Aucune future maman n’est à l’abri d’un accouchement prématuré. En France environ 8% d’enfants naissent avant terme. Un enfant prématuré est un enfant fragile, petit, parfois à peine viable. Certaines de ses fonctions vitales peuvent être immatures, selon le stade de cette prématurité.
Il existe plusieurs stades à la prématurité. Le plus souvent, les conséquences sur le long terme sont plus ou moins importantes selon le degré de prématurité du bébé. Un enfant peut aussi bien rattraper son retard rapidement (en environ 3 ans) et se développer comme un bébé arrivé à terme, ou bien garder des séquelles à vie.La prise en charge médicale sera bien sûr différente selon le stade de prématurité de l’enfant. Et la séparation parfois longue, est difficile pour les parents d’un bébé prématuré.
L’enfant de son côté a encore un combat pour la vie à mener et le soutien de la mère et du père lui sera d’une grande aide.
Comment protéger ces nouveau-nés et les amener “à terme” en dehors du ventre de leur mère ? Comment s’opère la prise en charge dans les établissements spécialisés ? Et enfin, quelle est la place accordée aux parents devant des soins souvent lourds et hyper-médicalisés ? Réponse à toutes ces questions qui concernent en France plus de 60 000 bébés prématurés par an.
Auteur : Sylvie Charbonnier.
Consultant expert : Dr Georges Picherot, chef du service de pédiatrie au CHU de Nantes.
Entretien réalisé en janvier 2013.
Bébé prématuré : le rôle primordial des parents : Témoignage d’une maman
Carine, 34 ans, est mère d’Enzo, né avant terme.
Vous êtes la maman d’un petit Enzo né prématuré. Quelle est votre histoire ?
J’ai fait une fécondation in vitro avec micro-injection. Autant dire que dès le début, ça a été difficile. Mais, ça a marché. J’ai été enceinte de deux bébé. Malheureusement le bonheur n’a pas duré très longtemps. J’ai dû accoucher en urgence à 28 semaines. L’un des deux bébés est mort à la naissance.
Le deuxième, Enzo, est né à 1 kg 110. Cela a été terrible. D’abord, la mort de l’un des bébés, puis l’angoisse pour le deuxième. C’était terrible, je le voyais, tout petit dans sa couveuse.
Quelle était votre impression ?
C’était très impressionnant. On aurait dit un fœtus plus qu’un nouveau-né. Sa peau était transparente, on voyait les veines. Il semblait tellement fragile ! Il était intubé pour respirer. Il avait une sonde pour s’alimenter et une perf. C’était l’angoisse tout le temps et j’avais peur de ne jamais pouvoir le ramener à la maison.
Toute l’équipe soignante était super sympa avec moi, mais sur les pronostics, ils ne s’avançaient pas trop. Ils me disaient juste qu’un jour de plus, c’était un jour de gagné. Une leçon de sagesse, vraiment !
Et votre moral ?
Mon moral allait avec des hauts et des bas. Quand mon bébé allait bien, moi aussi, je reprenais confiance. Quand il avait des soucis, qu’il était fatigué, je m’effondrais. Et il a eu des tas de problèmes. Une infection au niveau de son cathéter. Les médecins ont heureusement pu identifier la bactérie. Mais je me souviens, il faisait régulièrement des bradycardies. La machine se mettait à sonner, ça me terrifiait quand son cœur se ralentissait. Et puis, au bout de deux mois, il a eu une septicémie. Là, j’ai vraiment cru que j’allais le perdre. Mais il a été transfusé, il s’est rétabli, et il est resté intubé pendant plus de deux mois et demi. Et puis, il y avait des jours où il était en pleine forme. Je crois qu’il avait vraiment envie de vivre, de se battre. J’essayais de lui faire passer ça, comme je pouvais. De lui faire sentir combien j’avais besoin de lui. Besoin qu’il reste en vie. Après quatre mois d’hospitalisation, il a pu sortir, sans oxygène.
