Peu connu, le cancer de la vessie est une tumeur maligne de la vessie. C’est le 9ème cancer le plus fréquent dans le monde et la 4ème cause de décès par cancer chez l’homme.
Chaque année, en France, on diagnostique plus de 10 000 nouveaux cas de cancer de la vessie. Il survient généralement après 60 ans et touche surtout les hommes, même si de plus en plus de femmes en souffrent.
Le cancer de la vessie touche principalement les personnes âgées de plus de 65 ans, et concerne plutôt le sexe masculin : quatre hommes pour une femme.
Le cancer de la vessie est le plus souvent secondaire à un passé d’expositions toxiques :
- le tabac (surtout), certaines intoxications professionnelles (comme des expositions prolongées et répétées aux hydrocarbures),
- un antécédent de radiothérapie localisée sur la région du bassin, ou
- la prise de certains médicaments (cyclophosphamide).
Il est important de détecter le plus tôt possible un cancer de la vessie. Lorsque la tumeur est superficielle, le taux de survie à 5 ans après traitement est de 80 à 90 %.
Quels signes doivent alerter ? Quel est le traitement du cancer de la vessie ? Cet article complet répond aux nombreuses questions que l’on se pose.
Les différents types de cancer de la vessie
On distingue deux grands types de cancers de la vessie. Cela dépend de leur profondeur dans la paroi de la vessie. Ils peuvent être superficiels ou infiltrants. D’où l’intérêt d’un diagnostic le plus précoce possible.
> Cancers de la vessie superficiel : Lorsque les tumeurs sont superficielles, il sera plus facile de les retirer. Le pied du polype de la vessie est comme une mauvaise herbe dans la terre. Si ses racines ne sont pas trop entrées en profondeur (muscle de la paroi vésical), on pourra arracher le pied.
> Cancers de la vessie infiltrant : En revanche, si le pied du polype de la vessie est entré trop profondément dans la paroi de la vessie, le traitement en sera plus difficile, et les chances de guérison plus réduites (on découvre des cancers infiltrant dans un tiers des cas).
Le pied du polype peut infiltrer le muscle superficiel, le muscle profond et jusqu’aux organes voisins, la paroi abdominale et pelvienne.
Dans tous les cas, le chirurgien aura à coeur de préserver la vessie. Il n’y a que dans les cas les plus infiltrés qu’il envisagera l’ablation de la vessie.
Cancer de la vessie : les causes
Il existe différentes causes au cancer de la vessie, mais l’une d’entre elles est majeure…
Première cause : le tabac ! Et c’est justement une cause facile à éviter. En fait le tabac a sur votre vessie le même genre de conséquences que sur vos poumons. C’est dire… Sauf que l’on parle plus fréquemment des effets du tabac sur les voies respiratoires que sur la vessie.
Pourtant le danger est à peu près le même. Pour vous dire : le tabagisme serait la cause d’environ un cancer de la vessie sur deux !
D’autres facteurs de risques existent, comme certains produits chimiques (les amines aromatiques, par exemple, présents dans l’industrie chimique, le textile, le caoutchouc ou la métallurgie,…).
Certaines catégories de professionnels (coiffeurs, travailleurs du textile, peintres) sont plus exposés que d’autres au risque de développer un cancer de la vessie, puisqu’ils entrent en contact avec ces substances chimiques au quotidien par leur métier. Certaines entreprises mettent en place des mesures de prévention pour diminuer les risques de cancers liés aux activités professionnelles.
Certaines anomalies génétiques, des inflammations chroniques de la vessie peuvent aussi être des facteurs de risque pour développer un cancer de la vessie. Si vous souffrez de cystites à répétition, par exemple, il faut peut-être évoquer une tumeur de la vessie.
Cancer de la vessie : les symptômes
C’est bien ça, le problème ! Le cancer de la vessie ne donne pas toujours de symptômes. Il peut courir, comme cela, à bas bruit (comme disent les médecins) et ne pas vous alerter. D’où l’intérêt d’une visite chez un médecin, systématique, à partir d’un certain âge (au-delà de 50 ans), afin d’éviter les mauvaises surprises.
Le principal signe que donne la maladie, est la présence de sang dans les urines. Et, le plus souvent, du sang à la fin de la miction.
