L’addiction au sexe est une réelle maladie, parfois valorisée, d’autres fois ridiculisée… Il reste qu’être sex-addict cause une souffrance pour soi-même et pour l’entourage. Le Dr Larent Karila, psychiatre addictologue et porte-parole de SOS addictions, décrit avec clarté cette maladie particulière.
L’addiction au sexe cause une réelle souffrance psychologique et peut entrainer de tristes conséquences : problème de boulot (rater une présidence de la république par exemple !), soucis de couple, et bien sûr les maladies sexuellement transmissibles (MST).
Il y a différents types de sex addict. Les motifs les plus frequents de consultation sont la masturbation compulsive et la sexualité en ligne incluant la cyberdépendance pornographique. Mais il n’y a pas que ça… Tubes Porno, streaming, webcams, jeux de rôles sexuels sur internet, escorts sur sites de rencontre ou petites annonces, clubs, partenaires d’un soir géolocalisé(e)s, orgies, sex dates… Les moyens utilisés par les sex addicts sont désormais nombreux. Un vrai Sex Menu (virtuel ou réel) pour gratification immédiate !
Même si l’addiction au sexe ou le “trouble hypersexualité” ne figure pas dans les classifications de l’Organisation Mondiale de la Santé (CIM-10) et de l’Association Américaine de Psychiatrie (DSM-5), des patients et des patientes se présentent en consultation pour se libérer de ces comportements sexuels excessifs, incontrôlables, chronophages.
Il n’y pas de données chiffrées de l’addiction au sexe. Les études disponibles nord-américaines et néo-zélandaises se focalisent surtout sur les comportements sexuels compulsifs : 3 à 6% de la population serait touchée ! Ce qui n’est pas rien…
Addiction au sexe : les causes
Les causes de l’addiction au sexe sont diverses et sont semblables à celles des addictions.
À la fois d’origine psychologique, environnementale et neurobiologique, l’addiction au sexe est multifactorielle. Quant aux causes déclenchantes du comportement sexuel addictif, elles sont multiples et dépendent de chaque personne. Cependant, le cycle symptomatique du sex addict est assez stéréotypé. N’importe quel événement peut déclencher le cycle addictif : de la joie, de l’euphorie, de la tristesse, de l’anxiété, une contrariété, un moment de récompense… Une sensation de pression interne est alors ressentie à l’intérieur de soi. On a envie de… Et on ne voit pas d’autres issues que l’acion. On appelle cela l”acting out”.
Le sex addict effectue une action au lieu d’y résister ou de maîtriser ses pulsions. Au-delà des règles sociales et sous différentes formes, il peut avoir l’impression de contrôler la situation. Ce qui n’est évidemment qu’une impression…
Le sex addict surfe sur les tubes pornos, les sites de rencontre, les sites spécialisés, télécharge sur internet, regarde en streaming des extraits de films X, passe d’une image à l’autre jusqu’à atteindre quelque chose d’ultime. Il y a les webcams aussi, ou encore les endroits où se pratique du sexe sans limite. Cette phase d’action est chronophage (des heures à chercher, à chater, à draguer…). Elle peut être source de dépenses d’argent aussi ! La période entre le facteur déclenchant et le passage à l’acte peut durer de nombreuses heures. L’étape suivante est le passage à l’acte sexuel, à savoir jouir, éjaculer. Ce moment n’est pas le plus apprécié par le sex addict car il existe très fréquemment une triade symptomatique associant culpabilité, honte, et désespoir.
Le sexe, en tant que tel, n’est vraiment plus un plaisir ! Le cycle s’achève par une phase résolutive plus ou moins variable dans le temps (quelques minutes, heures, voire jours) jusqu’au prochain facteur déclenchant…
Addiction au sexe : les symptômes
Les symptomes de l’addiction sexuelle sont variés avec des comportements sexuels qui changent d’une personne à l’autre.
Ce qui définit l’addiction au sexe est la répétition du comportement dans le temps, pendant plus d’un an, avec des pensées sexuelles obsédantes et, ce qu’on appelle, un “filtre sexuel” : les pensées et les relations sociales sont parasitées par des images sexuelles et entraînent un trouble de la concentration. Autre critère qui définit l’addiction au sexe : la perte de temps et de contrôle.