Comment s’est passé, pour vous, le temps de l’hospitalisation ?
Je pourrais résumer en disant que je connais très bien le chemin qui mène de la néo-nat’ aux soins intensifs ! On a fait les allers-retours un certain nombre de fois.
Au début, il y a eu le choc de la mort du premier bébé et l’angoisse pour le deuxième. Les médecins et tous les soignants étaient vraiment sympas. D’ailleurs on est resté longtemps en contact. Ils savaient l’angoisse que je pouvais éprouver et ils étaient rassurants. Pas dans leurs paroles, mais dans leur présence. Ils prenaient le temps d’expliquer. Ils me laissaient approcher ou voir mon bébé quand je le voulais.
Je faisais les allers et retours entre la maison et l’hôpital. En fait, quand j’étais chez moi, je tournais en rond. Je me demandais ce qui se passait là-bas. S’il allait bien. Alors, je repartais. Et je restais près de lui, à le regarder.
Et comment ce sont passés les premiers contacts physiques avec lui ?
Je n’osais pas trop le toucher. J’avais peur. Il était si petit. Et puis, j’avais peur de lui transmettre des microbes. En fait, son père arrivait mieux que moi à le prendre. C’est quand je voyais un autre bébé, né à terme, que je me rendais compte à quel point le mien était petit. Les infirmières m’avaient conseillé de lui donner un objet à moi, avec mon odeur, un foulard. Et je lui parlais beaucoup, je lui chantais des chansons.
C’est vraiment une épreuve. Une leçon de courage, de patience. Une leçon d’amour aussi.
Bébé prématuré : le rôle primordial des parents : Une prise en charge adaptée
Les médecins français ont beaucoup réfléchi et travaillé sur un meilleur accueil des bébés prématurés et de leur famille. En effet, si les apports techniques sont indispensables à la survie d’un bébé prématuré, le lien affectif avec ses parents compte également beaucoup pour son évolution.
Des maternités adaptées aux risques
Il est très important de choisir le lieu de naissance du bébé, en fonction de la prise en charge spécifique qu’il pourra y recevoir. En cas de naissance très précoce, il faudra choisir une maternité équipée d’un service de réanimation, par exemple.
Les maternités sont classées en différents niveaux, en fonction des soins apportés au bébé :
- Maternité de niveau 1 : C’est la majorité des maternités. Elles accueillent les futures mamans dont la grossesse est, a priori, sans risque.
- Maternité de niveau 2 : Ces maternités possèdent un service de néonatalogie et de soins intensifs néonatals sur place ou à proximité. Elles peuvent accueillir des prématurés de 33 semaines et plus.
- Maternité de niveau 3 : Ces maternités disposent d’un service de réanimation néonatale et sont spécialisées dans le suivi des grossesses pathologiques (hypertension artérielle sévère, diabète, etc.) ou multiples. Ces établissements accueillent des prématurés de moins de 33 semaines.
Il est donc très important, avant l’accouchement, de choisir une maternité adaptée à votre cas. Sachant que toutes les maternités sont équipées, quelque soit leur niveau, d’un bloc obstétrical. Sachant également que toutes les maternités disposent d’un anesthésiste-réanimateur, d’un pédiatre, de sages-femmes. Dans l’immense majorité des cas, l’équipe médicale n’est pas réduite dans les maternités de niveau 1. Ce choix de la maternité sera bien sûr guidé par la sage-femme et le médecin qui vous suivent lors de la grossesse.
Des réseaux de prise en charge
Un peu partout en France se sont développés des réseaux de prise en charge et de surveillance des enfants prématurés et de leurs parents. Ce sont des sages-femmes, des puéricultrices, des pédiatres, des obstétriciens, des psychologues, des orthophonistes et des kinésithérapeutes qui mettent en commun leurs compétences qui collaborent ensemble, sur des protocoles communs, pour mieux prendre en charge le suivi des bébés et pour bien aider les parents.
