Blues hivernal

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Un temps gris et froid dehors… un peu pareil du côté moral. Pas envie de se lever, ni de vraiment se bouger. Le coup de blues hivernal nous tombe dessus faisant comme une chape sur notre humeur.

Le blues hivernal est un trouble apparaissant majoritairement lorsque les journées raccourcissent, vers l’automne. Il peut continuer durant tout l’automne et l’hiver.

Manque d’énergie, troubles de l’humeur, difficultés à se concentrer, grosse fatigue… sont des symptômes du désordre affectif saisonnier (DAS). Le blues hivernal est physiologique, et principalement lié au manque de soleil et de luminosité typique des mois d’hiver.
Nous ne recevons pas la dose quotidienne de lumière qui permet à notre organisme de produire certaines hormones, comme la mélatonine et la sérotonine, responsables de la régulation des rythmes du sommeil et de l’humeur.

Les enquêtes montrent que nous avons presque tous une variation de notre humeur en hiver. Mais on considère que près d’une personne sur 10 présente un handicap en relation avec ce mal-être saisonnier. Il touche avant tout les femmes en âge de procréer, et dans une moindre mesure les personnes âgées et les enfants. Les personnes dont la profession les écarte de la lumière du jour, souffrent également plus souvent de ce blues hivernal.

Chez certains, ce blues hivernal a tendance à revenir de façon périodique, tandis que chez d’autres cela peut s’aggraver et évoluer vers une véritable dépression (déprime “saisonnière”). Et alors, comment se sortir du blues hivernal ? Découvrez cet article très complet rédigé avec un médecin psychiatre.

Blues hivernal : Les causes

Les causes du blues hivernal sont nombreuses et sont liées à différents facteurs dont l’horloge biologique, la sécrétion hormonale…

L’horloge biologique

Tous les êtres vivants sont régulés par une horloge biologique interne et dépendante de l’espèce. Chez l’Homme, ses effets sont spectaculaires, c’est la raison pour laquelle des mesures de changement d’heure sont prises deux fois par an (au mois de mars et au mois d’octobre). C’est également cette horloge interne qui fait tant souffrir les voyageurs qui parcourent les longues distances, et qui nécessite un temps d’adaptation au décalage horaire.

L’horloge interne a pour rôle de déterminer l’alternance de vos moments de veille-activité et de sommeil. Ce rythme jour/nuit qui en dépend, alterné par la journée (diurne) et la nuit (nocturne), est appelé rythme nycthéméral. Il englobe une période d’une journée de 24 heures, que l’on nomme cycle circadien.

Ces hormones qui dictent les activités

Sans rentrer dans les détails, il faut savoir qu’il y a principalement deux molécules qui rythment le cycle éveil/sommeil et par conséquent l’horloge biologique. Fabriquées par le cerveau, la mélatonine et la sérotonine joueraient un rôle prépondérant dans le blues de l’hiver.

La mélatonine est l’hormone naturelle du sommeil, tandis que la sérotonine est l’hormone du réveil, de la sensation de bien-être et plus globalement de la régulation de nos émotions.

L’autre nom de la sérotonine est l’hormone du bien-être, c’est dire à quel point son action est importante. Ces molécules sont liées entre elles car la sérotonine sert également à fabriquer la mélatonine.

Pourquoi votre humeur est-elle liée à la lumière ?

Simplement parce que vous la « voyez ». Votre première action au réveil est d’ouvrir les yeux. L’absence de lumière entraîne donc une baisse de la production de la sérotonine et une hausse de la fabrication de la mélatonine.

La synchronisation de ces deux événements, font qu’en cas de baisse de luminosité, vous pouvez être atteint de blues hivernal.

Pour établir un diagnostic de blues hivernal, on peut s’adresser à un médecin généraliste ou à un spécialiste (psychiatre). Il s’assure qu’il ne s’agit pas d’un problème plus grave, comme une véritable dépression saisonnière. Ou d’un autre problème : anxiété, angoisses, dépression…

Blues hivernal : Les symptômes

Un ensemble de symptômes doit vous faire penser à un blues hivernal :

La fatigue : malgré le repos et le respect du nombre d’heures de sommeil, vous êtes épuisé et ressentez une fatigue générale. Vous avez envie de rester sous la couette. Vous avez beau accumuler les siestes et les grasses matinées du week-end, vous êtes souvent somnolent.

Troubles du sommeil : paradoxalement, et malgré cette intense fatigue, il arrive que vous souffriez d’insomnies épisodiques ou que vous ayez du mal à émerger de votre nuit.