On parle d’hématurie terminale macroscopique. Pas toujours évidente à visualiser, cette hématurie donne parfois un aspect foncé inhabituel des urines.
Si cela vous arrive, n’attendez pas. Allez tout de suite consulter votre urologue. Il n’y a pas de temps à perdre. Et précisez bien au médecin que vos hématuries (le sang dans les urines) se situent en fin de jet. Cela lui permettra d’orienter son diagnostic.
Cela dit, d’autres symptômes doivent vous alerter :
- si vous poussez au moment d’uriner (on parle de dysurie),
- si vous ressentez de fréquentes envies d’aller uriner (on parle de pollakiuries),
- si vous voyez du pus dans vos urines (on parle de pyurie), ou même
- si vous souffrez de coliques néphrétiques,
Si vous constatez des symptômes de ce type, ne passez pas à côté. Ne les banalisez pas : parlez-en sans tarder à votre médecin. En bref, cela ressemble à une cystite inhabituelle.
Des examens complémentaires permettront d’établir le bon diagnostic.
Mais dans la plupart des cas, le cancer de la vessie est asymptomatique. Sachez donc y penser et prévoir une visite régulière chez votre médecin traitant ou un médecin urologue.
C’est d’ailleurs souvent au cours d’une simple visite de contrôle que le cancer est découvert. Le tout est qu’il soit découvert à temps.
Cancer de la vessie : les examens
Deux types d’examens sont à envisager pour diagnostiquer un éventuel cancer de la vessie :
- dans un premier temps, des examens que l’on appelle de débrouillage pour permettre d’effectuer un diagnostic différentiel (ne pas confondre avec une autre maladie), et,
- dans un deuxième temps, un examen qui va permettre d’aller voir à l’intérieur de la vessie.
Les premiers examens, pour commencer :
> L’ECBU : L’ECBU (Examen Cyto Bactériologique des Urines) est l’analyse des urines.
C’est l’examen que vous connaissez, où vous devez déposer un peu d’urine dans un petit flacon.
> La cytologie urinaire : elle va avoir pour but de rechercher d’éventuelles cellules cancéreuses dans les urines.
> L’échographie vésicale : elle va permettre de voir si des polypes sont présents dans la vessie.
Ces trois examens sont dits non-invasifs : ils ne nécessitent ni anesthésie, ni préparation. Ils sont parfaitement indolores.
Les autres examens, dans un deuxième temps :
> L’endoscopie vésicale (cystoscopie) : elle va permettre de voir l’intérieur de la vessie, la/ les tumeurs, leur(s) emplacement et leurs caractères morphologiques.
Cet examen s’effectue sous anesthésie locale. On introduit par les voies naturelles un fibroscope souple ou un cystoscope rigide qui va permettre de voir l’intérieur de la vessie.
> Le scanner : le scanner des voies urinaires permet d’évaluer l’extension des tumeurs et de rechercher d’autres tumeurs dans les cavités des reins ou dans les uretères. De rechercher, par exemple, une éventuelle obstruction des reins liée à une tumeur.
Cancer de la vessie : les traitements
Pour commencer, il faut arrêter de fumer ! Au-delà de l’arrêt du tabac, le traitement est différent en fonction du stade et de l’évolution de la maladie. Le cancer de la vessie se traite préférentiellement par une opération chirurgicale.
> En cas de tumeur petite et superficielle :
Lorsque les polypes sont superficiels, il va falloir arracher la tumeur jusqu’à son pied, comme une mauvaise herbe. Le chirurgien va alors effectuer une résection endoscopique de la tumeur par les voies naturelles. Cela se passe un peu de la même manière que la cytoscopie. On va alors au bloc opératoire. Un cystoscope est introduit et va permettre de retirer les polypes à l’aide d’une anse de résection.
Il faut savoir que ces résections s’effectuent en milieu aqueux (nous sommes dans la vessie). La coagulation est alors difficile et nécessite la mise en place d’une sonde vésicale pendant quelques jours en post-opératoire.
Lorsque les polypes sont nombreux, d’autres traitements sont généralement proposés : un cycle de chimiothérapie local peut être envisagé en post-opératoire.
Des médicaments de chimiothérapie, permettant d’éviter la progression du cancer (de la même manière que l’on met un désherbant pour éviter la repousse des mauvaises herbes), sont mis au contact de la paroi de la vessie à l’aide d’une sonde vésicale une fois par semaine pendant six semaines.
