Apathie : comment la reconnaître ?

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Terme venant du grec « apatheia », qui signifie « sans sentiment », l’apathie est une forme d’indolence et d’indifférence à l’environnement parfois poussée jusqu’à l’insensibilité complète.

Cette abrasion affective caractéristique de l’apathie est associée à une perte d’initiative et de motivation résultant en la réduction de comportements dirigés vers un but. Le sujet est comme éteint, vidé de toute passion.

Désertée par les émotions et par la moindre impulsion à agir, voire à réagir face aux évènements de la vie quotidienne, la personne victime d’apathie subit un manque d’intérêt pour toutes les activités, une diminution de sa productivité, une perte d’aptitude professionnelle et une moindre propension à interagir sur un plan affectif.

Les conséquences de l’apathie sont donc véritablement handicapantes, aussi bien pour le sujet lui-même que pour son entourage socio-familial, vis-à-vis de qui il peut représenter un véritable fardeau.

Mais si le sujet souffrant d’apathie est plus dépendant, moins actif, moins productif et plus nonchalant :
Attention à ne pas considérer ces caractéristiques comme des traits de caractère, d’autant plus que cet état est récent.

Il s’agit bien de signes pouvant alerter vers une véritable maladie !

En raison de leurs ressemblances, il n’est pas toujours évident de faire la distinction entre apathie et dépression.

Cependant, quelques signes permettent de faire la différence entre ces deux entités pathologiques.

Contrairement à la dépression, l’apathie est caractérisée par :

  • une abrasion des émotions, beaucoup plus rare dans la dépression ;
  • une anosognosie, c’est-à-dire l’absence de reconnaissance de la maladie ;
  • un retrait social passif, autrement dit non recherché ;
  • l’absence d’auto-dévalorisation et d’auto-culpabilité ;
  • l’absence d’expression de tristesse ou de désespoir ;
  • l’absence de troubles de l’appétit ou du sommeil ;
  • l’absence d’idées suicidaires.

Tandis que le sujet dépressif se caractérise par une hyper-expressivité émotionnelle, en regard des évènements funestes et une reconnaissance relative de sa pathologie.

La personne victime d’apathie ne réagit pas plus aux évènements positifs qu’aux évènements négatifs, ni n’exprime de souffrance relative à son état.

Apathie : les causes

Grâce à l’imagerie médicale (scanner, IRM…), des anomalies neurobiologiques ont pu être constatées et mises en cause dans l’apathie. Les circuits neuronaux concernés font intervenir principalement deux hormones : la dopamine et l’acétylcholine.

Cette atteinte se concentre sur une zone du cerveau nommée le cortex orbito-frontal. Les circuits neuronaux atteints dans l’apathie sont impliqués dans les processus de motivation, en ce qu’ils constituent une interface entre les émotions, la prise de décisions et l’action.

En conséquence, la personne atteinte d’apathie éprouve une moindre réactivité émotionnelle face aux stimuli environnementaux, ainsi qu’une moindre sensibilité à la récompense. Étant dans l’impossibilité de mesurer les conséquences émotionnelles d’une éventuelle action, le sujet reste englué dans l’absence de prise de décisions.

Les causes de l’apathie sont diverses et liées à des pathologies responsables d’un dysfonctionnement de la zone cérébrale impliquée dans la motivation.

En fonction de chaque pathologie, l’expression de l’apathie peut trouver des nuances dans la mesure où elle dépend des modalités d’atteinte des circuits neuronaux.

Les maladies psychiatriques

L’apathie est un symptôme très fréquent de la schizophrénie. Présente dans plus de 50% des cas, elle fait partie des symptômes dits ‘négatifs’, terme utilisé pour désigner les symptômes responsables d’un retrait de la vie sociale.

Si la schizophrénie est souvent assimilée à une bizarrerie du comportement et à l’expression d’éléments délirants (tels que les hallucinations), les symptômes dits “négatifs” majoritairement représentés par l’apathie restent peu connus. Or, ils sont fréquents, et leur intensité est directement liée à un handicap socio-familial plus important. Ils peuvent être partiellement ou totalement amoindris par les traitements antipsychotiques prescrits dans la schizophrénie.