Les réseaux sont représentés par des équipes soignantes qui travaillent ensemble, mais aussi des établissements qui mettent leurs équipements en commun, pour une meilleure prise en charge.
Bébé prématuré : le rôle primordial des parents : L’implication des parents
Se retrouver, dès la naissance, séparé de son bébé, c’est un vrai cauchemar pour les parents. Et sûrement pour l’enfant…
Si autrefois les parents étaient plutôt considérés comme gênants par l’équipe soignante, ils sont aujourd’hui considérés comme l’élément indispensable pour une bonne prise en charge de l’enfant. Les parents sont maintenant invités à participer activement aux soins. Leur rôle est central et ils sont aidés par les professionnels pour effectuer les mêmes gestes, les mêmes techniques sur leur enfant. Non seulement cela est indispensable à l’établissement d’une relation harmonieuse entre les parents et le bébé, mais cela est également nécessaire pour la prévention des séquelles relationnelles.
- Les unités Kangourou
Les unités Kangourou sont ces services où parents et enfants sont hospitalisés ensemble. Les hospitalisations ne durent généralement pas plus d’un mois. Mais, ces hospitalisations familiales permettent de créer des liens, des rythmes familiaux, indispensables au développement du nouveau-né. Les soins Kangourou sont nés en Colombie, à la fin des années 70. C’est le « peau à peau ». Au départ, ces soins étaient destinés à pallier le manque de moyens dans les hôpitaux colombiens. Pas assez de couveuses : on demandait aux mères de garder leur bébé prématuré contre elles, dans leur chaleur à elles.
Depuis quelques années, se sont développées dans des services de néonatalogie français, des unités Kangourou où mère et enfant ne sont pas séparés. La couveuse est installée dans la chambre de la maman. Ce sont les soignants qui se déplacent jusqu’à la mère et non l’inverse.
- Le système Nidcap
Le système Nidcap (Neonatal Individualized Developmental Care Assessment Program) vient des Etats-Unis et existe en France depuis une dizaine d’années. Il s’agit de considérer le bébé comme l’acteur principal de sa propre guérison et d’envisager ses parents comme des collaborateurs actifs.
Concrètement, la priorité est donnée à la qualité de vie du bébé et de sa famille : un environnement moins agressif, une attention plus grande à sa douleur, une alimentation adaptée à sa vie à venir. Les rythmes du bébé sont respectés. Les couveuses sont placées dans des pièces tamisées. La présence des parents est recommandée. Les frères et sœurs sont également les bienvenus (à condition qu’ils ne soient pas porteurs d’une maladie contagieuse, bien sûr). Le peau à peau est pratiqué. L’allaitement maternel est encouragé. Les parents peuvent (en prenant certaines précautions d’hygiène) manipuler leur enfant, l’embrasser, jouer avec lui. Ils peuvent introduire des objets à eux dans la couveuse.
Les bruits familiers sont favorisés : par exemple, on peut enregistrer la voix des membres de la famille et les faire entendre à l’enfant, dans sa couveuse. Installer de la musique douce peut également être très bénéfique selon certaines études.
Le retour à la maison
Certains parents attendent ça parfois pendant plusieurs mois. Le retour à la maison, après des semaines de couveuse et d’ambiance médicale, ce n’est pas toujours facile. Les parents ne se sentent pas toujours à la hauteur. Pourtant, si les médecins vous autorisent à rentrer chez vous avec votre bébé prématuré, c’est que tout va bien. C’est que vous pouvez faire avec lui, comme avec un bébé normal.
Surtout, n’essayez pas de recréer, chez vous, l’univers aseptisé de l’hôpital. Ne le surprotégez pas trop. Il a besoin de se sentir rassuré pour bien grandir. Il vous faudra seulement bien vous laver les mains avant de le manipuler, éviter les transports en commun un certain temps, de même que les animaux domestiques ou les personnes portant certaines maladies contagieuses (rhume, grippe…).