Attention : dès qu’un cancer de la vessie est diagnostiqué, la première chose à faire, comme dans le cas d’un cancer du poumon, c’est d’arrêter de fumer !
> Le traitement d’une tumeur infiltrée :
S’il s’agit d’un cancer infiltrant, c’est-à-dire que les pieds du polype ou des polypes, ont pénétré jusque dans le muscle vésical, alors, la vessie doit être retirée. Cette opération est appelée cystectomie totale. Les ganglions pelviens devront être aussi retirés lors de l’opération et examinés.
> Chez l’homme, la prostate, les vésicules séminales et la partie haute de l’urètre devront également être retirés (c’est une cysto-prostatectomie).
> Chez la femme, c’est la paroi antérieure du vagin, l’utérus, le col, les trompes et les ovaires qui seront retirés (c’est une pelvectomie antérieure).
La radiothérapie et la chimiothérapie pourront être indiquées pour empêcher la survenue de métastases lorsqu’une intervention chirurgicale s’avère impossible.
Cancer de la vessie : après l’opération
Si la vessie a dû être retirée par une opération, il va falloir trouver le système le plus adapté à votre mode de vie, afin que vous soyez le moins invalidé possible. Et alors comment uriner après une opération pour cancer de la vessie ?
Deux méthodes existent pour permettre aux urines d’être évacuées :
> La dérivation cutanée des urines (les urines s’écoulent par une poche de stomie).
On redoute évidemment cette solution. Même si des progrès considérables ont été faits ces dernières années pour les rendre très discrètes.
> La reconstruction d’un réservoir d’urines (pseudo-vessie) à partir d’un segment d’intestin grêle.
Il s’agit d’une chirurgie réparatrice qui peut rendre la vie plus agréable. Il faudra passer bien sûr par toutes les étapes de la rééducation, pour apprendre un nouveau contrôle des muscles et des nerfs.
Dans tous les cas, des examens réguliers seront nécessaires pour vérifier le bon fonctionnement des reins.
Eviter la récidive
Pour éviter une récidive d’un cancer de la vessie, certains médecins préconisent l’immunothérapie.
En fait, on utilise le BCG que vous connaissez bien puisqu’il est utilisé dans le vaccin contre la tuberculose (BCG pour Bacille Calmette Guérin). Son mode d’action dans la vessie reste assez mystérieux.
Il serait possible, cependant, que le BCG stimule l’immunité locale de la paroi vésicale qui pourrait alors rejeter les cellules tumorales.
Son efficacité est estimée à 60% dans les polypes superficiels récidivants et à 70% dans les cancers infiltrés.
Le traitement habituel est une instillation toutes les semaines pendant six semaines. Puis trois instillations chaque semaine, trois mois plus tard.
Cancer de la vessie : les conseils du médecin spécialiste
Questions au Dr Morgan Roupret, chirurgien urologue, praticien hospitalo-universitaire à la Pitié Salpetrière (Paris) qui donne ses conseils de médecin spécialiste…
Quel message avez-vous envie de faire passer en priorité ?
Arrêtez de fumer. Le tabac provoque autant ou quasiment autant de problèmes au niveau de la vessie qu’il n’en provoque au niveau des poumons. A ceci près que l’on en parle moins. Les femmes se sont mises à fumer, elles sont donc, aujourd’hui, quasiment aussi concernées par le cancer de la vessie que les hommes. Ce sont encore les hommes qui sont le plus touchés, mais d’ici peu au regard des habitudes et du tabagisme, les femmes le seront tout autant.
Un autre conseil ?
Deuxième message : faites-vous surveiller régulièrement. N’attendez pas les symptômes pour aller consulter un urologue ou votre médecin généraliste, régulièrement.
Lorsque les tumeurs sont découvertes à un stade précoce, un traitement efficace et curateur peut être mis en place.
Lorsque les polypes ont infiltré le muscle vésical, c’est plus compliqué et les chances de guérison diminuent d’autant.
Parmi les facteurs de risques : le tabac, mais pas seulement…
En effet. Les maladies professionnelles sont une cause importante de cancers de la vessie. Certaines professions sont plus exposées que d’autres. C’est le cas des peintres en bâtiment, des personnes qui travaillent sur les chantiers navals. Tous ceux qui sont confrontés aux hydrocarbures, au caoutchouc.