Comme dans les autres addictions, il existe un craving – envie irrépressible de sexe – et une tolérance : on a besoin d’augmenter les doses de supports sexuels pour atteindre le plaisir. La vie sexuelle, focalisée sur certaines activités, est dissociée de la vie amoureuse.
Il existe également des symptômes de sevrage lorsque le sujet ne peut pas consommer : anxiété, insomnie, fatigue, sueurs, nausées, accélération du rythme cardiaque et de la fréquence respiratoire. Fait important, le sex addict ne souffre pas de paraphilie associée (pédopornographie, exhibitionnisme, frotteurisme…). En effet, l’existence d’une perversion sexuelle exlue le diagnostic.
Les différents comportements sexuels
Les motifs les plus fréquents de consultation sont la masturbation compulsive, et la sexualité en ligne incluant la cyberdépendance pornographique. Parmi les autres formes cliniques de l’addiction au sexe, on peut retrouver les relations sexuelles multiples et compulsives (avec des prostituées, des escorts, des relations extra conjugales, du sexe non protégé et répété avec des partenaires multiples), le Sex-Phone (usage compulsif du téléphone pour des conversations sexuelles, masturbation, dépenses excessives, multiples abonnements à des sites en lien avec du sexe), la séduction avec recherche compulsive de partenaires.
Les conséquences de l’addiction au sexe
L’utilisation excessive de pornographie chez le sex addict peut avoir un impact négatif sur la relation de couple avec une diminution de la confiance dans la relation, une diminution des relations sexuelles dans le couple, une diminution de l’érection, une augmentation des critiques concernant le corps du partenaire, des tensions conjugales.
Les risques d’infections sexuellement transmissibles liés aux rapports sexuels à risque, non protégés (VIH, chlamydiose, gonococcie, syphilis…), les risques de grossesse non desirée sont possibles. L’addiction au sexe peut être associée à la dépression, à l’anxiété, à des difficultés relationnelles et d’intimité, à des problèmes professionnels, à des pertes financières, à une diminution de la satisfaction sexuelle, à une diminution de l’intérêt pour les activités sexuelles hors ligne, à de la honte, de la culpabilité, de la solitude, et à une baisse de l’estime de soi. Des co-addictions au tabac, à l’alcool ou à des drogues illicites sont fréquentes chez le sex addict.
Addiction au sexe : les traitements
Les traitements de l’addiction au sexe sont multimodaux. Ils se focalisent sur le sujet, le sexe, l’addiction, le couple et les problèmes associés.
Parmi ces traitements, la thérapie cognitive et comportementale figure de manière prioritaire. Elle aide à retrouver du plaisir, différemment, à se faire plaisir, à travailler sur la gestion du temps, du contrôle. Mais aussi à faire face aux envies irrépressibles de sexe, à les éviter et à trouver des stratégies alternatives, à développer des activités de loisirs afin de réduire la solitude par exemple, à apprendre à explorer, traiter et résoudre les difficultés autrement, etc.
Il faut également travailler sur la réduction des comportements sexuels à risque.
Au niveau sexuel, différents points doivent être abordés comme la clarification de la pratique de la masturbation, des fantasmes, et du matériel sexuellement explicite. Le thérapeute doit aider le sex addict à diminuer le sentiment de honte et de culpabilité associés à ces pratiques. Ensuite, il est important d’accompagner l’individu à une sexualité positive incluant la sensualité, l’intégration des limites et des compétences sexuelles permettant de donner et d’avoir du plaisir. On peut aussi, lors de la thérapie, insister sur la connaissance de l’intimité et la gestion de celle-ci.
Une thérapie de couple est le plus souvent nécessaire. Une fois stabilisé(e) sur le plan des symptômes sexuels addictifs, une psychanalyse peut s’envisager afin d’explorer les problèmes de fond.
Les traitements pharmacologiques, notamment les antidépresseurs sérotoninergiques (hors AMM) qui visent à réduire la compulsion sexuelle, peuvent être envisagés si la TCC est insuffisante. Il faut également traiter les problèmes de santé physique, et/ou psychique associés. Enfin, les groupes d’auto-support comme Dépendants Affectifs et Sexuels Anonymes (DASA) sont un atout complémentaire nécessaire.
Addiction au sexe : sources et notes
Auteur : Dr Laurent Karila, psychiatre et addictologue à l’Hôpital Paul Brousse à Villejuif (APHP) et porte-parole de SOS addictions,