Dans environ 50% des cas, le trouble bipolaire, la cyclothymie et le trouble de stress post-traumatique peuvent être responsable d’apathie.

Les démences

Les démences sont des maladies liées à l’âge causées par une dégénérescence progressive des cellules nerveuses.

  • La maladie d’Alzheimer : l’apathie est un symptôme fréquent de la maladie d’Alzheimer, observable dès le début de la maladie et corrélée à son avancement. L’apathie est présente dans près de 3/4 des cas.
  • La maladie de Parkinson : la maladie de Parkinson elle est observée dans plus d’1/4 des cas. Si l’apathie apparait associée à l’intensité des troubles cognitifs exécutifs (difficulté d’organisation, de planification de la vie quotidienne, etc.), elle ne serait pas liée à la sévérité des troubles moteurs.
  • La démence fronto-temporale : l’apathie fait partie des signes initiaux les plus fréquents, et sa sévérité dépend de l’importance de la perte des neurones. L’apathie est observée dans 70% des cas, tous stades confondus.
  • La paralysie supra-nucléaire progressive : c’est une maladie neuro-dégénérative rare responsable d’une apathie dans environ 70% des cas.

Les autres maladies neurologiques…

Toute maladie susceptible d’atteindre le cerveau (maladie de Huntington, traumatisme crânien, accident vasculaire cérébral, démences diverses, infections, etc.) peut être responsable d’une apathie, dans le cas d’une atteinte de la zone cérébrale impliquée dans la motivation.

Les causes toxiques ou médicamenteuses

Les causes médicamenteuses : certains médicaments, comme les neuroleptiques (autrement appelés antipsychotiques) ou certains antidépresseurs, peuvent être responsables d’une apathie.

Si cet effet secondaire devient handicapant pour la vie quotidienne, il est préférable, dans la mesure du possible, de modifier le traitement.

Les causes toxiques : la dépendance, ainsi que l’abus d’alcool et de cannabis peuvent être responsables d’une apathie.

Outre les conséquences d’une consommation de toxiques, l’apathie peut être une des manifestations du sevrage à certains psycho-stimulants (cocaïne, amphétamines, etc.).

Apathie : les traitements

Il n’existe aucun traitement défini de l’apathie. Cependant, en fonction de la cause, certains médicaments ont démontré leur relative efficacité.

Les médicaments efficaces sur l’apathie sont ceux qui stimulent l’activité neurobiologique de la dopamine et de l’acétylcholine.

Il s’agit d’inhibiteurs de l‘acétylcholinestérase prescrits dans le cadre de certaines démences telle que la maladie d’Alzheimer ; les agonistes dopaminergiques, utilisés notamment dans la maladie de Parkinson ; et enfin les psychostimulants tels que le méthylphénidate.

D’autres interventions non médicamenteuses peuvent être utiles pour atténuer le handicap secondaire à l’apathie, telles que les méthodes comportementales, les aides psycho-sociales, ou encore l’éducation et l’information de la famille.

Si vous constatez les symptômes d’une apathie chez un proche, qu’il soit jeune ou plus âgé, il est conseillé de l’amener à consulter son médecin traitant, voire d’en informer ce dernier si votre proche refuse de se rendre à la consultation. Le cas échéant, une visite à domicile pourra s’avérer nécessaire.

Le médecin pourra confirmer ou non ce symptôme à l’aide d’échelles d’évaluation, rechercher la cause, et proposer un bilan médical et/ou un rendez-vous chez un spécialiste, le plus souvent chez un psychiatre ou chez un neurologue. Le traitement, s’il est nécessaire, sera ensuite adapté à la cause de l’apathie.

Apathie : sources et notes

> Benoit M, Robert P. Aspects cliniques et neurophysiologiques de la dépression et de l’apathie. L’encéphale, 2007, 33 cahier 3.

> Dujardin K. Apathie et pathologies neuro-dégénératives : physiopathologie, évaluation diagnostique et traitement. Revue Neurol, 2007; 163:5.

> Del-Monte J, Capdevielle D, Gély-Nargeot MC et al. Evolution du concept d’apathie : nécessité d’une approche multifactorielle dans la schizophrénie. L’encéphale, 2013.

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