Le problème est que bien souvent, ces personnes fument également. Ensuite, lorsque le cancer de la vessie est découvert, il est difficile de faire reconnaître la maladie comme une maladie professionnelle. On a vite fait d’attribuer le cancer au tabac. Alors qu’il s’agit en réalité d’une maladie professionnelle.
Cancer de la vessie : le témoignage d’un patient
Le témoignage d’Arlette, 63 ans, touchée par un cancer de la vessie…
Comment avez-vous découvert votre cancer ?
C’était pendant l’été. Mon médecin généraliste était en vacances. Je me suis mise à avoir des espèces d’infections urinaires à répétition. Comme des cystites. En l’espace de quatre mois, j’en ai collectionné cinq ! Il faisait chaud. Au début, je me suis dit que c’est parce que je ne buvais pas assez. Cela arrive ces choses-là. J’en ai eu régulièrement des infections urinaires. Pas souvent. Mais au cours de la vie, plusieurs fois quand même. Donc, je ne me suis pas trop inquiétée au début.
Quand êtes-vous allée consulter ?
Au bout de la cinquième semaine quand même, je suis allée chez le médecin. Le remplaçant de mon médecin commence à s’inquiéter et trouve que ce n’est pas normal. Il me fait donc passer une échographie. Et là, surprise ! On découvre une grosseur dans ma vessie et qui bloque mon rein droit qui se retrouve tout atrophié. A partir de là, ça n’a plus arrêté.
C’est-à-dire ? Qu’est-ce que l’on vous a fait ?
Cela s’est enchaîné. L’ hospitalisation en urgence, puis en urologie. Une première opération pour sauver mon rein et faire une biopsie de la tumeur. Puis, une deuxième opération. Là, on m’a retiré la vessie, les ovaires, l’utérus et un morceau du vagin. Pas le choix. Moi, je pensais qu’on pourrait soigner ça avec de la chimithérapie ou de la radiothérapie. Mais il fallait absolument retirer la vessie. Je peux vous dire que j’ai tout fait pour discuter avec le chirurgien pour qu’il ne le fasse pas. Mais il m’a expliqué que c’était ça, ou je ne m’en sortirais pas. Bon. Quand on est obligé…
Quelle solution avez-vous pour uriner ?
En fait, on a reconstitué une nouvelle vessie avec un morceau d’intestin. Je me sonde par le nombril. C’est sûr que ce n’est pas terrible, mais on s’habitue. Cela dit, il m’a quand même fallu plusieurs mois pour m’y habituer. Je faisais de la rééducation. Bon… c’est vrai que j’ai du mal… encore maintenant. D’abord j’ai peur que ça s’infecte et il y a une espèce de honte. Je ne peux plus avoir de rapports sexuels. Je me sens totalement mutilée. Mais je suis vivante. Je pense que si on avait attendu encore un peu plus, je ne serais plus là pour apporter mon témoignage.
Vous fumiez ?
Oui. J’ai toujours travaillé dans un bar-restaurant. Et c’est vrai que depuis que j’ai 17 ans, je fume comme un homme. J’ai toujours bu un peu. Pas de problème d’alcoolisme, non. Mais la cigarette, ça oui. Et quand le médecin m’a dit qu’il fallait arrêter tout de suite, je ne voyais pas le rapport. Je ne savais pas que le tabac donnait ce genre de maladie. Je pensais que ça se limitait aux poumons. Et bien le plus dur dans tout ça, vous me croirez si vous voulez, ça a été d’arrêter de fumer. Avec tout le stress de la découverte de la maladie, j’avais encore plus envie de fumer. Pour l’instant, ça va. Je suis un peu dépressive. Ce n’est pas facile à vivre tout ça. Mais je m’accroche.
Cancer de la vessie : sources et notes
Auteur : Dr Ada Picard et Sylvie Charbonnier.
Consultant expert : Dr. Morgan Roupret, chirurgien urologue, praticien hospitalo-universitaire à la Pitié Salpétrière, Paris.
Sources :
– Pointreau Y et al. (2010) Cancer de la vessie, Cancer/Radiothérapie 14 Suppl. 1 (2010) S189-S197.
– Cancer de la vessie et risques professionnels, INRS, 2009.