Mais surtout, sachez que vous n’êtes pas tout seul. Les réseaux sécurité-naissance sont là pour vous aider. Avant la sortie d’hôpital, l’équipe soignante aura informé votre médecin traitant pédiatre ou généraliste, des soins particuliers à apporter à votre enfant. Votre médecin traitant deviendra donc votre premier référent. Une surveillance médicale régulière vous permettra de vérifier la bonne croissance de votre bébé et de dépister, suffisamment tôt, d’éventuelles séquelles que votre enfant pourrait avoir.
Et n’oubliez pas que, ce dont il a besoin en priorité, c’est d’amour et de tendresse. Rien ne vous empêche de pratiquer la méthode Kangourou à la maison et de le garder peau contre peau. Les câlins sont l’un des meilleurs médicaments !
Bébé prématuré : le rôle primordial des parents : Les conseils du pédiatre
Les conseils du docteur Georges Picherot, chef du service de pédiatrie du CHU de Nantes.
Quels conseils pourriez-vous donner aux parents d’un bébé prématuré ?
Il faut qu’ils connaissent l’importance de leur rôle. Les parents sont les premiers soignants d’un prématuré. Ils sont son premier soutien. Notamment la maman. Il est indispensable qu’elle puisse établir tout de suite, dès la naissance, un lien privilégié avec son enfant.
Autrefois, on considérait que les parents étaient une source d’infection pour le bébé prématuré. Les parents n’infectent pas leur bébé, au contraire, ils sont indispensables à la bonne vie de leur enfant. L’attachement, le lien de la mère et de l’enfant sont primordiaux pour l’enfant. Et quand les parents sont fatigués, stressés, inquiets, perturbés par une hospitalisation angoissante, ils doivent être aidés, soutenus.
Mais quand un enfant se retrouve en couveuse pendant des semaines, le contact n’est pas facile.
C’est vrai. Un bébé prématuré, c’est fragile. Jamais, le contact ne sera le même qu’avec un enfant né à terme. Certains parents se sentent démunis face à un bébé tout petit, oxygéné par des tuyaux, nourri par des sondes, dans une couveuse. C’est normal. C’est à l’équipe soignante de les impliquer, de les rassurer. Il faut apprendre à ces parents les gestes simples qui leur permettront d’être en lien avec leur enfant. Et il faut privilégier la relation affective. C’est indispensable pour l’enfant. Cela peut diminuer les séquelles. Les services de néonatalogie sont formés pour ça. Le personnel est très disponible. On sait aujourd’hui l’importance de l’affectif chez le nouveau-né. Les liens doivent pouvoir se tisser, malgré l’environnement médical indispensable.
Et pour le retour à la maison, quels conseils ?
Il faut que les parents se sentent le plus rassurés possibles. Pour cela, les réseaux d’aide sont là sur le long terme. Lorsque l’enfant rentre à la maison, sa vie doit être la plus normale possible. Si les parents sont angoissés, ils doivent pouvoir faire appel aux équipes soignantes des réseaux, à n’importe quel moment, dans n’importe quelle circonstance. Le relais se fait par l’intermédiaire du pédiatre ou du généraliste qui aura été mis au courant du dossier particulier par l’équipe soignante hospitalière. Des réunions sont organisées régulièrement aussi pour les parents qui le souhaitent. En France, les choses bougent beaucoup dans le domaine de la prématurité. D’abord la technique permet de sauver des enfants très petits. Mais aussi, justement, on connaît maintenant l’importance de l’implication des parents dès la naissance.
Sources et notes
– Le grand livre de la ma grossesse, Collège national des gynécologues obstétriciens français, Eyrolles, 2014.
– Beyssac-Fargues C., Le bébé Prématuré, Albin Michel, 2000.