Aucune énergie : vous n’avez pas envie de travailler, rien ne vous tente. L’idée même d’entreprendre une activité vous épuise tellement à l’avance que vous abandonnez l’idée.

Appétence pour le sucré : l’arrivée du froid prédispose tout le monde aux envies d’aliments sucrés et gras. Cependant le blues hivernal décuple cette envie de vous nourrir exclusivement de repas lourds, gras et sucrés et de grignoter.

Variations de poids : le plus souvent une prise de poids.

Troubles de l’humeur : en plus de ces symptômes précédents, vous êtes irritable, vous ne vous sentez pas bien dans vos baskets, vous perdez vite patience, vous vous mettez souvent en colère, vous êtes angoissé, vous avez une baisse de la libido.

Difficultés à se concentrer : vous n’arrivez plus à travailler correctement et à rassembler toutes vos facultés intellectuelles pour réfléchir.

Le repli sur soi : vous n’avez pas envie de voir du monde, même pas vos proches.

Blues hivernal : La différence avec la dépression saisonnière

Le blues hivernal est un trouble entraînant un état dépressif d’intensité variable très probablement dû à la baisse de la lumière naturelle. Il débute le plus souvent à l’automne, lorsque le raccourcissement des journées est flagrant. Il s’atténue vers le mois de mars ou parfois vers avril/mai quand la nuit tombe plus tard.

Il faut différencier la dépression saisonnière du blues hivernal.

Le raccourcissement des journées et le manque de luminosité entraînent des troubles que l’on regroupe sous le sigle de TAS (ou SAD en Anglais) pour Troubles Affectifs Saisonniers (ou Seasonal Affective Disorder).

Parmi ces troubles saisonniers, la dépression saisonnière est un véritable état dépressif qui nécessite un suivi et une prise en charge médicale, tandis que le blues hivernal en est une forme très atténuée. Ceci n’est bien entendu pas une raison pour sous-estimer ce trouble et ne pas s’en préoccuper.

Blues hivernal : Les traitements

Les solutions pour se sortir du blues hivernal ne reposent pas sur de traitements médicamenteux, ni la mise en place d’une psychothérapie. On peut commencer par soigner son blues hivernal en changeant certaines habitudes de vie :

> Si vous êtes sujet au blues hivernal, et si vous avez une profession ou un emploi du temps qui le permet, commencez par déplacer vos horaires de façon à vivre le plus de temps possible calé sur la lumière naturelle. Dès le passage en heure d’hiver, essayez de vous réveiller plus tôt le matin, de façon à bénéficier dès votre réveil de la lumière du jour.

> Ne veillez pas trop tard la nuit. Profitez de vos soirées qui commencent tôt, pour lire, regarder des films que vous n’avez pas eu le temps de voir au cinéma.

> Essayez d’adopter une attitude positive : prenez soin de vous, ce n’est pas parce que vous êtes (déjà) engoncé dans des manteaux et des bottes que vous ne devez pas vous sentir séduisant(e). Prenez rendez-vous pour des soins du visage, des massages. Essayez de garder des activités culturelles et sortez dès que vous le pouvez afin de vous changer les idées.

> Chassez les idées sombres par le port de vêtements colorés. Mettez-vous à une activité sportive qui nécessite d’être pratiquée à ciel ouvert, afin de vous oxygéner. Mangez des fruits et légumes riches en vitamine C. Si vous savez que vous êtes sujet à ce type de blues hivernal, prenez conseil auprès de votre médecin ou de votre pharmacien pour une cure homéopathique, par exemple, en prévision de l’arrivée des saisons froides.

> Tout ce qui peut vous faire du bien au moral doit être accompli pour que le blues hivernal soit traversé le mieux possible.

> Les personnes âgées qui sortent moins fréquemment en raison de leurs difficultés à se mouvoir, doivent impérativement faire une promenade quotidienne.

> Si votre blues persiste, pensez à prendre rendez-vous chez un médecin. Cet état peut cacher une carence en vitamine D, dont la synthèse par la peau nécessite du soleil. Le médecin pourra peut-être vous prescrire un traitement comprenant de la vitamine D.

Lorsque toutes ces mesures s’avèrent insuffisantes, un traitement par luminothérapie peut être indiqué.

Blues hivernal : La luminothérapie

Ces dernières années sont apparues des techniques artificielles de luminosité. La luminothérapie, ou la photothérapie, est de plus en plus utilisée pour améliorer le blues hivernal.

