tous les CHU, il existe des centres de diagnostic. Ils peuvent pratiquer des tests sophistiqués et apporter un diagnostic sûr.

Est-ce qu’il est facile de voir que son enfant souffre d’une surdité ?

Non. Justement. C’est difficile de dépister une surdité chez un jeune enfant. Aussi bien pour les parents que pour le médecin, parfois. On voit un enfant agité, agressif, angoissé, qui a du retard dans ses apprentissages, parfois des troubles de l’équilibre.
On ne pense pas forcément que c’est un enfant sourd. On peut penser qu’il souffre de troubles psychologiques. Et c’est un vrai problème. Car, encore une fois, plus on s’y prend tard, plus ce sera difficile. Et il n’est pas rare de voir des enfants de 18 mois sourds, sans que personne ne s’en soit rendu compte. C’est une véritable catastrophe.

Est-ce que l’appareillage ou les implants, ça marche ?

Bien sûr. Un petit enfant qui aura été diagnostiqué assez tôt et à qui on aura posé, dès les premiers mois de sa vie un appareil, ne va pas prendre de retard dans l’acquisition de la parole. Il lui faudra un accompagnement, bien sûr. Une rééducation, mais il pourra acquérir le langage normalement.

Et, plus tard, être scolarisé normalement. Et, même si l’appareil n’est pas suffisant, l’ implant cochléaire pourra lui assurer une bonne qualité de vie et d’audition. Encore une fois, le plus important est de pouvoir diagnostiquer le plus tôt possible une déficience auditive.

Dépister une surdité chez le nouveau-né : Le témoignage de Sandra

Le témoignage de Sandra, la maman de Baptiste, 6 ans, chez qui on a découvert une surdité quand il était bébé…

Comment avez-vous compris que Baptiste était différent ?

Lorsque Baptiste est né, tout s’est très bien déroulé. Au départ, nous ne nous étions aperçus de rien. Aussi, Baptiste a été élevé comme n’importe quel bébé de son âge. Il faut dire qu’il a naturellement compensé sa perte auditive par la vue et l’odorat. Par exemple petit, quand je rentrais dans sa chambre, il tournait la tête vers moi, il ne m’avait pas entendu, mais avait senti mon parfum ! Cependant, très vite, j’ai eu des doutes, Baptiste ne « gazouillait » pas comme auraient pu le faire les autres enfants. Cela a été le début d’une longue période de doutes.

Quelles ont été les différentes étapes à franchir avant qu’un diagnostic soit enfin posé ?

Notre généraliste nous a envoyés chez l’ORL, puis l’ORL, au CHU. Les tests ont montré qu’il entendait à partir de 90 décibels (dB)… en sachant que le niveau sonore d’une voix est de l’ordre de 35 dB ! Puis des examens complémentaires ont été réalisés pour confirmer la surdité de Baptiste : ce sont les PEA, les « potentiels évoqués auditifs ». Enfin, le diagnostic était posé : Baptiste était atteint aux deux oreilles d’une déficience auditive sévère et profonde. En clair, mon enfant est sourd !

Comment avez-vous réagi ?

C’est dur à encaisser, bien sûr. Mais on a vite réagi. Baptiste a été appareillé. Et ça, ça a été un moment magique. Voir notre fils réagir au son de la voix de son père, jamais je ne l’oublierai. Puis Baptiste a émis ses premiers sons. Un travail de fond à été mis en place avec une orthophoniste. Les séances ont été très lourdes au début.

Aujourd’hui, comment Baptiste évolue-t-il ?

Dans mon témoignage, je souhaite ajouter que Baptiste est aujourd’hui un enfant très éveillé et extrêmement dynamique. Il est également assez indépendant pour son âge. Finalement, sa déficience auditive lui a appris à se débrouiller beaucoup plus vite que les autres enfants de son âge. Il est à l’école primaire et tout se passe très bien. Il a des amis, et il est intégré comme n’importe quel enfant.

Dépister une surdité chez le nouveau-né : Sources et notes

– Dépistage des troubles de l’audition chez l’enfant, Guide pratique, Société Française de Pédiatrie, juin 2009.

– La surdité de l’enfant : Guide pratique à l’usage des parents., INPES, 2005.

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