Le principe est très simple et basique : il s’agit de s’exposer de quelques minutes à quelques heures par jour à une lumière d’intensité forte, proche de la lumière naturelle. L’unité de mesure de la lumière est le « Lux ». Pour avoir une indication de cette lumière, sachez qu’une journée nuageuse est mesurée à 2 000 lux, tandis qu’une journée ensoleillée en bord de mer est de 100 000 lux.

La luminothérapie consiste donc à s’exposer à une lumière dont la luminosité est la plus naturelle possible et dont l’intensité est variable en fonction de la durée d’exposition.

La plupart du temps, le traitement contre le blues hivernal consiste à s’exposer devant la source lumineuse délivrant 10 000 lux environ 30 minutes le matin, en débutant un peu plus tôt que l’heure du réveil naturel.

Attention à ne pas utiliser la luminothérapie quelques heures avant le coucher car cela risque de provoquer des troubles de l’endormissement.

Où puis-je bénéficier de la luminothérapie ?

Dans des centres de remise en forme type thalassothérapie, spa, voire dans certains centres d’ esthétique, mais aussi dans certains hôpitaux ou centres de soins. Si vous pensez en avoir l’utilité chaque saison d’automne/hiver, vous pouvez investir dans un appareil que vous utiliserez chez vous. Le coût de cet appareil est très variable allant de 60 à 500 euros.

En vente libre, ces écrans peuvent être également prescrits sur ordonnance, mais ne sont pas remboursés par la sécurité sociale. Vous pouvez les trouver dans des magasins d’électro-ménager ; ou de bien-être et/ou nature, voire dans certains hypermarchés au rayon électro-ménager.

Et si j’allume toutes les lampes chez moi, cela revient au même ?

Non, comme cela a été évoqué plus haut, il faut une luminosité qui tourne autour de 10 000 Lux pour atteindre ce sentiment de bien-être. Or même si vous utilisez un éclairage intense, il ne dépassera pas 500 Lux, ce qui est largement en dessous du seuil.

Et les simulateurs d’aube ?

Il existe des appareils qui font office de simulateurs d’aube. Programmé sur l’horaire que vous avez choisi. Il permet un éveil en douceur, quelques minutes à une heure avant le réveil, en faisant émerger dans la chambre une douce lumière, progressivement plus importante. Mais il ne s’agit là que d’un confort plus grand. Les simulateurs de l’aube ne délivrent jamais une intensité lumineuse suffisante pour que l’on puisse parler de luminothérapie.

Blues hivernal : Les conseils du médecin spécialiste

Interview du docteur Laurent Chneiweiss, médecin spécialiste, psychiatre.

Dans l’absolu comment peut-on faire la différence entre dépression saisonnière et le « simple » blues hivernal ?
Le blues de l’hiver est une accentuation modérée d’une saisonnalité que nous connaissons presque tous. Nous parlons de dépression saisonnière à partir du moment où il existe un handicap significatif : l’individu ne peut plus, malgré tous ses efforts, mener la même vie qu’avant. Il ne s’agit plus d’une difficulté à se lever le matin, mais d’un effort qui bien souvent, n’aboutit pas. Il ne s’agit plus d’une fatigue qui, malgré tout, permet d’effectuer la plupart de ses tâches quotidiennes, mais d’une véritable somnolence qui ralentit les gestes et l’esprit.

Pourquoi certaines personnes sont-elles plus sensibles à cette baisse de la luminosité ?
D’une manière générale, les troubles affectifs, qu’il s’agisse de dépression ou d’anxiété pathologique, touchent plus souvent les femmes. Les troubles affectifs saisonniers touchent à 80% des femmes, et dans la plupart des cas des femmes entre 20 et 50 ans. On considère globalement que les femmes dépressives sont deux fois plus nombreuses que les hommes dépressifs.

Peut-il être dangereux d’utiliser la luminothérapie ?
La luminothérapie ne comporte pas de danger. Seuls quelques patients présentant des pathologies rétiniennes extrêmement rares peuvent être gênés. Les lampes ne chauffent pas (donc pas de risque de dessèchement de la cornée), et ne diffusent pas de rayonnements ultraviolets (donc pas de risque pour la peau). Ce n’est pas une raison pour l’utiliser n’importe comment. La lumière est le signal qui permet de synchroniser le monde extérieur et l’horloge biologique interne. Ce signal passe par la rétine et il ne faut pas mettre de lunettes de soleil, sous peine de complète inefficacité. D’autre part, la lumière entraîne une importante stimulation. Il faut donc l’utiliser le matin. S’exposer le soir risque d’entraîner des insomnies.

Pouvez-vous donner quelques conseils à celles et ceux qui se savent sujets à ce blues ?
Si vous êtes sujet au blues de l’hiver, commencez à vous préparer en été. Faites de l’exercice physique le matin (le mieux reste le jogging), équilibrez votre alimentation en réduisant les graisses et ce que l’on appelait avant les sucres rapides. Toujours en été ou au printemps, prenez le temps de vous observer lorsque vous êtes fatigué. Faites la part des choses entre ce qui est possible de faire ou pas. Vous éviterez ainsi de céder à la tentation de penser en « tout ou rien » en hiver lorsque vous serez fatigué. La fatigue n’empêche pas de tout faire, elle ne gêne qu’une partie des activités.

Enfin, comme nous l’avons vu plus haut, la luminothérapie ne comporte pas de danger, et elle a montré son efficacité. Sa seule contrainte réelle est le temps nécessaire à passer devant la lampe : une demi-heure n’est pas toujours simple à trouver le matin. Mais c’est sûrement le meilleur investissement à réaliser.

Blues hivernal : Le témoignage d’un patient

Entretien avec Mina, 34 ans, qui nous livre son témoignage sur son blues hivernal…

Comment savez-vous que vous souffrez du blues hivernal ?
Je constate tous les jours de l’année que mon humeur est plus ou moins influencée par la météo et par l’ensoleillement. Plus le ciel est bas et gris, moins je me sens entreprenante. C’est surtout le manque de luminosité, plus que le manque de chaleur, qui me perturbe. Un beau temps froid mais ensoleillé peut m’enchanter alors qu’un ciel plombé, même sous une température clémente va me donner envie de rester sous la couette.

Ce qui me désespère, c’est l’arrivée de l’automne, les premiers frimas, les feuilles qui tombent, la sensation d’entrer dans un long tunnel interminable où vont se succéder d’innombrables journées mornes et grises. Me lever sans soleil, sortir du métro alors qu’il fait encore nuit, sortir de mon travail alors que le soleil est déjà couché, allumer les lumières dès 16 heures, je ne comprends pas comment on peut trouver ça supportable. J’ai l’impression que mon corps et mon esprit sont totalement inaptes à endurer de telles conditions, je ne sais pas comment font les nordiques pour vivre avec 3 heures de lumière par jour l’hiver !

Comment se manifeste votre blues hivernal ?
Cela se ressent sur mon humeur, je broie plus facilement du noir, je suis plus irritable, plus sensible aussi, les idées sombres me viennent davantage, je pleure plus facilement, j’ai beaucoup de mal à positiver, j’ai l’impression de courir après l’horloge car je sais qu’une fois la nuit venue je me sens totalement vidée de mon énergie. Pourtant j’aime la nuit, mais pas cette nuit-là, pas cette nuit qui tombe dès 16h et persiste jusqu’à 9h, cette nuit-là je la déteste.

Alors, vous hibernez ?
Je ne pars jamais en vacances l’hiver, je sais que je n’en profiterai pas, ou alors il faut que je change d’hémisphère. Je guette les minutes de soleil perdues lorsque je regarde la météo et j’ai l’impression que ce sont des minutes de vie qu’on me confisque. Dès que la tendance s’inverse et qu’on regagne des minutes d’ensoleillement, je commence à reprendre du poil de la bête, mais il est rare que je me sente sortie d’affaire avant le passage à l’heure d’été !

Que faites-vous pour y remédier ?
Pas grand-chose, j’essaie de mettre des couleurs dans mon appartement pour compenser la grisaille ambiante, je prends des vitamines, je lutte contre mon envie permanente d’hiberner jusqu’au printemps en me forçant à sortir le soir. Depuis que je suis maman, je m’écoute moins aussi, et je découvre qu’une nuit qui tombe tôt ça peut être un avantage pour aider son enfant à trouver le sommeil. Trouver un côté positif à une nuit précoce, je ne m’en serais jamais crue capable avant ! J’ai pensé à la luminothérapie, mais je n’ai pas encore essayé, j’ai des doutes sur l’efficacité d’une lumière artificielle, ce qu’il me faut c’est la lumière du jour, la vraie !

Blues hivernal : Sources et notes

– L. Chneiweiss, C. Gronfier, En finir avec le blues de l’hiver, Editions Marabout, 2010.
– Lam R.W., Tam E.M., A clinician’s guide to using light therapy, Cambridge Medicine, 2009.
– Episode dépressif isolé de l’adulte, recommandations, HAS, 2002.

Auteur : Ladane Azernour Bonnefoy.
Consultant expert : Dr Laurent Chneiweiss, psychiatre.

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